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Menaces des aires protégées : Vers des réponses sous régionales pour la conservation durable des espaces

Publié le mardi 31 mai 2022 à 12h40min

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Menaces des aires protégées : Vers des réponses sous régionales pour la conservation durable des espaces

L’existence des aires protégées de la région ouest africaine est de plus en plus menacée par les fléaux comme le braconnage, le commerce illicite d’espèces sauvages, la coupe illicite du bois, auxquels viennent s’ajouter désormais les attaques des groupes armés. Face à cette insécurité généralisée à l’origine de la perte de diversité faunique dans les aires protégées des pays du Sahel, l’Union internationale pour la conservation de la nature/Programme Afrique centrale et occidentale (UICN-PACO) a initié la première réunion de coordination régionale des aires protégées d’Afrique de l’Ouest. C’était le lundi 30 mai 2022 à Ouagadougou.

Les experts des aires protégées d’Afrique de l’Ouest se sont rassemblé les 30 et 31 mai 2022 à Ouagadougou pour mener une réflexion poussée sur les fléaux qui minent ces espaces de leurs pays respectifs. Ce, en vue de fédérer leurs connaissances et expériences pour trouver ensemble les réponses idoines à la lutte contre la criminalité environnementale, mais aussi aux risques climatiques et une gestion efficace des aires protégées.

« Dans mon pays au Mali, les aires protégées sont confrontées à diverses difficultés telles que le terrorisme, les conflits entre communautés, les changements climatiques. Toute chose qui rend pratiquement impossible la gestion efficace de nos aires protégées de nos jours », a mentionné l’inspecteur général Kanouté Fatoumata Koné, directrice nationale des Eaux et forêts du Mali.

L’inspecteur général Kanouté Fatoumata Koné, directrice nationale des Eaux et forêts du Mali

Elle dit être présente au même titre que les autres au regard des défis à relever qui dépassent les compétences d’un seul État. « Nous sommes donc là dans le cadre de la première réunion du dispositif de coordination des aires protégées en Afrique de l’Ouest, en vue d’aboutir à des recommandations pertinentes », a-t-elle situé. À l’instar du Mali, bien d’autres pays ont été représentés comme le Niger, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie et la Guinée Bissau.

Selon Barnabé Kaboré, directeur général des Eaux et forêts du Burkina Faso il faut innover, apprendre des meilleures pratiques qui existent ailleurs et promouvoir la création de solutions pour la gestion durable des réserves de faune, a-t-il planté ainsi le décor à l’ouverture des travaux. Pour lui, les attaques des groupes armés aggraveront les causes actuelles de la perte de diversité faunique que sont notamment l’absence de financement durable et l’insuffisance des capacités techniques et opérationnelles des acteurs de la conservation.

Barnabé Kaboré, directeur général des Eaux et forêts du Burkina Faso

L’objectif global de cet atelier est de susciter et d’animer une dynamique de collaboration entre acteurs engagés dans la gestion des aires protégées, autour de la problématique de la crise sécuritaire sous régionale qui compromet l’avenir de ces espaces verts. Il se tient dans le cadre du Programme d’appui à la préservation de la biodiversité et des écosystèmes fragiles, à la gouvernance environnementale et au changement climatique en Afrique de l’Ouest (PAPBIo).

C’est dans ce sens qu’a été engagé un processus de mise en place d’un dispositif régional de coordination, de gestion et de suivi des aires protégées dans la zone ouest africaine, à travers la composante “Gouvernance régionale et sécurité” du PAPBIo. « Les aires protégées ou encore aires de conservation n’ont pas pour rôle de constituer des zones de refuge pour les hommes armés », a déploré Dr Arsène Sanon, coordonnateur de projet à l’UICN, actuellement chargé du projet Gouvernance régionale des aires protégées en Afrique de l’Ouest.

