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Santé : « PAGA, moi femme », maîtriser son cycle menstruel en un clic

Publié le mardi 8 mars 2022 à 09h06min

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Santé : « PAGA, moi femme », maîtriser son cycle menstruel en un clic

« PAGA, moi femme » est une application de gestion des menstrues. Elle intègre un forum-chat et donne la possibilité aux utilisateurs d’échanger avec des médecins sur des questions de santé touchant les femmes. Elle a été conçue par Dr Kassoum Yamba, physicien nucléaire, chercheur au CNRST plus précisément au département énergie de l’IRSAT. Dans cet entretien qu’il nous a accordé Dr Yamba, nous parle de cette application qui a déjà conquis des milliers de femmes.

Lefaso.net : D’où vous est venue l’idée de créer l’application « PAGA, moi femme » ?

Dr Kassoum Yamba : Tout est parti d’un constat dans le document de politique national genre du Burkina où on évoquait des disparités de genres quant à l’accès aux soins de santé et surtout à la santé de la reproduction. Donc, on a tenté de faire quelque chose dans ce sens et on a mis en place une application Android pour commencer, qui va servir aux femmes dans la planification de leur cycle menstruel. Par la suite, il a été intégré un forum où les femmes pouvaient échanger non seulement entre elles mais aussi par la suite avec les médecins et spécialistes en santé.

Etes- vous le seul concepteur ? Ou avez-vous une équipe qui vous soutient, parce que vous êtes physicien de formation et non informaticien.

Je suis physicien nucléaire de formation et parallèlement, je dirai que je suis programmeur scientifique. Depuis pratiquement 2014, l’application a vu le jour à la maison d’abord et ensuite a été rendu publique.

A quel moment avez-vous donc mis cette application à la disposition de toutes les femmes ?

L’application est officiellement sortie sur Play store à l’usage du grand public en octobre 2020, plus précisément le 11 octobre 2020.

Cela fait donc un an et demi déjà, alors comment ça fonctionne ?

L’application « Paga, moi femme » est très simple à utiliser. Il suffit simplement d’avoir un téléphone android, d’aller sur Play store et de taper « Paga, moi femme ». Vous verrez l’application, vous l’installez. Après l’installation, c’est très simple, vous acceptez simplement les règles de confidentialité. Puis, vous utilisez vos deux dernières dates de règles pour paramétrer.

C’est une application qui n’a pas besoin de cycle contrairement aux applications qui existent où on demande un cycle. A quelqu’un par exemple, qui a un cycle irrégulier, quelle date faut-il donner ? Ensuite, on vous demande de fournir un pseudo et un mot de passe pour garantir l’anonymat et la protection de vos données.

Ce n’est pas la seule application de gestion de menstrues, il y en a plusieurs sur Play store, alors quelle est la particularité de « Paga, moi-femme » ?

Effectivement ! Il y a plusieurs applications sur Play store. Mais la particularité de « Paga » est que contrairement aux autres applications, les données sont stockées automatiquement dans le téléphone de l’utilisateur et nous n’avons pas accès à ces données-là. Deuxièmement, un forum santé est intégré dans « Paga » où les femmes peuvent échanger entre elles en situation de partage d’expérience en anonymat ou tout simplement, discuter avec des médecins spécialistes en santé, des médecins généralistes ainsi que des gynécologues quant à la santé de la femme et de reproduction.

Donc hormis la gestion du cycle et des menstrues, elles peuvent avoir accès à un médecin. Comment cela se passe concrètement ?

D’abord, tout est gratuit, l’application est gratuite, le service santé sur le forum l’est aussi, donc dès que vous êtes connectés, vous mettez votre compte à jour, en fournissant bien sur un mail pour qu’on vous identifie au moins dans la base de données. Ensuite vous avez directement accès aux médecins et vous pouvez y aller à n’importe quel moment de la journée, à n’importe quelle heure de la journée. Vous pouvez poser tout type de questions lié à la santé de la femme, et à l’hygiène menstruelle.

Bien évidemment, il y a des questions qu’on évite d’évoquer notamment en ce qui concerne l’avortement et les questions de ce genre. Pour l’instant, on fait attention à ce type de questions et bien sûr, il faudra évoluer, réfléchir et mettre en place des stratégies pour guider les femmes. Il y a également aussi les questions de viol de temps en temps qui sont évoquées. Donc j’avoue qu’il y a encore pas mal de progrès à faire. En dehors de ce qui est fait actuellement.

Pour ce qui concerne les données, vous assurez les femmes que vous n’y avez pas accès ?

Absolument, les données des femmes sont stockées dans leurs téléphones et ne sont accessibles que par elles-mêmes. Mais je vais désormais éviter d’utiliser aussi le terme « elles-mêmes » parce que les hommes aussi utilisent « Paga » actuellement. Nous avons des hommes qui préfèrent utiliser en lieu et place de leur (s) femme (s). J’en connais pas mal, qui appellent souvent et qui font des témoignages. Tout récemment, il y a un qui est entré en contact avec nous parce que sa femme ne sait pas lire. Donc c’est lui qui utilise à la place de sa femme.

