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Grève générale de 72 heures : Un remake de décembre 75 ?

Publié le jeudi 15 décembre 2005 à 07h52min

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que les syndicats burkinabè n’y sont pas allés de main morte en ce dernier trimestre de l’année 2005. En effet, en l’espace d’une cinquantaine de jours, ils en sont à leur deuxième grève générale unitaire,large et nationale « contre la vie chère » selon leur propre expression.

Ainsi, après le débrayage de 48 heures observé les 26 et 27 octobre derniers, les centrales syndicales et syndicats autonomes remettent ça avec en prime un lenga (1) de 24 heures, ce qui devrait amener nombre de travailleurs à déserter leurs services les 15, 16 et 17 décembre.

En se battant ainsi, les syndicats entendent contraindre les autorités burkinabè à examiner avec diligence et à satisfaire leur plate-forme minimale revendicative, qui se décline, entre autres, en termes de relèvement des salaires et des pensions de 25%, de baisse des prix des produits de première nécessité comme les vivres, les médicaments et le carburant (essence et pétrole), d’arrêt des privatisations sauvages, de paiement, en une tranche, des droits des travailleurs déflatés, et aussi de respect par le gouvernement des engagements pris lors de la série de concertations gouvernement/syndicats, etc.

Et de fait, cette grève de 72 heures intervient à un moment où le coût de la vie ne cesse de grimper de façon vertigineuse alors que les salaires stagnent nonobstant la légère correction (4 à 5%) intervenue l’année dernière.

C’est à ce paradoxe que les syndicats veulent dire basta ! En un mot, et à les écouter, trop c’est trop tant que les marmites ne seront pas pleines.

Toujours est-il que le débrayage actuel nous ramène 30 ans en arrière lorsqu’on se rappelle l’historique grève de décembre 1975. Ceux de cette époque se souviennent en effet que les 17 et 18 décembre de cette année-là, il y a eu une grève générale qui est devenue, après le 3 janvier 66, la date fondatrice que les syndicats se plaisent à rappeler.

Là aussi, on était aux ides de décembre. Comparaison n’est peut-être pas raison parce que le contexte n’est pas le même. En 1975 en effet, les doléances purement corporatistes étaient secondaires par rapport à cette revendication fondamentale qu’était le retour à une vie constitutionnelle normale.

Cette revendication, reprise en chœur par toutes les couches socioprofessionnelles, était une réponse à la tentative du Mouvement national du renouveau (MNR), issu du coup d’Etat militaire de 1974, de s’imposer comme un parti unique.

La grève de 75 était donc éminemment politique d’autant plus qu’elle n’a pas été menée uniquement par les syndicats. Les hommes politiques, qui n’avaient plus d’autres voies pour se faire entendre depuis leur suspension, se sont en effet associés à ce mouvement pour ne pas dire qu’ils l’ont matériellement financé, stratégiquement initié et soutenu.

Pour autant, on ne saurait dire que la grève qui a commencé aujourd’hui à minuit est politiquement vierge. Il y a d’abord eu le débrayage observé en octobre, juste avant la campagne présidentielle.

La date, on en conviendra, ne fut pas choisie au hasard puisqu’il s’agissait pour les syndicats de rappeler à tous ceux qui fourbissaient leurs armes pour la conquête du pouvoir qu’ils auraient tort de faire bon marché de leurs revendications.

Le présent mouvement, quant à lui, est entamé à quelque cinq jours de l’investiture de Blaise Compaoré, le vainqueur du match présidentiel. C’est donc un message fort que les syndicats entendent envoyer au premier responsable du pays pour lui signifier que le quinquennat à venir, ils l’attendent bien au tournant.

Il est indéniable que la vie coûte de plus en plus cher au Faso. Et cela, même si évidemment l’affluence dans les bars chaque soir peut inciter un observateur non averti à penser le contraire.

Car Dieu seul sait comment les uns et les autres se débrouillent pour boucler leurs fins de mois. Viima ya kanga (1), comme nous le rappelle le célèbre groupe de rap, Karavane.

par San Evariste Barro

Notes : (1) bonus en langue nationale dioula. (2) signifie en langue nationale mooré, la vie est dure.

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Vos commentaires

  • Le 16 décembre 2005 à 10:03 En réponse à : signes de fatigue ?

    Vos notes : deux notes renvoient à 1 ; et lenga c’est du moore !

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