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Mois de ramadan au Burkina : La canicule et la flambée des prix compliquent le jeûne à Koudougou

Publié le mardi 12 avril 2022 à 22h55min

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Mois de ramadan au Burkina : La canicule et la flambée des prix compliquent le jeûne à Koudougou

Depuis le 3 avril, les musulmans de Koudougou, "la cité du cavalier rouge" à l’instar des autres localités du Burkina, observent le jeûne du mois de ramadan marqué cette année par le contexte de la vie chère et de l’insécurité. Un mois durant lequel tous les fidèles musulmans ayant l’âge requis ne doivent pas manger, boire, fumer, ni entretenir de rapport sexuel de l’aube au coucher du soleil. Comment les fidèles musulmans du Boulkiemdé abordent-t-il ce jeûne dans ce contexte particulier ? Qu’est-ce qui a changé dans leurs habitudes ? Lisez plutôt.

Le jeûne du mois de ramadan constitue l’un des cinq piliers de l’islam. C’est un mois selon la tradition musulmane, qui correspond au 9e mois de l’année de l’Hégire durant lequel les musulmans réaffirment leur foi et leur dévouement envers Allah en respectant une période de jeûne. A Koudougou, les fidèles musulmans ne dérogent pas à cet 3e pilier de l’islam. Ils sont nombreux à l’observer malgré le contexte de vie chère, la canicule et l’insécurité grandissante. Ainsi, 30 jours durant, chaque fidèle doit se préserver de manger, boire, fumer, ni avoir de rapport sexuel de l’aube au coucher du soleil. C’est du moins ce que nous confie Issa Zouma, encadreur pédagogique en philosophie, imam au Cercle d’études, de recherches et de formation islamique (CERFI) et à l’AEEMB.

Issa Zouma, encadreur pédagogique en philosophie, imam au Cercle d’études, de recherches et de formation islamique (CERFI) et à l’AEEMB

« Le jeûne musulman, c’est une institution divine car il a un fondement coranique et prophétique qui recommande aux musulmans d’observer ce jeûne qui consiste à s’abstenir de manger de boire et d’avoir des rapports sexuels, d’éviter des bagarres, des disputes inutiles ; de façon globale de se prémunir contre les mauvais comportements du matin, à l’aube, jusqu’au soir au coucher du soleil ». Il ajoute également que c’est un moment qu’il faut prendre avec beaucoup d’appréhension et maîtriser les tours et les contours afin de pouvoir l’aborder et le terminer dans la beauté. « Il faut être résilient, et venir en aide à ses frères et sœurs qui sont dans des difficultés. Être rationnel dans son comportement. Dans le jeûne, il y’a une sorte de socialisation qui nous invite à être solidaires pour que la vie puisse se mener de façon sereine et en bonne intelligence », dit-il.

Nabi Kassoum, encadreur pédagogique, et secrétaire général du bureau provincial CERFI/Boulkiemdé

La flambée des prix et la canicule compliquent le jeune

Il faut noter par ailleurs que l’avènement du mois de ramadan cette année est marqué par la hausse des prix des produits de première nécessité, l’insécurité et surtout cette canicule qui devient de plus en plus insupportable. A Koudougou, ce phénomène de la vie chère n’est plus un secret pour personne aujourd’hui et touche presque toutes les couches sociales de la population. En cause, l’inaccessibilité des denrées alimentaires, pourtant nécessaires aux jeûneurs. Ces derniers mois, les céréales, l’huile alimentaire, les pâtes, le poisson ou les légumes s’achètent à des prix élevés, jamais enregistrés sur le marché. Une situation que l’imam Zouma déplore et ne manque pas surtout d’interpeller les autorités à agir. Pour lui, toutes ces choses tendent à un peu compliquer le jeûne.

Adama Yaméogo

« La vie chère, c’est peut-être une conséquence de beaucoup d’autres choses telle que l’insécurité. Il y a beaucoup de régions qui n’ont pas pu cultiver la saison dernière, ce qui fait qu’il manque des ressources alimentaires à un certain niveau », ajoute-t-il, tout en précisant que si la demande dépasse l’offre, il va de soi que les prix vont galoper, alors qu’en cette période de jeûne, le minimum est requis pour pouvoir assurer le train-train quotidien. Il invite par ailleurs les fidèles musulmans à plus de résilience et de sérénité pour faire face à ce phénomène de cherté et surtout à la canicule. « En cette période, de chaleur, il faut avoir beaucoup de foi et de résilience pour pouvoir le faire. Nous avons aussi noté que les prix des différentes denrées ont augmenté, notamment le sucre, le riz, l’huile, etc. Ce qui n’est pas du goût des musulmans de façon générale. Mais nous sommes résilients et nous espérons la récompense de Dieu quelle que soit la situation, on est prêt à l’affronter avec sérénité et avec l’appui d’Allah. »

