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Chronique de la métamorphose du Burkina Faso de Blaise Compaoré (32)

Publié le mardi 29 novembre 2005 à 08h17min

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Ernest P. Yonli et Xavier Darcos à Paris en avril 2005

Une année 2004 exceptionnelle redonnait confiance à tous au Burkina Faso. J’avais pu le constater à l’occasion des deux séjours que j’y avais effectués cette année-là. Le pays suscitait un réel intérêt dans le monde non pas seulement pour son "exotisme" ou ses manifestations les plus médiatisées : le Fespaco et le SIAO (critère de référence : Fespaco figure dans le dictionnaire des sigles utilisé par la rédaction du quotidien Le Monde ; ce qui n’est pas le cas du SIA 0).

Ainsi, à l’occasion de la réception, le 29 avril 2005, du ministre des Affaires étrangères, Youssouf Ouédraogo, par son homologue autrichien, Ursula Plassnik, le ministère des Affaires étrangères à Vienne soulignera que" l’ancienne Haute- Volta est un des pays prioritaires de la coopération autrichienne au développement (EZA) et pour Vienne un interlocuteur important sur le continent africain. En 1996, un bureau de coopération autrichien a été ouvert à Ouagadougou".

En 2005, le Burkina Faso se porte plutôt bien. Malgré la perspective d’une présidentielle en fin d’année et les soubresauts sociaux qui expriment la bonne santé démocratique du pays. Les syndicats y sont bien organisés, actifs et combattifs. Les partis politiques y sont vindicatifs. L’opposition s’oppose et le gouvernement gouverne. Normal. Ajoutons à cela une situation sous-régionale qui trouve son point d’équilibre même si rien n’est réglé en Côte d’Ivoire et au Togo (mais la disparition de Gbassingbé Eyadéma supprime un point de friction majeur).

Reste que le Mali et le Niger (compte tenu des difficultés agricoles et de la disette) ne sont pas au mieux de leur forme. C’est à Ouagadougou que se tient (ler et 2 juin 2005) le sommet de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Cen-Sad).

Stabilité intérieure + présence internationale = croissance économique. Une équation qui caractérise, depuis bien des années, le Burkina Faso de Blaise Compaoré et des compaoristes. A condition, bien sûr, que la gestion du pays soit sinon exemplaire pour le moins meilleure qu’ailleurs et que les investisseurs soient sollicités et motivés.

Pour la motivation, quand on est un pays du Sahel dépourvu de toute richesse naturelle autre que les hommes et les femmes, ce n’est pas facile ; pour la sollicitation, pas de problème. Compaoré et les compaoristes n’hésitent pas à faire le premier pas (et les pas suivants). Le chef de l’Etat a visité l’Asie en 2005 et son Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli a multiplié les "journées économiques du Burkina" un peu partout.

Alors que la morosité caractérise l’Afrique de l’Ouest, le dynamisme de la classe politique burkinabè et un bilan politico-économique plutôt flatteur laisse des raisons d’espérer.

C’est le 7 novembre 2000 que Yonli a été nommé au poste de Premier ministre. Il a 44 ans et son gouvernement "d’ouverture" a dû faire face à la grève des étudiants, à "l’affaire Zongo", au ralentissement de l’activité économique, au déficit agricole, à la fermeture d’entreprises industrielles et à la nécessaire privatisation des autres.

Le jeudi 28 avril 2005, Yonli, qui séjourne alors à Paris, me recevra pour un long entretien. Il est en France pour des "journées économiques du Burkina". Il fera le tour du tout Paris-Afrique politique et économique. Il me tient un discours qui me conforte dans mon point de vue : "Nous avons compris qu ’il fallait utiliser notre place au coeur de l’Afrique de l’Ouest pour y rayonner. En situation de paix, le Burkina Faso peut tirer le meilleur profit possible de sa situation géographique en étant un pays de transit pour les trafics routier, ferroviaire et aérien".

La Côte d’Ivoire est, bien sûr, le premier thème que nous abordons. L’effet le plus visible de la crise ivoirienne c’est le retour des Burkinabè de Côte d’Ivoire. Selon le Premier ministre de 1999 (avec la crise de Tabou) jusqu’à ces derniers mois, c’est plus d’un million de personnes qui ont ainsi rejoint le Burkina Faso pour s’y mettre en sécurité.

