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Romaric L. Dala, étudiant et slameur : « On peut poursuivre deux lièvres à la fois, il suffit de savoir s’organiser »

Publié le dimanche 3 juillet 2022 à 22h00min

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Romaric L. Dala, étudiant et slameur : « On peut poursuivre deux lièvres à la fois, il suffit de savoir s’organiser »

Etudiant en troisième année au département d’études anglophones à l’université Joseph Ki-Zerbo, Romaric L. Dala est aussi un slameur qui prend de l’ascendance. D’où est venu cet amour pour le slam ? Comment arrive-t-il à concilier ses études et le slam, quelles ambitions a-t-il dans ce milieu ? Ce sont entre autres, les questions auxquelles notre interviewé a pu répondre.

Lefaso.net : Comment êtes-vous arrivé au slam ?

Romaric L. Dala Tout a débuté quand j’étais au secondaire, je suis quelqu’un qui aime beaucoup la prise de parole en public. Lorsqu’il s’agit de prendre la parole et donner son opinion, je n’hésitais pas. Déjà, il y a cet amour de la poésie qui m’animait depuis fort longtemps et lorsque je suis arrivé en seconde pour la première fois, le professeur est venu nous parler un peu de poésie, en parlant des vers, rimes et autres. C’est là-bas que j’ai découvert la poésie. Mais aujourd’hui, je crois que c’est la poésie que je respire.

Avez-vous eu un modèle dans le milieu du slam ?

Malika la Slamazone est la slameuse qui m’a beaucoup plus inspiré. Elle a été un modèle pour moi à mes débuts. Plusieurs fois, j’ai eu l’occasion de la rencontrer et nous avons même partagé des scènes ensembles.

Le slam, c’est quoi pour vous ?

Le slam c’est de la poésie déclamée, c’est un art. Tout le monde peut écrire un texte, c’est la poésie mais maintenant lorsqu’on prend ce texte on le partage à l’oral avec le public, on le déclame, c’est le slam. Pour moi, le slam c’est une arme que l’on utilise pour partager ses émotions, ses sentiments, sa vision, ses convictions, sa façon de voir le monde en réalité.

Puisque vous êtes étudiant aussi à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Comment arrivez-vous à concilier études et slam ?

Il y a une sagesse de chez nous qui dit qu’on ne peut pas poursuivre deux lièvres à la fois mais on dit aussi que si les deux lièvres se dirigent dans la même direction, il y a cette possibilité de les poursuivre. Pour moi, le slam c’est d’abord la formation psychologique et mentale. Du coup, j’arrive à concilier mes études et le slam. J’arrive même à écrire des textes en anglais. C’est vrai que ce n’est pas facile mais avec le courage et la détermination, on arrive toujours à s’en sortir. Il suffit seulement de bien s’organiser.

Le slam pour vous est un passe-temps ou vous envisagez en faire un métier ?

A la base, c’était un passe-temps pour moi et même quand je suis arrivé à l’université, je passais plus de temps à faire des partages de textes avec les autres. Mais à l’allure où vont les choses, je me retrouve dans un contexte où c’est très important pour moi de construire une carrière autour de cette passion parce que c’est dans l’intérêt de la société, de l’humanité.

Quels sont les thèmes que vous abordez dans vos textes ?

J’aborde, entre autres, la culture parce que je suis quelqu’un qui fait la promotion de l’identité culturelle, je crois beaucoup plus aux valeurs endogènes, la jeunesse, la mal gouvernance, l’éducation, l’Afrique de façon générale. En tant qu’Africain, on doit se réveiller, se mettre au travail pour que l’Afrique également soit comme les autres continents ou même les dépasser. Quand on essaie de voir, les autres sont en train de travailler corps et âme pour pouvoir se développer, s’imposer. Le constat chez nous, c’est autre chose. Dans l’une de mes chansons, je parle des Etats-Unis d’Afrique, parce que je crois aux Etats-Unis d’Afrique.

A quel public adressez-vous votre slam ?

D’abord, moi je m’adresse à la jeunesse. Comme preuve palpable, mon premier single intitulé « Ma génération » qui parle beaucoup de la jeunesse. Je crois fermement que la jeunesse est l’avenir et l’espoir de la nation. Elle est celle-là même qui peut apporter un développement réel et véritable à nos sociétés. Il y a aussi les autorités. J’écris aussi pour m’adresser aux autorités, les inviter à assumer leur responsabilité.

Est-ce que vous avez le sentiment que votre message arrive à bon port ?

