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Assemblée législative de la transition : « Il ne faut pas forcément passer par un parti politique pour participer au développement de sa localité », Sayouba Bonkoungou, représentant de la région du Nord

Publié le dimanche 13 mars 2022 à 20h40min

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Assemblée législative de la transition : « Il ne faut pas forcément passer par un parti politique pour participer au développement de sa localité », Sayouba Bonkoungou, représentant de la région du Nord

Agronome de formation et actif dans le monde associatif, Sayouba Bonkoungou a été désigné, le 10 mars dernier, pour représenter la région du Nord à l’Assemblée législative de la transition qui va être mise en place. Dans cet entretien, il revient sur le processus ayant conduit à sa désignation.

Lefaso.net : Le jeudi 10 mars 2022, vous avez été désigné représentant de la région du Nord pour siéger à l’Assemblée législative de la transition (ALT). Pouvez-vous dire aux populations de la région du Nord et au peuple burkinabè qui est Sayouba Bounkoungou ?

Sayouba Bounkoungou : Je suis né le 15 avril 1982 à Latoden, je suis marié et père de trois enfants. Je suis par ailleurs agronome de formation et président de l’APEDR (Association pour la protection de l’environnement et du développement rural, Ndlr) dont le siège est basé à Yako. Cette structure intervient dans l’agroécologie, l’environnement et la gestion durable des terres.

L’association comptabilise dix ans d’expérience. Nous avons mis en œuvre des projets et programmes dans les différentes provinces de la région du Nord et nous continuons de travailler avec les populations locales concernant la gestion durable des terres, la protection de l’environnement et la promotion de l’agroécologie.

Il semble que votre désignation pour représenter la région du Nord ait enregistré quelques écueils. Pouvez-vous nous dire dans quel climat vous avez été désigné ?

Il faut rappeler que c’est le 7 mars 2022 que nous avons été à Ouahigouya pour participer à une rencontre d’information par rapport à la désignation d’un représentant pour l’Assemblée législative de transition. Et déjà dans la salle, il y avait beaucoup d’incompréhensions.

Certains pensaient à la désignation immédiate de la personne, mais j’étais participant et j’ai donné ma suggestion qui consiste à donner l’opportunité et l’autonomie à chaque province de pouvoir désigner un candidat, quitte à ce que ces quatre candidats des différentes provinces se retrouvent à Ouahigouya pour designer la personnalité. C’était des débats houleux et il y avait plusieurs intervenants. Il y a certains qui ont dit qu’ils font partie de ceux qui sont sortis pour manifester, et cela conduit à la prise du pouvoir par l’armée ; donc il faut tenir compte d’eux.

Il y a certains qui estiment que Ouahigouya et Titao sont les épicentres du terrorisme, donc il faudrait en tenir compte. Il y a aussi certains qui sont de la famille royale et il faut penser à ça. Nous nous sommes dit que tout ce qui a été dit est pertinent. Il est vrai que la situation qui a prévalu à cette situation est bien la question de l’insécurité. Nous reconnaissons que le Loroum et le Yatenga sont les provinces qui vivent difficilement cette situation sécuritaire. Et pour les questions de royauté, on est tous unanimes que ce sont les garants de la société. Leur participation est vraiment nécessaire pour apaiser le climat social.

Mais moi j’ai rappelé qu’à l’Assemblée, ce n’était pas pour débattre uniquement des questions sécuritaires. Il y a beaucoup de choses à faire. Je pense qu’il y a certaines questions, des interrogations qui existent, et ce sont des choses qu’il faut travailler à résoudre. C’est vrai que la question sécuritaire existe, mais il y a d’autres problèmes. Partout où l’insécurité sévit, on se rend compte qu’il y a des problèmes sociaux entre les communautés.

Soit c’est des problèmes fonciers, soit c’est des litiges anciens, soit c’est des problèmes de mariage. Donc il faut dire que l’Assemblée législative, ce n’est uniquement pas pour débattre des questions d’insécurité, même si c’est une priorité. On reconnaît que c’est une priorité, mais il faut aussi dire qu’il y d’autres thématiques. Il y a d’autres actions à développer pour permettre au gouvernement de pouvoir s’exécuter et que nous puissions suivre et évaluer l’exécution de ces textes que nous allons adopter.

Revenant à cette question de chefferie traditionnelle, tout concorde à faire croire que c’est un chef coutumier qui a été désigné pour le compte de la province du Yatenga. Comment est-ce que vous avez pu convaincre vos camarades, y compris le chef, pour que le choix final soit porté sur votre personne ?

Je note que ce n’était pas des votes à proprement parler. Ce n’était pas une situation où il fallait trouver un consensus entre les quatre candidats. C’est un processus qui a été mis en place. Chaque province apporte la candidature de son représentant et, au niveau régional, ils ont mis un comité en place.

