LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Droits des femmes : Le "Mouvement 8 mars autrement" fête autrement au musée de la femme à Ziniaré

Publié le jeudi 10 mars 2022 à 10h00min

PARTAGER :                          
Droits des femmes : Le

Revenir aux fondamentaux du 8 mars, c’est l’objectif du Mouvement 8 mars autrement. Le mouvement s’active à trouver les voies et les moyens pour ramener les femmes vers le sens originel de la célébration de la journée internationale qui leur est consacrée. Pour ce faire, plusieurs activités ont été au rendez-vous dont un forum en vue d’accompagner les femmes à jouer pleinement leur rôle dans la société et une journée portes ouvertes sur le musée de la femme. C’était le mardi 8 mars 2022 à Kolgondiéssé (un village de la commune de Ziniaré).

C’est une panoplie d’activités qui aura rythmé la période du 4 au 8 mars, initiée par le Mouvement du 8 mars autrement au profit de femmes de la commune de Ziniaré. Formation en saponification, en agriculture et en élevage, journées portes ouvertes du musée de la femme de Kolgondiéssé, dégustation de mets traditionnels. Voici entre autres les grandes articulations de cette semaine dédiée à la femme dans le Plateau-central, en plus d’un espace de débat et d’échanges entre femmes et jeunes de la localité.

Le sens du 8 mars a été dénaturé au fil du temps, c’est ce que pensent les responsables du mouvement du 8 mars autrement. C’est pourquoi ces dernières ont opté pour la sensibilisation des femmes en commençant par leurs membres. Cela, aux fins d’expliquer les vrais principes de la célébration de cette journée internationale, acquise après plusieurs années de lutte.

La dégustation des mets traditionnels, une façon de promouvoir les repas locaux

« Je félicite toutes les femmes du mouvement parce que rien qu’en deux ans, l’impact de nos actions sur le 8 mars est très grand. De par le passé, vous n’auriez pas pu rassembler les femmes de cette manière parce qu’elles seraient dans les maquis vêtues en uniforme. Mais cette année, nous remarquons que les femmes en uniforme sont rares et qu’elles deviennent nombreuses à emboiter nos pas. Nous avons formé plus de 4000 femmes surtout des déplacés internes. Ce qui a fait tache d’huile », a laissé entendre la présidente du Mouvement 8 mars autrement, Rita Sawadogo.

Pour elle, les gens ont pris conscience qu’il vaut mieux être utile plutôt que de se limiter au caractère festif de la journée. « Nous n’avons rien contre le caractère festif puisqu’en 1985, c’est après tous les travaux du 8 mars qu’il y a eu un “djandjoba” (grande fête animée par un orchestre) à la place de la nation », a-t-elle rappelé.

Quelques mets locaux de la journée

La présidente du mouvement s’est interrogée sur quelles doivent être les raisons de la célébration de cette journée tant prisée par les femmes. « Quand on parle de la fête de la femme, on fête quoi ? » lance-t-elle avant de renchérir. « Fête-t-on les femmes qui jusqu’à présent meurent en couche ?, fête-t-on la misère des femmes burkinabè ? Qu’est-ce qu’on fête au juste ? », suscite-t-elle ainsi la réflexion des uns et des autres participants aux débats.

Mme Sawadogo a souligné que la condition de la femme de son village n’a pas changé. Pour cela, elle ne pourrait aucunement leur demander de se mettre à la fête.
« On ne peut pas faire la fête pendant que des milliers de femmes dorment à la belle étoile. Pendant qu’elles ne peuvent plus retourner chez elles. Nous ne pouvons pas nous jeter dans des réjouissances pendant que des femmes accouchent en plein air, pendant que des femmes et des enfants dorment dans des stades », a soutenu Rita Sawadogo qui dit ne rien inventer.

« De par le passé, vous n’auriez pas pu rassembler les femmes de cette manière parce qu’elles seraient dans les maquis vêtues en uniforme », affirme Rita Sawadogo, présidente du Mouvement du 8 mars autrement

Elle va plus loin en faisant cas des écoles fermées et des élèves dont les études ont ainsi été interrompues. À l’entendre, il n’est pas juste de fêter sur les cadavres des milliers d’enfants assassinés par des terroristes. « Combien de jeunes soldats de moins de trente ans sont tombés sous les balles », a-t-elle mentionné.
Selon Mme Rita Sawadogo, la célébration du 8 mars devrait se faire dans la sobriété pour manifester la compassion aux familles éplorées du fait de l’hydre terroriste. « Pendant que nous fêtons, il y a des veuves et des orphelins qui pleurent, des familles qui n’ont plus d’argent de condiments parce que le pourvoyeur n’est plus de ce monde », a-t-elle confié.

