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Casse-auto et vente de ferraille : Un business en plein essor à Ouagadougou

Publié le mercredi 11 mai 2022 à 22h10min

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Casse-auto et vente de ferraille : Un business en plein essor à Ouagadougou

Au Burkina Faso, particulièrement à Ouagadougou, le secteur de la casse-auto et la vente de ferraille est pourvoyeur de revenus et d’emplois. Ils sont nombreux, les Burkinabè qui excellent dans le domaine même s’ils sont dans l’ombre tout comme l’activité elle-même.

Sylvestre Kaboré est un jeune garçon d’une vingtaine d’années à qui la vie n’a pas fait de cadeau. Contrairement aux enfants de son âge, sa scolarisation a tourné court faute de moyens financiers de ses parents. Pour subvenir à ses besoins et aider du mieux qu’il peut sa mère à supporter les charges de la famille, il décide de se lancer dans le secteur informel. Il fait ses premières armes dans le commerce de « fer mort ».

A l’époque, il n’avait que 15 ans. Mais la tâche n’est toujours pas aussi simple, comme l’imaginait ce jeune revendeur. Sur pied depuis 5 heures du matin, nous le rejoindrons à 7 heures au quartier Rimkièta où il exerce son business. Sur le lieu, notre œil est vite attiré par un tas de ferrailles constitué entre autres, de cadres de vélos et de motos, de plaques de tôles ou de canettes vides.

Sylvestre Kaboré

M. Ouédraogo est le premier responsable des lieux. Le chef lui donne chaque matin une somme comprise entre 10 000 et 15 000 francs CFA comme fonds de roulement, à rembourser le soir venu. Muni d’un chariot, ce dernier fait le tour des garages et des dépôts de la ville, souvent sous un soleil ardent, pour acheter et revendre sa collecte. Il ne regagne son domicile que la nuit tombée. Son gain journalier varie en fonction du marché.

Les jours fastes, il peut empocher la somme de 50 000 F CFA. « Sur ma recette du jour, je déduis la somme empruntée auprès de mon patron », nous confie-t-il. Grâce à ses économies, M. Kaboré mène en parallèle d’autres activités dont le jardinage qui lui apporte entière satisfaction.

Comme lui, ils sont nombreux, ces jeunes, adultes et vieux, qui s’adonnent à des activités similaires. Parmi eux, Alboul Nikiéma. Depuis une dizaine d’années, ses frères et lui perpétuent l’œuvre de leur défunt père à Kout-yaar (marché du fer), un vaste marché qui s’étend du quartier Larlé à celui voisin, Rimkièta. Nous y avons fait un tour pour mieux percer le mystère. Dès notre arrivée, nous avons été accueillis par une forte senteur de rouille émanant des tas de fer disposés un peu partout. Pendant que les uns et les autres s’affairent à découper de grosses barres de fer à coups de burin, M. Nikièma lui est en pleine discussion avec un client au téléphone. En cette période de l’année, le marché n’est pas favorable compte tenu de la crise sécuritaire mais aussi d’autres aléas.

Pour Alboul Nikiéma ses activités tournent au ralenti

S’exprimant sur son mode d’approvisionnement, cet opérateur de la ferraille dit avoir un carnet d’adresses bien fourni. Ces fournisseurs sont majoritairement constitués de jeunes revendeurs. Il s’approvisionne également auprès d’autres personnes notamment des connaissances. Non loin de là, il faut tout de même faire un grand détour pour y accéder, Adama Zongo est spécialisé dans la casse-auto et la vente de ponts de roues de véhicule.

Dans le cadre de son activité, ce dernier achète des camions auprès de garagistes de la place. « On démonte les véhicules pour en retirer toutes les pièces en bon état susceptibles d’être réutilisées afin de les vendre en détail. De même que les pièces non récupérables », explique-t-il. Ce travail fastidieux implique plusieurs personnes.

