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L’après CAN 2021 : Évitons de rejouer le match de classement hors du rectangle vert et sachons aller à l’essentiel !

Publié le dimanche 6 mars 2022 à 22h03min

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L’après CAN 2021 : Évitons de rejouer le match de classement hors du rectangle vert et sachons aller à l’essentiel !

Le football est un sport d’émotions et de passion ; mais il faut savoir dépassionner son leadership, sa gouvernance, son management et son développement.

Après un temps de recul pour laisser descendre le mercure émotif, il nous semble essentiel qu’il faille, dans toute action menée, savoir diagnostiquer et analyser les causes réelles des problèmes (et pas leurs conséquences), accepter tirer les leçons et surtout bien se remettre en cause et se projeter autrement sur l’avenir (CAN 2023, 2025 et 2027).

En effet, après un brillant parcours à la CAN 2021 au Cameroun, malgré un match de classement de désillusion, les Etalons nous ont procuré des émotions fortes et une certaine fierté dans l’ensemble. Et il faut savoir les féliciter et dire merci au peuple burkinabè pour les sacrifices consentis, de part et d’autre, pour réaliser ce résultat honorable, dans des moments difficiles que notre pays traverse.

Les Etalons, nous semble-t-il, sont allés à la CAN dans un environnement pas des plus sereins (bisbilles entre la FBF et l’UNSE, avec la mise en place [avortée] d’une instance de supporteurs ; situation confuse lors du départ des supporters pour le Cameroun ; polémique autour d’un soi-disant vote contre l’organisation de la CAN par Sita SANGARE, ancien Président de la Fédé ; débats sur la non sélection de certains joueurs notamment le cas Bryan DABO ; blessure de Frank Lassina TRAORE ; etc.).

Mais, il apparaît, au regard des résultats (1 victoire, 1 match nul, 1 match annulé) obtenus à Abu Dhabi, que les Etalons ont eu une préparation technique acceptable avant la compétition. Quand bien même la non présence de certains joueurs, pour des cas de Covid, de blessures ou pour raison de nouvelles conditions de la FIFA sur la libération des joueurs évoluant en Europe, n’a pas permis de bien peaufiner certains automatismes. Pour ce qui est de l’ambiance au sein des Etalons d’avant CAN, il a semblé que l’envie de faire une bonne CAN y était ; même si le staff technique n’était pas dans un certain confort et une sérénité nécessaire pour aborder un tournoi de haut niveau, avec un objectif « ambitieux » à atteindre et un contrat qui finissait juste après la fin du tournoi (28 février 2022).

Dans l’ensemble, les Etalons, l’une des équipes les plus jeunes du tournoi, ont produit un football au-dessus de la moyenne à cette CAN. En effet, le jeu, basé sur un football de transition rapide et reposant sur une bonne animation collective, faite de dépassement de fonction et de solidarité, a fait déjouer plus d’une équipe. Et l’on peut dire que MALO, avec son staff, a su monter un groupe assez cohérent, avec un savant dosage de jeunes et de cadres, et a pu leur inculquer un esprit d’équipe, fait d’un jeu où le collectif primait sur l’individuel et où l’individuel se mettait au service du collectif. D’ailleurs, l’ensemble des 9 buts marqués par les Etalons a été réalisé par des joueurs différents. Il faut aussi souligner que ce groupe a eu une bonne discipline tactique et l’on peut être satisfait sur le plan collectif surtout, mais aussi sur des individualités (Issa KABORE, Edmond TAPSOBA, Steeve YAGO, Hervé KOFFI, Blati TOURE, Adama GUIRA, Cyrille BAYALA, Dango OUATTARA, Gustavo SANGARE). Quand bien même il y a quelques réserves à faire au niveau de certains joueurs, pour cause de méforme physique, de Covid et de blessures.

D’ailleurs, l’on peut affirmer que cette jeune équipe, malgré son manque d’expérience, est pleine de talents et a un devenir à construire dans la sérénité et la maturation d’un état d’esprit de gagneur, dans les années à venir.

