Bibata Tamboura Ilboudo, administrateur civil

« L’idée n’est pas si mal, cela va rehausser l’éclat de la fête en l’honneur des femmes qui célèbrent leur journée. Et cela va également leur permettre de se sentir exceptionnelles en ce jour. Mais je propose que ce soit des pagnes tissés par les femmes. Ce serait une belle occasion pour elles d’avoir de l’argent et d’être un peu autonome. Cependant, il faudrait aller au-delà de l’uniforme qui est juste festif pour bien s’imprégner des combats à mener pour aider la femme à affirmer son intégrité et à jouer en même temps son rôle de femme qui lui est dévolu dans la société. »

Léopold Yé, chargé de communication

« L’institution d’un pagne pour commémorer la Journée internationale de la femme trouve sa justification à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le pagne, dans le contexte africain et surtout burkinabè, symbolise la femme. Aussi, dans diverses questions liées à la femme (fiançailles, mariages, rites culturels) le pagne occupe une place prépondérante. L’institution du pagne à la célébration du 8 mars s’entend également par le fait qu’il est utile d’associer des réjouissances populaires à cette commémoration. Ainsi, le fait de se vêtir de la même étoffe pourrait incarner la solidarité, la cohésion, le partage d’une cause. De même, l’inscription du thème de la commémoration sur le pagne est un vecteur de communication qui rappelle à tous la réflexion qu’il faut mener sur la cause de la femme dans nos sociétés. Il n’est pas non plus superflu de relever que ce pagne fait aussi l’objet de cadeaux entre conjoints ou encore entre conjoints et beaux-parents ».

Dr Annick Sidibé Guigma, médecin de santé publique

« Je pense que le pagne dénature l’idée de cette journée de lutte pour les droits des femmes. Je suis contre l’idée et je pense que la lutte gagnerait à se départir de tous les aspects festifs. Les femmes gagneraient également à supprimer cette idée de pagne du 8 mars et à se recentrer sur le plus important : comment préserver les acquis et améliorer l’inclusion ? »

Remey Haoua, commerçante

« A mon humble avis, la commercialisation du pagne du 8 mars n’est pas importante parce qu’elle ne reflète aucunement l’idée de cette journée. Cette journée vise à aider les femmes à s’épanouir sur le plan financier et social. Elles sont nombreuses, ces femmes, qui vivent dans des conditions précaires dans notre pays. Il n’y a rien de mauvais à ne pas porter le pagne du 8 mars. Le plus important, selon moi, c’est de se battre pour s’assurer de meilleurs lendemains. Si je prends mon cas, je suis une commerçante et j’ai les moyens pour m’offrir le pagne mais ça ne me dit absolument rien ».

Amadou Sanou, journaliste

« Les femmes se reconnaissent dans ce pagne et c’est une bonne chose. Elles l’apprécient et ça s’arrache comme de petits pains. Cependant, il y a un business derrière. Où va tout l’argent qu’on gagne après la vente des pagnes ? Qu’est-ce qu’on en fait ? La célébration de la Journée internationale de la femme doit aller bien au-delà de la vente des pagnes et des célébrations populaires. Il faut des actions concrètes pour leur vraie autonomisation ».

Beatrice Zoungrana, gérante d’un secrétariat public

« Le pagne n’est pas le plus important. Les Africains n’ont pas compris le sens du 8 mars. Alors que l’objectif de cette journée est de promouvoir les droits fondamentaux des femmes que sont la liberté d’expression, l’éducation, la lutte contre les violences basées sur le genre. Je suis sidérée quand je vois des femmes se plaindre parce qu’elles n’ont pas eu le pagne ou qui cotisent pendant des mois pour se procurer le pagne. Pourquoi la France, qui a institué la journée internationale de la femme, ne met pas un pagne du 8 mars sur le marché ? » (NDLR : c’est l’ONU (Organisation des nations unies qui a institué la journée internationale des femmes en 1977)

Propos recueillis par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net