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Boucle du Mouhoun : En deux semaines, Dédougou enregistre près de 4 000 déplacés internes

Publié le mercredi 20 juillet 2022 à 22h20min

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Boucle du Mouhoun : En deux semaines, Dédougou enregistre près de 4 000 déplacés internes

Les incursions répétées des groupes armés dans la région de la Boucle du Mouhoun ces derniers temps, ont provoqué une ruée de personnes déplacées internes (PDI) vers la ville de Dédougou. Selon les données de la direction provinciale en charge de l’action humanitaire du Mouhoun, le nombre de PDI dans la cité du Bankuy est passé de 5 054 à 8 832 à la date du 15 juillet 2022. Le choc et l’incertitude du lendemain résument le quotidien de ces personnes.

C’est un euphémisme que de dire que la situation sécuritaire se durcit au Burkina Faso et spécifiquement dans la région de la Boucle du Mouhoun. En effet, ce sont environ 4 000 personnes déplacées internes (PDI), selon les statistiques de la direction provinciale en charge de l’action humanitaire du Mouhoun, à avoir trouvé refuge à Dédougou entre le 3 et le 15 juillet 2022. Ces populations viennent de plusieurs localités de la région, à savoir Bourasso dans la province de la Kossi et Sa, Souma et Douroula dans la province du Mouhoun.

Fuyant les exactions des groupes armés pour sauver ce qu’ils ont de plus cher, la vie, ces Burkinabé, sous l’effet de la surprise et de la panique, ont, disent-ils, abandonné la quasi-totalité de leurs biens derrière eux. C’est donc dire que ce sont les mains vides que ces hommes, femmes, vieillards et enfants ont rallié la ville de Dédougou.

En l’absence de site d’accueil temporaire (SAT) pour les abriter, les PDI nouvellement enregistrées, à l’instar des anciennes, sont dans leur écrasante majorité logées soit dans des familles d’accueil, soit en location. Toutefois, 478 personnes sont hébergées dans les salles de classe d’un établissement d’enseignement de la place. « Au niveau de la région de la Boucle du Mouhoun, nous privilégions les familles d’accueil. Mais cette fois-ci, le flux était tellement important qu’une partie de ces personnes déplacées n’ont pas pu trouver des familles pour les accueillir. Ces quelques-unes ont été hébergées sur un site temporaire », a laissé entendre la directrice provinciale en charge de l’action humanitaire du Mouhoun, Odette Meda.

Odette Méda, directrice provinciale en charge de l’action humanitaire du Mouhoun, rassure que sur le plan alimentaire des dispositions sont prises

Traumatisme et l’incertitude du lendemain

Toujours sous le choc des événements qui se sont produits à Douroula le 5 juillet 2022, Blandine Kondé (nom d’emprunt) s’est, dans un premier temps, refusée à livrer son témoignage. « J’ai peur. J’ai vraiment peur de parler de ce que j’ai vu ce jour-là », s’est-elle confiée. Assurance lui a été donnée que des dispositions sont prises au sujet de la discrétion sur son identité. Elle accepte ainsi de délier sa langue.

Avec une voix légèrement nouée et presque tremblotante, elle raconte : « J’étais au service dans le cadre de mon stage ce jour-là. Entre temps, j’ai entendu du bruit, mais je n’ai pas pensé à une attaque d’hommes armés. Personne ne les (ndlr : les hommes armés) a vus venir. Du coup, tout le village était occupé. On ne savait pas où aller. Ils sont allés vider le carburant à la station-service et piller les boutiques. Tout ce dont ils ne voulaient pas ou ne pouvaient pas emporter, ils le brûlent. Ils sont rentrés dans les concessions brûler les hangars et les greniers. Je courais sans savoir où je partais, mais je n’avais pas l’idée de me mettre à l’abri dans la maison de quelqu’un. Entre temps, les balles descendaient de partout et j’ai vu une vieille femme qui fermait la porte de sa cour. Je lui ai demandé de me laisser entrer. C’était comme si j’avais perdu conscience. »

Une opération d’enregistrement de PDI à la direction provinciale en charge de l’action humanitaire du Mouhoun

Et ce n’est pas tout. Blandine Kondé, à défaut d’être suivie psychologiquement après ce traumatisme, dit traîner toujours des séquelles. « Jusqu’à présent, si un bruit se produit autour de moi, je suis paniquée. La nuit, je fais des cauchemars. Mon sommeil est entrecoupé par des sursauts brusques », s’est-elle exprimée.

A l’instar de cette femme, Denis Dembélé se remémore dans la douleur l’attaque menée par des hommes armés contre la commune rurale de Bourasso. Pour cause, cette menée terroriste perpétrée dans la nuit du 3 au 4 juillet 2022 a, selon lui, provoqué la mort de ses cinq petits frères. « Ils ont été tués devant notre concession. Leurs corps baignaient dans le sang. Les hommes armés nous ont interdit de nous approcher des corps encore moins leur trouver des sépultures », explique-t-il.

Sa famille et lui et bien d’autres personnes ont trouvé refuge à Dédougou après l’attaque qui a fait officiellement 22 morts.