"Personne n’avait parié sur notre capacité à pouvoir supporter ce choc, m’affirme Yonli. C’est pour nous une source de fierté. La société burkinabè dans sa totalité a montré en cette occasion qu’elle avait des capacités jusqu’alors insoupçonnées qui a facilité le retour de ces populations [...] Beaucoup de ces gens avaient appris, en Côte d’Ivoire, des métiers et ils sont appelés, aujourd’hui, à utiliser dans leur pays d’origine cette expérience acquise ailleurs. Le Burkina Faso a toujours su que sa principale richesse naturelle, c’étaient les hommes et les femmes de ce pays".

Alors que la crise ivoirienne est loin d’être solutionnée, le Burkina Faso a dû affronter la crise togolaise consécutive à la mort brutale du chef de l’Etat. Les relations entre Ouaga et Lomé étaient difficiles, voires exécrables, depuis un certain temps. La disparition de Eyadéma et les soubresauts d’une succession difficile vont permettre à Ouaga de reprendre avec Lomé un dialogue interrompu. "Nous sommes un pays enclavé ayant une frontière avec le Togo qui nous assure un débouché maritime, me rappelle Yonli. Nous avons tout intérêt à ce que ce pays soit en paix pour continuer à échanger avec lui, permettre la circulation des hommes et des marchandises et avoir des relations de bon voisinage".

Pour ce qui est du Burkina Faso, Yonli me précise : "Depuis 1991 [promulgation le 11 juin de la Constitution de la IVème République adoptée par référendum le 2 juin], nous sommes retournés en démocratie et nous avons choisi de faire des réformes politiques marquées par le dialogue, la concertation, l’esprit d’ouverture. Et malgré quelques crises de croissance de cette démocratie, nous avons pu ramener toute la classe politique dans la voie de la consolidation du processus démocratique. Le choix de la démocratie était sans doute le bon choix au bon moment, l’Etat de droit offrant le maximum de chances à chaque citoyen. Nous avons travaillé à consolider la démocratie en donnant les pleines possibilités à chaque institution démocratique de fonctionner normalement, toujours dans le cadre des règles établies".

Paramanga Ernest Yonli a la rude tâche de gérer le Burkina Faso en période électorale. Il a géré les législatives de 2002 ("saluées par l’ensemble de la communauté internationale comme une consultation électorale de qualité") ; il va gérer la présidentielle de 2005.

Entre temps, l’histoire du pays va être marquée par la mort du général Sangoulé Lamizana qui avait été président de la République de Haute-Volta de 1966 à 1980.

C’est le samedi 18 juin 2005 que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) va investir Blaise Compaoré comme son candidat à la présidentielle du 13 novembre 2005. Ce n’est que le 10 août 2005, depuis son village natal de Ziniaré, que celui-ci va annoncer officiellement sa candidature.

La présidentielle burkinabè ne mobilise que la classe politique. Pour la population, les jeux sont faits. Il est vrai que la victoire de Compaoré est annoncée avant même le lancement de la campagne officielle. Face à lui, l’opposition fait le plein des candidats : onze ! Il n’y a que Salif Diallo, ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, par ailleurs directeur national de la campagne de Compaoré (et auteur d’une thèse de doctorat sur "les Transformations de l’Etat en Afrique" soutenue à l’université de Perpignan en juin 2005), pour affirmer que "l’élection n’est pas gagnée d’avance" (Continental de novembre 2005).

Vingt-sept partis politiques (sans compter son propre parti le CDP) soutiennent la candidature de Compaoré ; y compris l’Alliance pour la démocratie et la fédération ! Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), chef de file de l’opposition.

Il est vrai que l’organisation de cette consultation dissuade toute critique habituelle : le fichier électoral est informatisé et consultable et hormis quelques confusions de noms (mais au Burkina Faso cela semble inévitable) peu d’erreurs auraient été relevées. Cette débauche de moyens a d’ailleurs quelque peu asphyxié l’opposition qui a été bien silencieuse.

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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