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Séni Nana, imam à l’AEEMB et au CERFI : « Le jeûne ne rime pas forcément avec perte de poids »

Publié le mercredi 13 avril 2022 à 13h21min

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Séni Nana, imam à l’AEEMB et au CERFI : « Le jeûne ne rime pas forcément avec perte de poids »

Dans une interview accordée à lefaso.net, Séni Nana, imam de l’AEEMB et du CERFI, a invité l’ensemble des musulmans à pratiquer la charité en ce mois béni du Ramadan qui a débuté le dimanche 3 avril 2022.

Lefaso.net Pourquoi le démarrage du jeune du Ramadan ne se fait pas de façon unanime à travers le monde et même dans un même pays ?

Imam Séni Sana : Effectivement, à l’entrée du Ramadan, nous observons souvent des décalages. Par exemple, cette année, nous avons débuté après l’Arabie Saoudite et d’autres pays. La Côte d’Ivoire, qui est un pays voisin, a débuté avant nous et c’est ainsi chaque année. Il faut dire que l’entrée du Ramadan se fait par l’observation du croissant lunaire. La règle, c’est que vous devez observer le croissant lunaire avant de jeûner.

De cette règle, découle beaucoup d’interprétations notamment, comment est-ce que nous devons observer le croissant lunaire ? Devons-nous le considérer parce qu’un pays voisin l’a vu où est-ce que nous devons l’observer sur notre aire géographique ? L’option qui a été retenue au niveau de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), qui est l’autorité supérieure en matière de questions islamiques au Burkina, c’est que nous devons observer le croissant lunaire sur le sol burkinabè. Si nulle part ailleurs, nous n’avons vu la lune, nous sommes en droit de dire que nous n’avons pas vu la lune et différer d’un jour, le début du mois de Ramadan.

C’est en fait le mois qui précède le mois de Ramadan, à son 29ème jour que l’on cherche la lune. Si on ne la voit pas, on considère que ce mois est à 30 jours. Parce que dans le calendrier lunaire, chaque mois a soit 29 ou 30 jours. Donc si la lune ne sort pas le 29e jour, on considère que le mois est à 30 jours. C’est ce qui est arrivé cette année, et c’est ce qui va toujours arriver, même dans les années à venir. La lune peut sortir, mais c’est la vue qui est importante. Si nous ne l’avons pas vue, nous différons le début du Ramadan d’un jour.

On pouvait choisir une autre règle qui tient aussi. En islam c’est ça. Vous pouvez avoir plusieurs manières de faire, et toutes ces manières de faire tiennent la route. C’est dans cette situation que nous nous trouvons. Et même dans le même pays, nous pouvons avoir des divergences de vues, mais cela n’est pas normal pour le cas de la vision de la lune. Quand vous êtes dans le même pays, vous devez pouvoir vous accorder et suivre les mêmes règles. Mais il peut arriver que, de part et d’autre, des personnes ne soient pas du même avis ou aient un comportement contraire à la tendance générale de l’heure.

Quel est le sens de cette fête ?

Le mois de Ramadan est un mois d’adoration. Quand vous prenez les grandes fêtes musulmanes à savoir le Ramadan et la Tabaski, ce sont des fêtes qui interviennent après une période d’adoration. La fête de Ramadan intervient après le mois du jeûne de Ramadan, et la Tabaski intervient après le Hadj. C’est pour clôturer cette adoration qu’on célèbre par une prière, qui est la prière de la fin du Ramadan. Après la prière, les musulmans se doivent de se féliciter, et de festoyer en fonction de leurs moyens, de leurs réalités, pour témoigner leur reconnaissance à Dieu qui leur a fait grâce en leur permettant d’atteindre ce jour. C’est tout l’intérêt de cette célébration de la fête de Ramadan.

Quels sont les bienfaits du jeûne ?