Ce comité est assisté par deux représentants par province qui devraient assister à l’examen des dossiers des différents candidats. Je me rappelle que quand nous sommes entrés en salle, les candidats se sont présentés. Les hauts-commissaires et les candidats des différentes provinces se sont retirés pour laisser la commission faire son travail et désigner la personnalité. Je pense que le travail n’est pas individuel, ce ne sont pas des campagnes que nous avons battues.

C’est le fruit d’un processus. Mais avant la proclamation des résultats, j’ai échangé avec les différents candidats et je leur ai dit que nous sommes dans une situation où il n’y a ni de perdant ni de gagnant. Nous devons travailler ensemble. Nous pouvons constituer un comité avec les représentants des différentes provinces et des candidats pour réfléchir, transmettre les informations, donner des suggestions, apporter des contributions à celui qui sera désigné pour représenter la région du Nord. C’est pour dire que ce n’est pas parce que je ne suis pas retenu que je ne vais pas participer à la construction de notre région.

Nous avons communiqué et je pense qu’on peut créer un comité avec un canal de communication afin de rester ensemble, même si nous sommes dans des provinces différentes, pour pouvoir dialoguer et se donner des informations. En ce qui concerne l’insécurité, je sais que ceux de Titao sont plus proches de l’information que nous, mais nous pouvons travailler ensemble pour qu’ils véhiculent l’information, afin que nous la partagions avec les plus hautes autorités.

Les critères de désignation stipulent que le candidat ne doit avoir aucune appartenance politique. Vous êtes agronome et vous affirmez ne pas appartenir à une formation politique. Ce qui pourrait expliquer que vous n’ayez jamais eu la volonté de siéger à l’Assemblée nationale. Alors, qu’est ce qui a changé entre temps et qui vous a conduit à vouloir représenter la région du Nord à l’ALT ?

Il ne faut pas forcement passer par un parti politique ou une instance pour participer au développement de sa localité. Je suis agronome, j’ai eu à travailler avec divers politiques pour le développement de notre localité. Mais il faut se dire que la situation actuelle est une situation particulière et je pense que c’est ce qu’on se reproche souvent, parce qu’à chaque fois, on joue le rôle de spectateur et non d’acteur. Donc, cette situation s’est opérée et je pense que ceux qui avaient l’opportunité de travailler pour la région, ceux qui ont œuvré pour des activités et qui continuent d’améliorer pour contribuer au développement de cette région sont des exemples et c’est ce qui m’a motivé.

Sans être à l’Assemblée ou membre d’un parti politique, nous avons travaillé avec des organisations, des plateformes à mobiliser des ressources financières pour travailler avec les communautés locales de notre région. Je pense que le développement ne doit pas se résumer uniquement à l’appartenance à un parti politique. Peu importe notre situation, nous pouvons contribuer au développement sans faire la politique.

Nous connaissons tous le contexte dans lequel vit notre pays. M. Bonkoungou, quel pourrait être le rôle d’un représentant du peuple dans un double contexte d’insécurité et de transition politique ?

C’est une bonne question. Je n’ai pas encore siégé à l’Assemblée nationale et je n’ai pas assez d’expérience, mais je pense que l’objectif est de pouvoir voter des lois, suivre et évaluer l’exécution de ces textes qui entrent dans le cadre de la réduction de l’insécurité dans notre pays. Je pense vraiment que l’objectif est de contribuer à voter des lois qui vont permettre considérablement le retour des populations dans les différentes contrées du Burkina Faso.

Quel message avez-vous à adresser au peuple burkinabè de façon générale et en particulier aux populations de votre région ?

Je veux dire un grand merci à l’ensemble des populations de la région du Nord, parce que je pense que le processus que nous avons mis en place est très démocratique et ça permet à beaucoup de voir comment il faut faire les choses d’une autre manière. Je ne suis pas le seul. Il y a beaucoup de gens qui ont manifesté leur joie par rapport aux critères qui ont été mis en place.

Je remercie toutes les autorités qui ont participé à l’élaboration de ce processus et à l’examen des dossiers pour désigner la personnalité. Ce que je retiens est que nous vivons une situation particulière que notre pays traverse, et c’est une leçon pour nous tous. Tout ce que j’ai à dire est qu’il faudrait que les uns et les autres sachent que les gens ne se sont pas présentés parce qu’ils ont une information par rapport à une quelconque récompense.

Mais c’est plutôt pour contribuer au développement de notre patrie. Et si nous avons la chance, avec cette transition, d’aboutir à un retour considérable de la sécurité dans notre pays, une collaboration nette et efficace avec nos différentes populations, on aurait réussi et on aurait eu l’opportunité de contribuer au développement de notre pays.

Abdou Aziz Tao
Lefaso.net

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