Dr Arsène Sanon, coordonnateur de projet à l’UICN, actuellement chargé du projet Gouvernance régionale des aires protégées en Afrique de l’Ouest

« Comment nous amenons ces espaces à être des leviers pour les économies vertes de notre région ? Voici ce à quoi les experts vont s’essayer afin de formuler des recommandations réalistes et raisonnables qui seront proposées aux décideurs », a-t-il expliqué

À entendre Cheick Tidiane Kané, représentant de la CEDEAO et de l’UEMOA, la gestion des aires protégées et de la biodiversité fait certes partie des priorités des États, qui face à leurs situations économiques sont confrontés de façon générale à la “tyrannie des priorités”. « Pour être une personne très proche du niveau décisionnel, je sais à quel point tout est prioritaire en ce moment. Même si vous hiérarchisez les choses, un évènement externe peut venir bouleverser tout le processus de développement mis en place. Mais qu’à cela ne tienne je crois qu’il sied déjà de saluer les efforts qui sont faits dans ce sens malgré la modicité des moyens », a-t-il indiqué.

Cheick Tidiane Kané, représentant de l’UEMOA et la CEDEAO

La nécessité de l’accompagnement des PTF

Ainsi, M. Kané estime donc que l’accompagnement des partenaires techniques et financiers s’avère capital pour venir à bout des problématiques évoquées. Pour lui, l’un des éléments essentiels de la raison d’être des présents travaux est aussi de cogiter sur « comment prendre en compte l’implication du secteur privé dans la gestion des aires protégées ». « Le risque qu’il y a, si l’on n’arrive pas à trouver aujourd’hui une solution durable, on risque de réorienter une bonne partie de ce financement vers d’autres contextes transfrontaliers et ce serait vraiment dommage », a-t-il prévenu.

La réunion des ministres en charge de l’environnement prévue par l’UEMOA, le 17 juin 2022 à Dakar sera bénéficiaire des conclusions de l’atelier régional sur les aires protégées de Ouagadougou. L’Union européenne (UE) soutient la gestion durable d’aires protégées en Afrique de l’Ouest depuis plusieurs dizaines d’années à travers le programme PAPBIo.

Les participants à l’atelier régional sur les aires protégées de Ouagadougou

Et le soutien à la biodiversité s’est largement diversifié avec les programmes PAPFor (Programme d’appui à la préservation des écosystèmes forestiers en Afrique de l’Ouest) et PAPBIo qui couvre une plus large part des paysages prioritaires de conservation de la sous-région. « La nouvelle programmation de l’UE pour la période 2021-2027 intègre à nouveau des soutiens conséquents à la gestion durable de la biodiversité. Les paysages prioritaires de conservation sont identifiés dans le programme Nature Africa », a précisé Joël Neubert, représentant de l’UE.

À en croire M. Neubert, « qui dit paysage, dit maintenant actions de conservation ». « C’est plutôt classique », a-t-il poursuivi, en spécifiant qu’il s’agit aussi des actions de soutien aux populations périphériques et des actions qui visent une meilleure gouvernance espérée plus participative.

« Le corps des eaux et forêts burkinabè est mal équipé et mal formé à la situation d’insécurité grave », a montré Joël Neubert, représentant de l’UE

La partie du WAP burkinabè est en insécurité grave

Le complexe tri national du W-Arly-Pendjari (WAP) nécessite une réflexion profonde pour la bonne prise en compte de la problématique d’insécurité des domaines protégés des États, a-t-il laissé entendre. « La diversité des modalités de gestion des aires protégées de ce complexe, offre une diversité de situations sécuritaires », signale le représentant de l’UE.

Rappelant entre autres que les parcs de la Pendjari du W au Bénin sont en délégation de gestion avec un opérateur privé avec une forte participation des forces armées béninoises. Tandis que les parcs d’Arly au Burkina Faso sont en gestion par des structures dédiées de l’État avec des implications plus ponctuelles et limitées de l’armée nationale. « La partie du WAP burkinabè est en insécurité grave et les parcs d’Arly et du W, de même que les zones de chasse périphérique sont aux mains de groupes armés et globalement hors de contrôle », a-t-il affirmé.

Les évènements récents montrent que l’insécurité se propage progressivement dans les autres parties du complexe WAP remettant en question la cohérence de l’ensemble régional selon lui.

Y ont pris part aux travaux les directeurs généraux/nationaux des administrations de tutelle des aires protégées des États membres de la CEDEAO et la Mauritanie, les gestionnaires d’aires protégées d’Afrique de l’Ouest, les bailleurs, les ONG de conservation, le secteur privé actif dans la région…

Hamed NANEMA
Lefaso.net

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