Les bienfaits du jeûne sont multiples. D’abord, le mois de Ramadan c’est le mois du Coran. C’est le mois durant lequel le Coran a été révélé. Le jeûne, c’est la seule action que le musulman fait et dont la récompense est strictement réservée auprès d’Allah, parce qu’il dit dans un hadith que « tout ce que ses serviteurs font, ils ont leurs récompenses, sauf le jeûne où c’est lui seul qui connaît la récompense et l’a réservée pour son serviteur ». C’est donc dire qu’il y a un grand mérite au jeûne du mois de Ramadan et au jeûne de façon globale. Le jeûne a beaucoup de bienfaits d’ordre social, sanitaire. C’est un acte de grand mérite. C’est un acte de haute spiritualité. C’est un acte qui nous permet de nous rapprocher d’Allah parce qu’il a dit : « on vous a prescrit le jeûne comme il a été prescrit à ceux avant vous, pour que vous atteignez la piété ». C’est cette piété que tout musulman recherche.

Est-ce que le jeûne rime avec perte de poids ?

Le jeûne ne rime pas forcément avec perte de poids, parce qu’on peut jeûner et prendre du poids. Le mois de jeûne est souvent aussi le mois pour certaines personnes de consacrer tout le mois en étant en adoration, en prenant un congé et en étant dans les assises. Par exemple, pour quelqu’un dont le travail est la maçonnerie, ce n’est pas évident que durant le mois de Ramadan il puisse exercer comme auparavant. Donc cette personne peut prendre du poids en fonction du temps de repos qu’il prendra durant ce mois de Ramadan. Mais il n’est pas normal de façon globale qu’au sortir du mois de Ramadan, nous prenons du poids. Mais le Ramadan est aussi l’occasion pour certains ménages, d’améliorer leurs repas, cette amélioration peut provoquer des augmentations de poids et non des pertes de poids.

Qu’avez-vous à dire à ceux qui se plaignent de la canicule de cette année ?

Il n’y a pas à craindre la chaleur en cette période de jeûne, parce que le jeûne intervient dans nos habitudes. Nous sommes habitués au soleil au Burkina Faso et quand le jeûne arrive, c’est pour nous rappeler la situation de bien de personnes qui vivent cela même en dehors du Ramadan. Au Burkina vous avez des personnes qui n’ont pas assez à manger et durant toute l’année, ils sont quelque peu en jeûne. Le jeûne nous rappelle leurs situations et nous interpellent sur notre obligation et notre responsabilité à porter secours à ces personnes.

Il n’est pas rare de voir dans les quartiers les musulmans occuper des espaces pour les prières. Est-ce que cela est normal à votre avis ?

Il faut dire qu’on observe que la prière dans les quartiers où dans certains endroits se fait, on peut le dire, de façon illégale, dans certains espaces publics. Cela concerne les prières musulmanes ou d’autres types d’activités que nous avons dans notre pays. Mais cela fait partie de notre tradition de tolérance qu’on connaît dans notre pays parce que les espaces publics ont des destinations qui sont souvent autres que celles pour lesquelles nous les utilisons. Vous verrez des espaces publics transformés en maquis à ciel ouvert, d’autres souvent même en domiciles d’habitation. Le Burkina a une tradition de tolérance de vivre ensemble qui a permis cela. Aussi, les musulmans dans certains quartiers, n’ont pas assez de lieux de cultes.

Dans notre schéma d’aménagement global de nos villes, on n’a pas assez prévu ce volet, si fait qu’ils doivent prier, mais comment s’y prendre ? Souvent ils se retrouvent à transformer une parcelle d’habitation en lieu de culte qui est souvent exigüe par rapport à leur nombre. Cela peut les obliger à une occupation de l’espace public et souvent de la voie publique pour leur culte. Mais je pense que jusqu’aujourd’hui, on s’est toujours compris. Même s’il y a parfois quelques excès, on s’est toujours compris par rapport à cela, si fait que personnellement, quand j’observe les dimanches ou samedis des voies occupées pour des prières, je trouve une autre issue pour continuer ma route au lieu d’en faire un problème.

Est-ce qu’il y a une solution palliative à cela ?