Marié et père de trois enfants, M. Zongo semble être à l’aise avec son métier. Lorsque la chance lui sourit, il peut se retrouver avec la coquette somme de 200 000 à 250 000 francs CFA en une journée. Le marché est certes porteur, mais fluctuant, selon Boureima Porgo, un autre spécialiste de la casse-auto. « On peut gagner comme on peut perdre. Il m’est déjà arrivé d’acheter un véhicule à 1 million de franc CFA et revendre les pièces à 500 000 francs CFA ou encore moins », se rappelle-t-il.

Selon Adama Zongo son business lui apporte satisfaction

Dans le domaine de la casse-auto, contrairement aux pièces lourdes, l’écoulement de la ferraille est plus facile même si le prix n’est pas toujours à la hauteur des attentes des acteurs de la filière. « La tonne de ferraille s’élève à 190 000 F CFA. Pourtant, un véhicule n’est pas composé que de fer », soutient M. Porgo. Malgré cette difficulté, il dit tirer son épingle du jeu, lui qui emploie une dizaine de personnes. Cet effectif peut augmenter en fonction du marché.

Un repère de voleurs ?

Ce vaste endroit de business traîne une mauvaise réputation de gîte pour voleurs. Les riverains que nous avons approchés se plaignent également des bruits assourdissants et de l’insalubrité du sol. De par le passé, les autorités municipales (au temps du maire Simon Compaoré) avaient pris des mesures pour assainir et sécuriser les quartiers Larlé et Rimkièta, anarchiquement occupés par les acteurs de la casse-auto et de la ferraille. Dans cette dynamique, un site leur a été attribué à Bissighin, à la sortie nord de la ville de Ouagadougou, afin qu’ils puissent mener sereinement leur business.

Si certaines personnes y ont construit pour parquer des carcasses de voitures ou ont vendu leur espace, on compte du bout des doigts celles qui ont investi les lieux pour mener leurs activités. Parmi les rares personnes, il y a Ladji Abdoul Rasmané Ouédraogo connu sous le pseudonyme de Rasmane Koutou (fer en langue mooré).

Vue du site des acteurs de la filière

Ce dernier qui dit être le premier occupant est arrivé le 4 mai 2007, plus d’un an après l’attribution du terrain. Sans langue de bois, il revient sur les circonstances qui l’ont conduit sur ce site. « J’exerçais mon activité de casse-auto à Kout-yaar. Suites aux plaintes des autochtones auprès des autorités municipales, nous avons engagé des démarches afin que la mairie nous trouve un autre cadre. Dieu merci, cela a été fait », confie-il.

Toutefois, la vie dans cette partie de Ouagadougou n’est pas facile, tant les difficultés sont nombreuses : mauvais état de la route, problème d’eau et d’électricité. Sans oublier l’insécurité. Outre ces insuffisances constatées sur le terrain, le vieux Rasmane Koutou pointe du doigt aussi l’absence d’un centre de santé. Or, dans le domaine de la casse-auto, les incidents ne préviennent pas. « Nous ne disposons pas non plus d’un document qui atteste que telle ou telle portion du site appartient à un individu », dénonce-t-il.

Rasmane Koutou interpelle les autorités

Cette situation risque d’avoir des conséquences dommageables si rien n’est fait pour y remédier. L’administration étant une continuité, le sexagénaire souhaite que les nouvelles autorités puissent se pencher sur leur cas. Seul au départ, il a, aujourd’hui, un nouveau voisin, Didier Guissou. Ce mécanicien de gros véhicules y est installé il y a à peine deux mois. Il se désole de la rareté des clients. Cela ne le décourage pas pour autant, car, dit-il, tout travail comporte des épreuves.

Les ferrailleurs veulent exporter leurs marchandises

Autrefois, la ferraille étaient exportée vers des pays comme le Ghana et le Togo. En 2019, le gouvernement a décidé de la suspension de l’exportation du fer afin d’accompagner le développement des industries de la fonderie au Burkina, en assurant la disponibilité de la ferraille au plan national. Cette restriction a fait et continue de faire des mécontents.

Selon le président du syndicat national des commerçants de ferraille du Burkina, Mohamed Dakouo, le Burkina compte environ 300 000 ferrailleurs

« Dans la ferraille que nous achetons, il y a l’acier, la fonte et les ferrailles légères. CIM-METAL ne travaille seulement qu’avec les ferrailles légères qui ne représentent que 20% de nos marchandises. Nous ne sommes pas contre l’industrie de transformation des ferrailles mais nous voulons simplement qu’on nous autorise à exporter les ferrailles qu’elle ne demande pas », plaide le président du Syndicat national des commerçants de ferrailles du Burkina (SNCFB), Mohamed Dakouo.

Outre ce couac, le contrôle environnemental exaspère également les ferrailleurs. Afin d’œuvrer pour la libre circulation des biens, des démarches avaient été entreprises auprès des ministères en charge du commerce, de l’environnement et des finances. Des engagements avaient été pris à cet effet. « Les autorités nous avaient promis qu’un arrêté sera pris.

Nos prestations sont à moindre coût, dixit le chef de service prévention des pollutions et des nuisances à la DGPE, Anselme Somé

Malheureusement, depuis décembre et ce jusqu’à ce jour, personne n’a pu obtenir un quelconque document lui permettant d’exporter la ferraille. Au préalable, pour avoir un avis favorable du ministère de l’Environnement dans le cadre de notre activité, il faut débourser au moins 800 000 francs CFA. Une somme qui n’est pas à la portée de tous les ferrailleurs », s’offusque le président du SNCFB. Pourtant, en plus de nourrir son homme, la filière est pourvoyeuse d’emplois, selon lui.

 

Nous avons approché la Direction générale de la protection de l’environnement (DGPE) pour vérifier les dires de M. Dakouo relatifs aux frais de délivrance de l’autorisation de collecte de stockage, de transport, de traitement et de valorisation des déchets.

Le chef de service prévention des pollutions et des nuisances à la DGPE, Anselme Somé, nous a grandement ouvert son bureau. Sur la question, il clarifie les choses : « Tout ce que le promoteur paye à la DGPE, c’est quinze.milles francs CFA pour les frais de secrétariat. Ensuite, il paye le coût de la mission d’investigation ou la mission de contrôle lorsqu’il s’agit d’un renouvellement d’autorisation. Le coût de la mission d’investigation à Ouagadougou est évalué à 40 000 francs CFA. Hors Ouaga, les frais de déplacement se déclinent comme suit : 27 000 par jour (trois agents au total) et 2 000 francs par jour pour le chauffeur ».

 

L’autorisation de collecte de stockage, de transport, de traitement et de valorisation des déchets se fait sur la base de l’article 53 du code de l’environnement du Burkina Faso qui stipule que toute structure doit avoir l’autorisation du ministère de l’Environnement.

Dans ce sens, le promoteur soumet un dossier qui comporte une demande timbrée adressée au DGPE, une copie du registre de commerce et de crédit mobilier, un arrêté de faisabilité ou de conformité environnementale, un avis favorable de la collectivité territoriale et une description du processus de gestion des déchets solides dangereux.

 

Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 12 mai 2022 à 07:20, par kwiliga En réponse à : Casse-auto et vente de ferraille : Un business en plein essor à Ouagadougou

    "il faut débrousser au moins 800 000 francs CFA"
    Et pour "débrousser", il faut en couper des feuilles...
    Blague à part, avec les gains que vous annoncez ici : "Les jours fastes, il peut empocher la somme de 50 000 F CFA par jour", "Lorsque la chance lui sourit, il peut se retrouver avec la coquette somme de 200 000 à 250 000 francs CFA en une journée", vous allez envoyer toute notre jeunesse... à la ferraille.

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