Les femmes de l’association Bamb-Yinga sensibilisées sur les fondements du 8 mars

Les échanges se sont tenus au sein du Musée de la femme. Cet espace qui regorge d’une diversité de richesse culturelle dont la promotrice est la princesse Juliette Kongo du royaume de l’Oubritenga. Elle, non plus, n’approuve pas la nouvelle vision des femmes à propos du 8 mars comparativement au sens qu’avait cette journée dans le passé.

« Cette journée s’est transformée en période de grandes festivités, allant jusqu’à causer beaucoup de problèmes dans les familles. Alors que l’objectif premier était de mettre en avant les revendications des femmes qui leur permettent d’entrer dans leurs droits », a indiqué Juliette Kongo.

La mauvaise appréhension de cette journée a emmené les femmes à croire qu’elles pouvaient sortir et rentrer exceptionnellement tard, au point de défier parfois leurs maris en se comparant à eux. Toutes choses qui selon la princesse du royaume de l’Oubritenga, ne rentraient plus en droite ligne avec leurs aspirations.
C’est dans ce cadre qu’est né le mouvement du 8 mars autrement pour ramener la femme autour des valeurs qui la caractérisent. Créé en 2019, le mouvement s’est engagé à soutenir les déplacés internes à travers divers dons en vivres, vêtements, matériels…

Juliette Kongo, princesse du royaume de l’Oubritenga avec quelques visiteurs du musée

Au regard de la perte de vitesse des valeurs traditionnelles au Burkina Faso et celles du royaume de l’Oubritenga en particulier, la princesse Juliette Kongo s’est érigée en gardienne pour préserver les richesses culturelles au profit des jeunes générations.
C’est donc une variété d’objets qui se laissent découvrir depuis l’extérieur du musée de la femme. De la guerrière qui vous accueille sur le site, armée d’une lance et d’un bouclier, à la case aux lions, en passant par le vieillard (assis à l’intérieur du musée) dans son fauteuil royal, jusqu’à la jeune fille accroupie avec une calebasse dans les mains ; c’est un ensemble de choses qui fascinent et attirent la curiosité des citadins.

Le père de la princesse Juliette Kongo, un des fils du Moogho Naaba Koom II, représenté au Musée de la femme

À la demande des visiteurs du musée, la princesse Juliette Kongo n’hésite pas à fournir les explications et l’histoire qui se cachent derrière chaque statue, case, ou outils ménagers utilisés autrefois par les ancêtres.
« La statue du vieillard que vous avez rencontrée à l’entrée du musée représente mon père. Mon papa était un des fils du Moogho Naaba Koom II. Il a été envoyé en mission dans l’Oubritenga pour assurer la continuité de la préservation des acquis de Naaba Oubri », enseigne-t-elle.

Elle apprend que le Moogho Naaba Koom II était un grand visionnaire. Ce qui l’a conduit à s’assurer que ce soient ses enfants qui règnent comme chef jusqu’à 50 km à la ronde de Ouagadougou. « Et c’est dans cette mission-là que mon papa est arrivé ici », explique-t-elle.

La statue de Wemba Poko, l’ambassadrice de la paix à l’époque

La statue de la jeune fille à genoux, quant à elle, symbolise l’histoire de la “Wemba Poko”, la benjamine du Moogho Naaba Oubri, fait savoir Juliette Kongo. « Quand le Moogho Naaba Oubri a senti que c’était la fin pour lui, et comme son royaume avait atteint une certaine envergure, il a donné une mission spéciale à sa benjamine, “Wemba Poko”. Celle d’être la médiatrice dans la communauté.

C’est elle qui intervient en cas de litige entre deux communautés, deux familles ou entre des individus pour demander pardon en vue de ramener la paix et la cohésion sociale.
Juliette Kongo dit avoir constaté que les valeurs traditionnelles se perdaient également au Burkina Faso du fait de l’achat des objets hérités par certains expatriés. Elle a donc conçu ce musée le 8 mars 2008 pour pallier ce fléau afin de conserver de son mieux et transmettre les valeurs traditionnelles de sa tribu.

La guerrière qui vous accueille dès votre arrivée sur le site du Musée de la femme

Le message de l’ancienne député Juliette Kongo à l’endroit des femmes est que ces dernières reprennent en main la gestion des familles. Elle les exhorte à prendre leurs responsabilités car c’est cette carence de responsabilité de la gent féminine qui fait que la société est aujourd’hui déchirée selon elle. « Quand les femmes jouaient pleinement leurs rôles dans les communautés, il y avait une cohésion très solide. Et quand elles jouaient encore leur rôle dans l’éducation des enfants, les valeurs traditionnelles se transmettaient de mère en fille », a-t-elle interpelé.
Son regret est que les Burkinabè ne soient aujourd’hui ni africain ni occidentaux du fait de l’acculturation. « Quelle que soit la durée du bois dans l’eau, il ne sera jamais caïman », conclut-elle par ce proverbe.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique