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Seytenga succède à Solhan dans l’horreur : Le pouvoir change au Burkina, mais la réponse au terrorisme reste les journées de deuil national

Publié le vendredi 17 juin 2022 à 22h25min

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Seytenga succède à Solhan dans l’horreur : Le pouvoir change au Burkina, mais la réponse au terrorisme reste les journées de deuil national

Au Burkina, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), a chassé le 24 janvier 2022 le président élu Roch Marc Christian Kaboré pour incompétence dans la lutte contre le terrorisme, mais la situation n’a pas changé. Notre pays a-t-il compris le problème du terrorisme qui se pose à lui depuis 2015 ?

Les changements à la tête de l’Etat sont-ils une réponse aux attaques terroristes et peuvent-ils amener un changement de paradigme ? Si en fin janvier ils étaient nombreux à croire au putsch salvateur, aujourd’hui après les multiples attaques c’est avec amertume et larmes que l’on regarde le gâchis que nous avons fait de notre pays et l’on se demande comment on va s’en sortir ?

Il y a un an dans la province du Yagha dans la nuit du 4 au 5 juin 2021, le pays vivait une des tragédies les plus meurtrières de son histoire. Faut-il le rappeler ? Cette nuit-là, des adolescents armés, selon le porte-parole du gouvernement d’alors Ousséni Tamboura, avaient tué 160 personnes adultes ainsi que quelques enfants. Ce qui avait indigné l’opinion nationale c’est qu’un détachement militaire se trouvait à une quinzaine de kilomètres dans le chef-lieu du département à Sebba et ne s’est pas porté au secours des populations civiles de Solhan.

L’attaque de Seytenga du 11 au 12 juin 2022 s’est déroulée suivant le même scénario, sauf qu’elle a été précédée le 9 juin par l’attaque de la brigade territoriale de gendarmerie de Seytenga qui s’est soldée par la mort de onze gendarmes. Le pays est sous le choc de cette nouvelle démonstration de son extrême vulnérabilité face aux groupes terroristes qui, au Nord, au Centre-nord, à l’Est, au Sahel et dans la Boucle du Mouhoun, agissent en véritables maîtres du territoire au dam des militaires qui ont chassé le régime civil. Cette armée efficace pour les coups d’Etat semble aux abonnés absents quand la population civile a besoin de son aide et de sa protection.

Seytenga, la dernière victime, est une localité stratégique située près de la frontière nigérienne, à 47 km de la ville de Dori, la capitale de la région du Sahel et chef-lieu de la province du Séno. C’est un grand marché à bétail régional et il est situé sur l’axe le plus emprunté et qui semblait jusque-là le plus sécurisé pour rejoindre le pays voisin du Niger. C’est une porte de sortie qui se ferme et les populations sombrent de plus en plus dans le désespoir même à Ouagadougou où les hauts gradés de l’armée se sont terrés laissant la guerre aux jeunes soldats et gendarmes.

Nous entendons parler des guerres de Russie et d’Ukraine où apparemment les chefs ne font pas que tracer pas les plans de bataille à Moscou mais sont au front avec leurs hommes et meurent avec eux s’ils ont pris les mauvaises décisions. Chez nous ce n’est pas le cas et c’est ce qui fait mal, très mal. Les réfugiés burkinabè sont signalés au Togo en Côte d’Ivoire et ceux de l’intérieur qui avoisinent les deux millions de personnes sont appelés par l’euphémisme de personnes déplacées internes.

Cette guerre n’est pas comme les autres. On peut l’appeler par tous les noms que l’on veut, mais là n’est pas la question. C’est une guerre contre les populations locales, c’est une guerre contre les civils. C’est eux qui paient le plus lourd tribut de cette lutte contre cet ennemi que les pouvoirs successifs n’arrivent pas à identifier et qui frappe là où il veut, quand il veut, dans tout notre pays. S’il fallait encore le prouver que ces groupes terroristes n’ont rien à voir avec une religion, à Seytenga ils ont choisi sans hésiter entre les hommes et les bêtes. Aux uns ils ont enlevé leur vie et les autres ils les ont emportées.

Les hommes armés qui ont effectué ces tueries n’ont pas trouvé chez les habitants de Seytenga, des frères, fils du même Dieu qu’eux, ils ont tué systématiquement tous ceux qu’ils ont trouvés plus de 170 selon les réseaux sociaux, moins d’une centaine selon le gouvernement. Notre pays est victime d’agresseurs qui peuvent faire ce qu’ils veulent sans que l’autorité puisse réagir. Cette absence de réaction et d’anticipation est aussi à l’œuvre avec les détournements de camions de citernes de produits pétroliers dans les zones à haut défis sécuritaires, plus de 14 dans la région de l’Est ces derniers jours. Mais notre gouvernement n’a pas la réponse au problème.

Le MPSR doit se concentrer sur la lutte contre le terrorisme

L’opinion se disait que maintenant que les militaires ont tous les leviers du pouvoir d’Etat en main, leurs réactions et ripostes contre les groupes terroristes empêcheraient de tels drames de se répéter. Le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba avait, lors d’un discours, annoncé que les résultats attendus de l’action de la junte au pouvoir contre le terrorisme seraient visibles dans cinq mois.

L’échéance est proche, dans deux mois et on n’a pas encore vu un début de changement notable. Force est de constater que l’ennemi est partout à l’assaut et s’il arrive que nos forces de sécurité le mettent en échec, les nouvelles de décès sont toujours plus nombreuses.

Les sages qui avaient été consultés par les auteurs du coup d’Etat avaient fait de bonnes propositions, mais le MPSR s’est laissé embarquer par les entrepreneurs politiques et les politiciens revanchards et a délaissé l’objectif principal de son coup d’Etat. Il peut se ressaisir, recadrer son action sur l’essentiel pour sauver le pays, en revenant aux valeurs morales de son premier discours, au patriotisme qui, seul, peut nous sauver. Ceux qui sont venus pour les sous aux cris de c’est notre tour de bouffer ne seront pas contents, mais c’est ainsi que le pays sera sauvé par les patriotes.

Sana Guy
Lefaso.net

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