La solution c’est que l’autorité travaille à revoir l’aménagement des villes et faire en sorte que les habitants puissent exprimer leurs besoins spirituels. Ils l’exprimeront toujours même si l’autorité ne prend pas en charge ce volet. Mais pour l’instant, je ne saurai dire quelle peut être la solution, parce que depuis des dizaines voire des vingtaines d’années, des lieux de culte existaient mais n’avaient pas pour destination d’être des lieux de culte. Ils existent de fait. Comment doit-on faire par rapport à cela ? Je pense que la discussion doit prendre en compte cela aussi.

Le Ramadan, acte spirituel, est aussi un moment de charité. Que doit faire tout musulman durant ce mois ?

Le Ramadan nous amène à gouter à la soif, à la faim, chose qui est le quotidien de beaucoup de musulmans. Nous sommes interpelés à aider ces derniers. C’est l’occasion pour l’ensemble des musulmans de beaucoup pratiquer la charité. On dit que le prophète Mouhammad était charitable mais il donnait encore plus durant le mois de Ramadan. C’est à nous aussi de savoir copier cela et faire en sorte que toutes les personnes qui sont sur le sol burkinabè et qui sont dans quelque besoin que ce soit, que nous n’hésitons pas un seul instant à être un secours pour ces derniers.

Comment se passe la rupture du jeûne à l’AEEMB et au CERFI ?

Chaque soir, on a ce qu’on appelle la rupture collective qui est offerte à tous ceux qui viennent à ces sièges. Si vous prenez les sièges au plan national de l’AEEMB comme du CERFI, les rectorats des mosquées s’organisent pour offrir à rompre aux fidèles. Cette rupture est faite de façon organisée de sorte que toute personne qui veut contribuer à l’organiser, vienne leur donner de quoi gérer cette rupture. Dans ces aires de prière, les fidèles musulmans peuvent avoir de la bouillie, des galettes, des spaghettis, divers types d’aliments qui peuvent être consommés à la rupture.

Un musulman qui voudrait vous apporter un appui en ce mois béni du Ramadan à qui doit-il s’adresser ?

Il faudrait prendre attache avec la représentation de la structure. Si vous êtes à Ouagadougou vous avez facilement accès soit au siège de l’AEEMB, soit au siège du CERFI. En province également, ces structures ont des représentations. Avec ces représentations, vous pouvez donner de quoi rompre le jeûne. Vous avez également les mobiles money, les numéros sur lesquels vous pouvez envoyer vos contributions. Tout cela participe à faciliter la collecte et la distribution pour la rupture.

Les ruptures collectives sont-elles récentes ou bien c’est une tradition à l’AEEMB et au CERFI ?

Nous l’avons toujours fait. Personnellement, je ne sais pas à quelle année cela remonte, mais on l’a toujours fait. J’ai connu cela quand j’étais étudiant et j’ai aussi participé à son organisation. Maintenant je suis dans la vie professionnelle et je vois que cela continue toujours. C’est une activité à perpétuer et à améliorer de façon continue.

Interview réalisée par Aïssata Laure G Sidibé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 13 avril 2022 à 16:35, par Validation du carême En réponse à : Séni Nana, imam à l’AEEMB et au CERFI : « Le jeûne ne rime pas forcément avec perte de poids »

    Normalement le carême doit être validé. On doit être en mesure de valider son carême à la fin :
    Parmi les critères de validation, il y a la perte de poids. Avant le carême si je pèse 70 Kg, normalement à la fin du mois de carême, sous ce soleil ardent de 40 à 42°C, je dois peser moins que 70 Kg, même si c’est 69 kg mais pas 71 Kg ou plus. Il y a aussi les autres critères comme le bon comportement envers les autres, la prière, etc. Donc en résumé, avant le carême je dois avoir une idée de mon poids et après le carême, ce poids doit être inferieur à celui d’avant le carême, pas égal ou superieur. Sinon le carême n’est pas validé. Fo pa fassé, nou fai analis logik. Bon mois de carême à tous. Rendez- vous au Ramadan pour la fiesta.

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