Mais, notons que cette dynamique collective a été, tout au long du tournoi, ébranlée par un manque de concentration durant 90-95 minutes de jeu (la majorité des buts a été marquée dans les 20 dernières minutes des matches), des erreurs individuelles naïves sur des faits de jeu et des situations arrêtées (corners, coup-francs, longues relances adverses) ayant occasionné la plupart des 10 buts encaissés par les Etalons. Aussi, l’une des insuffisances de l’équipe a été marquée par la jeunesse du staff dans la gestion de compétitions de haut niveau (1ère CAN pour le sélectionneur national). Cela s’est manifesté dans la difficile gestion du stress et des émotions (matches de 1/8ème et de ½ finales et de classement notamment), la gestion des phases et périodes de jeu (favorables ou défavorables) et des remplacements (gestion des entrants/sortants) et la gestion de la réactivité du staff dans les moments cruciaux. En outre, la mauvaise forme physique de certains joueurs, due à une courte préparation, aux blessures et au Covid, n’a pas favorisé les choses. En plus, l’absence d’un véritable attaquant de fixation comme Franck Lassina TRAORE nous a été très préjudiciable ; d’ailleurs, le nombre d’attaquants utilisés démontre bien cette lacune.

Toutes choses qui ont plombé la belle chevauchée fantastique des Etalons, lors du match de classement surtout et qui cristallisent toujours tous les débats, récriminations, voire injures et violences verbales sur la toile et dans les médias. Quand bien même l’on peut comprendre les supporteurs d’un moment, novices de la chose footballistique (méconnaissance, émotions et passion obligent), il est inacceptable et inadmissible pour les fins connaisseurs du football, qui eux, devraient avoir de la maturité et le recul nécessaire pour aborder l’analyse critique objectivement et bien tirer les leçons (ce qui a ou pas marché, pourquoi et comment) afin qu’on se remettre humblement en cause pour mieux aller de l’avant.

Aussi, il nous semble impérieux, au regard des insuffisances constatées durant la compétition et surtout de la cacophonie d’après CAN (annonce du non renouvèlement du contrat du staff dans des conditions en porte-à-faux avec les textes statutaires de la FBF, selon certains membres du COMEX et observateurs du football burkinabè ; vrais-faux débats sur l’histoire de don pour le financement du voyage des membres de la FBF et de l’UNSE ; questions de gestion de marchés dans l’ancienne mandature et de révocation-réincorporation de quatre membres du COMEX ; situation confuse au niveau de la Commission Centrale des Arbitres ; invectives, par médias interposées, des responsables du sport roi), de rapidement mettre la balle à terre et à revenir prioritairement aux fondamentaux du football. Au risque de rejouer perpétuellement le match de classement hors du terrain et de saper les acquis engrangés.

En effet, il nous semble judicieux, dans l’intérêt supérieur du football burkinabè, que nous sachions raison garder, et utiliser la bonne balance dans nos jugements, analyser froidement, sincèrement et objectivement et avec responsabilités les causes profondes des lacunes des Etalons, et y remédier techniquement, mais aussi et surtout sur le plan de la gouvernance d’ensemble de la FBF (et son environnement).

A commencer par taire nos divergences et à faire les analyses nécessaires, à travers un vrai bilan à réaliser par le staff technique et la Direction Technique Nationale (DTN), d’une part et d’autre part, un bilan administratif, organisationnel et financier par la FBF, tirer les bonnes leçons et prendre les mesures appropriées. Notamment, créer les conditions favorables à l’expression d’un football de haut niveau, à travers une meilleure gouvernance de la Fédé, un assainissement de son environnement (Ligues, Clubs, Associations d’actuels et d’anciens footballeurs, d’arbitres, de médecine sportive et de supporteurs, etc.) et une mise en place de matériaux adaptés d’organisation, de planification, d’opérationnalisation et de suivi rigoureux des actions. Car, la FBF, pour réaliser des résultats probants, a besoin d’une bonne fondation pour soutenir une ambition légitime de monter, un jour, sur la plus haute marche du podium africain. Pour cela, il faut savoir utiliser savamment nos intelligences et nos énergies, accepter taire nos querelles mesquines et nos divergences nocives et créer les conditions requises (à l’unisson) pour réaliser des performances. Car, a beau se laisser tirailler par nos égos, nous risquons fortement d’en tirer un lourd tribut à l’avenir et se mordre les doigts à quelques pas d’un sacre qui nous tend largement les mains.