Aïssata Somé

Le jeûne c’est aussi soutenir son prochain

Tout compte fait, même si les habitudes sont affectées, les objectifs demeurent inchangés. C’est le cas du CERFI qui a entrepris un certain nombre d’actions au profit des plus démunis durant cette période de jeûne. Nabi Kassoum, encadreur pédagogique, et secrétaire général du bureau provincial CERFI/Boulkiemdé confie qu’un programme spécial ramadan est mis en œuvre. « Dans le programme spécial ramadan du CERFI, il est prévu des contributions par membres pour organiser des ruptures communes. Lors de ces ruptures communes, il y a nos petits frères élèves et étudiants qui y participent mais qui ne sont pas tenus de cotiser. Également, nous avons prévu des activités comme la visite aux détenus de la maison d’arrêt et de correction de Koudougou, des visites des malades du CHR de Koudougou. Nous réunissons ce que nous pouvons avoir, des dons venants de nos membres, en espèce et en nature. Nous partons leur rendre visite, les réconforter, faire des dons aux malades, prier pour eux et leur donner des conseils ».

Fati Yaméogo

Aussi, le secrétaire général du CERFI ne manque pas d’encourager les élèves et les étudiants à observer le jeûne car selon lui, un étudiant ou un élève qui jeûne peut mieux se concentrer pour réussir dans ses études. Pour lui, la souffrance liée au jeûne est une leçon et une école. Il notifie cependant que le jeûne peut être interdit pour les personnes âgées, pour les malades et autres… « Le jeûne, c’est un pilier de l’islam, c’est une recommandation divine et il fait partie des obligations du musulman. Cependant, dans certains pays, à cause de la chaleur, on interdit aux gens de jeûner lorsqu’on sait qu’ils ne pourront pas tenir. Le suicide est interdit en islam, et si tu jeûnes en étant malade et que tu succombes, c’est un suicide. »

Les fidèles interpellent l’autorité à agir

Les fidèles ne restent pas indifférents aux phénomènes de la hausse des prix, de l’insécurité et de la canicule. Ils sont nombreux à interpeller l’autorité à jeter un regard favorable pour leur venir en aide en ce temps de jeûne. Pour l’imam Zouma, c’est surtout de les inviter à agir de sorte à améliorer la situation sécuritaire afin de permettre aux populations de rentrer chez elles pour vaquer à leurs occupations. Quant à Adama Yaméogo, il estime que le jeûne de cette année est abordé avec beaucoup de difficultés. Car selon lui, la hausse des prix rend inaccessibles beaucoup de produits de première nécessité, ce qui ne facilite pas le jeûne. Cependant tout en comptant sur l’aide de Dieu, il invite les autorités à faire quelque chose.

Kaboré Assetou

Même son de cloche chez Aïssata Somé qui trouve que cette année c’est vraiment dur, car en plus de la cherté des produits, il y’a la chaleur qui devient intense chaque jour, mais espère l’achever par la grâce de de Dieu.

« Nous abordons le jeûne dans la santé certes, mais on ne peut pas acheter le sucre, l’huile, ni les vivres, tout est cher. Ce qui fait que c’est vraiment compliqué cette année. Nous essayons de nous débrouiller pour l’achever », confie de son côté Fati Yaméogo tout en invitant les autorités à les soutenir avec les vivres.

Assétou Kaboré ajoute que les vivres se font rares et chers. « Souvent tu fais le jeûne et le soir pour avoir quelque chose pour rompre c’est compliqué », confie-telle. Cependant, elle reste confiante et espère bénéficier des bénédictions qui en découlent.

L’imam Zouma conclut en invitant la communauté musulmane du Burkina Faso à la résilience et plus de solidarité. « Je dirais qu’il faut être résilients et plus solidaires. Il faut faire preuve de solidarité et de patience entre nous musulmans mais aussi entre nous burkinabè en venant en aide à ces populations déplacées internes et de façon plus générale aux personnes vulnérables », préconise-t-il.

Prince Omar
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