M. Dembélé de renchérir, « je n’arrive pas à surmonter le fait que j’ai abandonné les corps de mes frères derrière moi sans pouvoir leur trouver un lieu de repos. Je suis choqué par ce fait que je ne peux pas digérer ».

Si certaines personnes déplacées sont encore sous le traumatisme des événements, d’autres s’interrogent déjà sur leur sort dans les jours, les mois, voire les années à venir. Blahéma Konaté, natif de Sa, une bourgade située dans la commune rurale de Douroula, est de cette tendance.

Quelques affaires pêle-mêle de PDI entassées dans une salle de classe servant d’abri temporaire.

Pour sa part, tous leurs biens ont été soit emportés soit incendiés par les visiteurs sanguinaires de leur village. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Yacouba SAMA
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 20 juillet 2022 à 14:41, par Pamba En réponse à : Boucle du Mouhoun : En deux semaines, Dédougou enregistre près de 4 000 déplacés internes

    C’est la situation qui prévaut actuellement dans les provinces de la Kossi et du Mouhoun.
    Analysons voir. Comment dans un pays, toute un Etat, des individus environs 300 personnes armée dans des pickups et sur des motos qui arrive à traverser le Sourou passant par le Nayala et aller encercler le village de Douroula dans le Mouhoun situé à 23 km de Dédougou commetre leurs forfaits et repartir dans la tranquilité. Ces faits viennent de confirmer l’inexistence du Burkina Faso autrefois appelé PAYS DES HOMMES INTEGRE.
    Le pays est gouverné ? Avons-nous des Forces de Défense et de Sécurité qui veille sur les mouvements des personnes qui entrent et ressortent du territoire Burkinabè ?

  • Le 20 juillet 2022 à 15:48, par koh En réponse à : Boucle du Mouhoun : En deux semaines, Dédougou enregistre près de 4 000 déplacés internes

    je sais que le peuple a le droit de savoir et d’être informé de ce qui se passe au pays. Mais ce que je veut savoir est ce que cela ne fait pas aussi et surtout de publicités pour les terroristes ? En exemple actuellement en Ukraine vous n’entendrez jamais le nombre de militaires Ukrainiens tués dans cette guerre. Ce sont tant de civil tué etc. cela pour montrer comment les russes massacrent les civils pour attirer surtout sympathie et soutiens des autres.
    L’objectif des terroristes est de traumatiser les populations et surtout de montrer qu’ils ont pris le dessus.
    Je ne sais quoi vous proposer mais je pense que donner chaque fois des chiffres P D I encourage plus les terroriste à faire plus.

    • Le 21 juillet 2022 à 09:25, par kwiliga En réponse à : Boucle du Mouhoun : En deux semaines, Dédougou enregistre près de 4 000 déplacés internes

      Bonjour koh,
      Hum, ainsi, de votre point de vue, il serait mieux de cacher la dramatique réalité que subit notre pays ?
      Vous écrivez : "L’objectif des terroristes est de traumatiser les populations et surtout de montrer qu’ils ont pris le dessus.", mais n’est-ce point la réalité ?
      De mon point de vue, j’estime qu’une bonne partie de la population n’est pas suffisamment traumatisée.
      Dans tous les endroits qui ne sont pas directement touchés par le terrorisme, la vie continue comme si de rien n’était, on organise un festival du rire à Koudougou, à Ouaga, certaines boites et dancings fonctionnent jusqu’à 4 heure du matin, malgré l’interdiction, les séminaires, symposiums, plateformes de truc-bidule, pullulent, les conseils des ministres gèrent mille choses (notamment des nominations), mais n’abordent que très peu le problème du terrorisme,...
      Alors moi, j’aimerais bien qu’on soit tous traumatisés et qu’ainsi l’urgence que vit notre pays soit prise davantage en considération.
      Sinon, en Ukraine, ils n’organisent pas de festival du rire.

      • Le 21 juillet 2022 à 12:41, par koh En réponse à : Boucle du Mouhoun : En deux semaines, Dédougou enregistre près de 4 000 déplacés internes

        bonjour kwiliga
        c’est vrai c’est juste effectivement à Ouaga on ne sent pas que l’on est en guerre. Aussi plus de 60% du territoire occupé.
        Comment trouver le juste milieu ? D’une part pour ne pas traumatiser d’avantage la population et d’autre part pour décourager les terroristes.
        Si on est terrorisé comme tu le dit. j’ai peur de l’effet contraire. Au lieu de se mettre en bloque contre ses ennemies comme en Ukraine, les gents vont organiser des marches pour revendications.

        • Le 22 juillet 2022 à 10:37, par kwiliga En réponse à : Boucle du Mouhoun : En deux semaines, Dédougou enregistre près de 4 000 déplacés internes

          re-bonjour koh,
          "Au lieu de se mettre en bloque contre ses ennemies comme en Ukraine, les gents vont organiser des marches pour revendications"
          Ha, j’ai bien peur que ce que vous écrivez ne soit très juste.
          Mais alors, que faire ? Montrons notre résilience en faisant la fête, en ignorant que meurt le reste du pays, qu’avance la charia, buvons des bières tant que nous le pouvons,...
          Ou bien, marchons, pour réclamer que se réveillent enfin nos forces militaires, en espérant, qu’elles ne fassent pas preuve de leur bravoure, contre la population.

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