Justement, il y a des femmes qui ne savent pas lire, il y a aussi des problèmes de connexion. Alors comment voyez-vous l’avenir de « Paga » malgré ces petits obstacles ?

Vous faites bien de le dire, pour aller sur le forum et échanger avec les médecins, il faut naturellement de la connexion. Sinon pour la gestion des cycles menstruels, l’hygiène menstruelle, comment ça fonctionne ? Eh bien, on n’a pas besoin d’internet. Tout est fait en off. Et c’est là que c’est intéressant parce que toutes vos données sont stockées sur le téléphone et vous pouvez utiliser l’application « Paga » sans avoir accès à internet.

A ce jour, combien de personnes utilisent l’application ?

A l’heure actuelle, l’application est utilisée par un peu plus de 4000 femmes à travers le monde et nous avons une dizaine de nationalités, mais la plupart sont des Burkinabè, on a des Américains, des Français et aussi certains utilisateurs dans la sous-région ouest-africaine.

Avez- vous des retours de vos utilisateurs ?

Oui ! Il y a beaucoup qui reviennent, pas forcément pour aller sur le Play store et mettre des commentaires. Mais comme nous avons mis un numéro à la disposition du grand public, et il y a aussi un mail à la disposition des femmes qui souhaitent réagir en off. Effectivement, on a de très jolis témoignages de part et d’autre depuis la création.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la gestion de l’application ?

Comme toute activité, il y a toujours des difficultés. Actuellement, il y a environ 2000 cas traités y compris les questions posées et les réponses des médecins bien sûr avec des satisfactions parce que ce sont vraiment des échanges entre femmes et médecins. Il n’y a pas d’interdiction et elles ont droit à autant de commentaires et de messages possibles pour éclaircir toutes leurs préoccupations posées.

En termes de difficultés, il y en a beaucoup naturellement. C’est plutôt lié au maintien de l’application sur le Store et aussi au service en arrière-plan : en ce qui concerne la maintenance et la mise à jour. Comme je le disais, l’application est gratuite et les services des médecins aussi. Naturellement, quelque chose est payée à quelque part. Ces frais de gestion des médecins et de mise à jour et de maintenance sont supportés par moi pour l’instant.

Est-ce que monsieur Yamba souhaite avoir des partenaires en termes de financement pour assurer la pérennité de l’application ?

Bien évidemment ! Parce qu’il y a quelque temps, on prévoyait de suspendre le service de santé lié à « Paga » en attendant de trouver d’autres solutions. Mais, je ne sais pas si ça viendra. Etant donné que l’application est gratuite, les services aussi, il n’est pas possible de faire de la publicité sur la plateforme. Donc naturellement, il n’y a pas de rentabilité dans l’application. On planifiait de baser notre application sur un modèle économique spécial.

Il s’agit du modèle économique basé sur l’engagement des femmes elle-même. Donc on ne prévoyait pas d’aller à l’extérieur, c’est-à-dire aller taper aux portes des institutions et ministères et leur dire « aidez-nous ». Non, je pense que l’on devrait aller au-delà de cela. Et ce qui va être important et intéressant pour « Paga », c’est d’éviter les financements des institutions étatiques ou non-étatiques.

On aurait bien aimé que ce soit une application basée sur les apports des femmes elles-mêmes. Par exemple, les femmes qui utilisent l’application, qui posent des questions aux médecins à 1h ou 2h du matin et qu’elles sont satisfaites, puissent faire un don. Car il y a un système de don qui est intégré. Et c’est à partir de ces dons récoltés que nous allons baser notre modèle économique et gérer non seulement la participation des médecins ainsi que les documents que nous sommes en train d’élaborer au profit des femmes en langue locale. Bientôt, il serait possible aux femmes qui ne savent ni lire ni écrire d’utiliser « Paga »

Vous anticipez la question, cela dit je vais la poser, quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?

Justement je viens de l’introduire. Rendre « Paga » multilingue et accessible, afin de permettre aux femmes qui ne savent ni lire ni écrire en français de l’utiliser. Nous avons déjà commencé à élaborer des prototypes en mooré, en dioula et en fulfude et bientôt ça sera en ligne. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

APPLICATION PAGA - MOI FEMME

👉🏿Gestion intelligente des activités menstruelles
👉🏿Forum-Chat entre femmes sur des questions de santé
👉🏿Échanges avec des médecins sur la santé de la femme
Application gratuite sur PlayStore
Avantage sécurité : toutes vos données sont stockées localement sur votre téléphone et ne sont accessibles que par vous
👉🏿Lien installation :

https://play.google.com/store/apps/details?id=com.kassybf.paga

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Photo et Vidéo : Auguste Paré, Rachid Sow (Stagiaire)
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