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Discours politique au Burkina : Exit les propos haineux ?

Publié le mercredi 30 novembre 2005 à 08h26min

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Près de deux (02) semaines après l’élection présidentielle du 13 courant, les observateurs de la scène politique burkinabè continuent de tirer les leçons de ce scrutin majeur. Ce qui frappe le plus, ce n’est pas la large victoire du président Blaise Compaoré dès le premier tour.

En vérité, elle était prévisible non seulement à cause d’un bilan très positif à la tête de l’Etat mais aussi à cause des faiblesses structurelles d’une opposition qui continue de tâtonner dans son organisation.

On retiendra davantage de ce scrutin son exemplarité dans un contexte ouest-africain où la rupture des équilibres socio-économiques et politiques ont mis à mal bien des Etats qui peinent encore à se sortir de la chienlit. Et même sur le plan africain la démocratie burkinabè a désormais des lauriers à faire valoir. Ce n’est point du narcissisme : Les Burkinabè doivent être fiers de leur démocratie. Fierté d’autant plus légitime qu’il y a à peine quatre ans, le pays était à la croisée des chemins.

Aujourd’hui, il a repris la bonne direction enrichie par toute son histoire pour aller de l’avant. On retiendra encore de ce scrutin non pas la cuisante défaite de l’opposition toutes tendances confondues ni les relents démagogiques qui ont meublé leurs discours de campagne. On gardera plutôt à l’esprit l’abandon de la pensée manichéenne centrifuge de l’unité nationale, dont certains radicaux de l’opposition s’étaient fait les chantres.

Qu’il n’y ait plus dans le langage politique, ces accents de haine et de la recherche effrénée de la vengeance est un bon point pour la démocratie.

Cela voudrait dire que la tolérance, paradigme incontournable du pluralisme politique, pousse des racines. L’alternance politique ne rime plus avec les boutades du genre "vous ne perdez rien pour attendre" mais s’envisage plutôt en terme de "bonne chance, nous gagnerons aux élections prochaines".

Certes, tous les candidats malheureux à cette présidentielle n’ont pas poussé le fair-play jusqu’au point d’admettre la supériorité organisationnelle de l’adversaire pour la conquête de l’électorat. Mais le choix de n’introduire aucun recours devant le Conseil Constitutionnel après la proclamation des résultats provisoires est un aveu.

Elle signifie a priori - cette absence de recours - que les griefs retenus contre la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’ont pas une incidence majeure sur la validité du scrutin. On en déduit que tacitement l’opposition accepte sa défaite et propose des correctifs dans l’organisation des prochains scrutins. C’est une attitude positive qui gagnerait à être cultivée pour aller plus loin dans la responsabilité citoyenne.

De fait, la CENI, devant cette marée de critiques ouvertes ou murmurées, doit revoir sa copie. Il y a eu des lacunes organisationnelles évidentes dans le déroulement du scrutin. Elles sont liées à la qualité du personnel ou structures d’appui, au désengagement de l’administration publique, aux innovations techniques, à l’ignorance des électeurs, à l’insuffisance des moyens... C’est pourquoi la CENI gagnerait à être à l’écoute des propositions constructives d’où qu’elles viennent.

Le moindre mal ce sont bien ces dénonciations pacifiques des erreurs qu’on aurait pu éviter. Le pire aurait été la contestation par la rue, le rejet des résultats et la remise en cause même de l’existence de la CENI. Mais une CENI prévenue en vaut deux...

Pour sûr, ces erreurs à répétition pourraient lui coûter sa crédibilité et le consensus national qui a prévalu à sa création. On retiendra enfin de ce scrutin que les partis politiques qui y ont pris part savent désormais à quoi s’en tenir quant à leur représentativité et aux enjeux d’une élection présidentielle. Au risque de contredire le baron de Coubertin, pour les scrutin du genre, l’essentiel n’est pas de participer. Il faut se donner les moyens humains, organisationnels, matériels et financiers pour ne pas être ridicule à défaut de gagner.

Le meilleur projet politique quand il est mal porté par celui qui prétend le promouvoir, légitimement les électeurs ont le droit au doute. C’est pire quand à l’absence de projet politique s’ajoute une absence de leadership de celui qui rêve à la magistrature suprême. L’apprentissage aura été dur pour certains candidats. Mais c’est à ce prix aussi que se construit la démocratie. Pourvu que la désillusion des perdants ne rime pas avec acrimonie.

Djibril TOURE

L’Hebdo

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