Ne dit-on pas que celui qui sait regarder ce qui l’a fait trébucher au lieu de s’appesantir sur là où il est tombé, sait tirer avantage et s’adapter. Alors, courageusement, essayons de corriger nos insuffisances techniques, tactiques, et nos lacunes en gestion d’équipe et de coaching, de renforcer la profondeur du banc (en doublant les postes) et les capacités d’une gestion performante des volets psychologique, mental, communicatif et managérial dans notre football.

Pour cela, nous devons davantage nous remettre en cause, au-delà de l’équipe nationale qui focalise tous les débats et qui n’est que la partie visible de l’iceberg, pour mener les réflexions nécessaires et ouvrir les vrais chantiers de la construction d’un football d’élite digne de ce nom, au lieu de nous morfondre dans des tiraillements qui frisent parfois la condescendance. Et ces chantiers passent obligatoirement et urgemment par la rénovation et la mise aux normes de nos infrastructures sportives (au lieu d’être dans un paradoxe insultant de jouer nos matches à domicile à l’extérieur) et la construction d’un championnat national digne (qui n’a rien, pour le moment, d’une ligue professionnelle). Et pour cela, il est impératif, pour tous les acteurs du football burkinabè, d’avoir de la hauteur de vue, de fumer le calumet de la paix (sous l’arbre à palabres) et de relire courageusement et sereinement les textes, encore désuètes, et avoir de la discipline pour les respecter.

Par ailleurs, il nous semble crucial d’entrevoir, avec méthode et dans le long terme, la formation de cadres en gouvernance et management sportifs (sociologie, psychologie et droit du sport ; leadership sportif et gestion des performances sportives ; éthique et responsabilité sociale des organisations sportives ; médecine sportive ; encadrement technique, amateur, d’élite et de jeunes ; gestion d’équipe et du changement ; communication et management des systèmes d’information des organisations sportives ; arbitrage ; gestion, maintenance et sécurité des infrastructures et équipements sportifs ; marketing et sponsoring sportifs ; gestion administrative et financière ; montage de modèles économiques de projets sportifs ; etc.). Car, pour espérer entrer et rester durablement dans la « cour des grands », il nous faut réinventer notre football, dans sa globalité, de façon profonde et progressive, au lieu d’avoir des ambitions, souvent démesurées, au regard de l’état actuel de la structuration défaillante et de la gouvernance moribonde de nos clubs, ligues, associations d’acteurs du football et des instances fédérales. En effet, le vrai souci n’est pas de rencontrer des obstacles, ni d’avoir des insuffisances, mais de n’avoir pas d’idées et la volonté politique nécessaire pour trouver les vraies solutions à nos problèmes.

Et n’oublions jamais, le football, bien que ce soit un jeu, joue aujourd’hui un rôle sociétal et politique et est une vraie industrie économique. Et donc, sachons mettre l’intérêt de notre football au-dessus de tout autre chose. Afin, par-delà la passion qu’il suscite, de poser les bases d’un football organisé, gouverné et qui se développe, sans émotions, avec vision et humilité, dans un environnement sain et un esprit constructif.

Sans cela, nous risquons d’avoir encore plus de désillusions chez nos voisins ivoiriens, avec la mauvaise gestion des émotions qui s’est déportée du rectangle vert au match de classement vers la classe dirigeante de notre football.

Ensemble, nous allons plus loin.

N. Ousmane S. Bodo OUEDRAOGO
Ancien footballeur
Consultant en Prospective, Stratégie et Management de projets
o_ousmane@hotmail.com

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