Bien évidemment. Le message arrive à bon port parce qu’à chaque prestation, je le constate. On dit que ce qui touche beaucoup l’âme d’un slameur ce n’est pas une enveloppe mais lorsqu’on lui dit après sa prestation qu’on a été touché. J’ai toujours eu des retours concernant mes slams. Je crois que le message arrive à bon port et la cible est atteinte.

Quelle est votre plus belle expérience dans le slam ?

Une fois, je suis allé à une prestation où je parlais beaucoup plus de violences faites aux femmes. C’était au ministère de la Jeunesse. Durant la prestation, il y a avait une femme qui coulait des larmes parce que je parlais des violences faites aux femmes. C’est pour vous dire qu’en réalité, la parole est vraiment forte, elle peut toucher l’âme des gens.

En tant qu’artiste, cela m’a touché également de voir une maman pleurer pendant que je suis en train de prester. Après elle m’a dit qu’elle pleurait et que c’était des larmes de consolation. Elle disait que c’est juste pour me dire qu’elle a aimé ma prestation. Et elle m’encourage à persévérer. C’est la plus belle chose qui m’est arrivé.

Dans mon premier single par exemple, j’ai appelé à une prise de conscience de la jeunesse. Je le disais que je ne suis pas de cette génération qui attend tout de l’Etat et qui perd tout son temps dans les débats inutiles et futiles de Lionel Messi et de Ronaldo. C’est pour vous dire qu’il y a beaucoup de jeunes qui passaient leur temps dans l’oisiveté, l’improductivité au lieu d’être acteur du changement. Ces gens-là aujourd’hui, me remercient. Nous avons le problème du chômage au Burkina Faso où les jeunes trouvent par exemple qu’il est très difficile de trouver un emploi. Pendant qu’il y a des activités que nous pouvons faire, on peut s’en sortir, on peut évoluer, on peut réussir.

Quels sont vos rapports avec les autres slameurs burkinabè ?

Je suis très fier de tous les slameurs du Burkina. Parce qu’il y a la paix, il y a l’entente. Je peux dire aujourd’hui que si je suis devenu ce que je suis, c’est grâce aux slameurs. C’est-à-dire on est nombreux, on se croise à des compétitions. On ne voit pas seulement le trophée. Après cela, on échange, on essaie de se soutenir. Je suis fier des slameurs. Chaque jour je reçois des messages d’encouragement, de soutien et moi aussi j’en fais pareil pour les autres.

Quel est le top cinq des slameurs burkinabè selon vous ?

Déjà, je ne saurais commencer sans rendre hommage au géniteur du slam au Burkina, Ombre blanche. Après lui, nous avons Malika la Slamazone, DonSharp De Batoro, Plume Céleste, Frank Iriga.

Il existe quelle frontière entre le slam et le rap ?

Il n’y a pas une grande différence entre le slam et le rap. Mais, il y a un lien. Il faut reconnaître que le slam est comme le père du rap. Si vous remarquer très bien, les textes de slams c’est encore plus long, volumineux mais le rap c’est quelques couplets, vers. Quand vous remarquez, le temps qu’on accorde au slameur n’est pas le même avec celui du rappeur.

Sinon, on peut également faire ce qu’on appelle le slam rappé, Smarty fait du slam rappé. C’est-à-dire il prend un texte de slam et il rappe dessus. Les slameurs marquent beaucoup de pause, ils prennent leur temps pour rendre le texte. Mais en rappant, il y a un autre rythme assez rapide qu’on adopte. Sinon, à la base c’est pareil.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en ce moment ?

La difficulté c’est au niveau de la production de mes œuvres. C’est l’autoproduction présentement. J’utilise mes propres fonds pour pouvoir produire, enregistrer mes œuvres. Je peux me sacrifier pour ma réussite mais ce que nous possédons est faible. C’est pourquoi, on arrive à enregistrer des singles mais nous sommes dans l’incapacité de pouvoir faire des clips. L’art est un domaine où il faut beaucoup investir mais en tant qu’étudiant ce n’est vraiment pas facile.

Quels sont vos projets futurs ?

Je suis en train de préparer un album. Et aussi en tant que artiste slameur, je me dis qu’on ne doit pas se limiter seulement qu’à la parole. Il faudrait également que nous soyons très concrets sur le terrain et reflétons ce que nous disons. Donc pour cela, je prévois la création d’une association qui va plus en dehors de la parole, voir dans quelle mesure on va apporter notre soutien à toutes ces personnes.

Serge Ika Ki
Vidéo : Auguste Paré
Lefaso.net

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