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Yannick Poda/Portraitiste : « Je veux créer un manga made in Burkina qui soit de la même qualité que ceux faits par les Japonais »

Publié le jeudi 10 février 2022 à 22h55min

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Yannick Poda/Portraitiste : « Je veux créer un manga made in Burkina qui soit de la même qualité que ceux faits par les Japonais »

Etabli à Ouagadougou dans le quartier de Karpala, Yannick Poda est un jeune qui a su se frayer un passage assez original dans le monde des affaires. Avec des doigts agiles et tel un sculpteur, il parvient à reproduire le portrait d’une personne ou une chose avec précision et au détail près. Agé de 30 ans, le jeune Poda parvient à subvenir à ses besoins ainsi qu’à celles de sa famille en réalisant des portraits professionnels. Nous sommes allés à sa rencontre pour en apprendre plus sur le métier de portraitiste. Entretien !

Lefaso.net : On vous connaît en tant que portraitiste mais vous faites aussi de l’animation 3D et 2D. En quoi consiste exactement l’ensemble de ces activités ?

Yannick Poda : D’abord le portraitiste est un artiste dessinateur qui arrive à reproduire une image textuellement sur un support. Ça peut être sur du papier ou du tissu. Bref, il arrive à reproduire un visage textuellement. En ce qui concerne le métier d’animateur, c’est tout simplement le fait de donner vie à des images en les animant. Ces images peuvent être de nature 2D c’est-à-dire en 2 dimensions ou 3D (3 dimensions). Il s’agit de dessiner, image par image, et ensuite de faire défiler ces images à une certaine vitesse pour leur donner vie et mouvement. C’est ce qui donne les dessins animés.

Donc tout part d’un dessin. Alors comment est né cet amour pour les dessins et les portraits ?

Pour ce qui est du dessin, je peux dire que c’est depuis l’enfance qu’est née la passion. Bien avant d’aller à l’école, je dessinais partout. Je m’intéressais tellement à la chose déjà. A partir du CM2, je faisais des cahiers de présentation pour mes camarades de classe ainsi que des dessins de science. J’arrivais à bien dessiner les croquis en science. A partir de mon collège, je me suis intéressé davantage à la chose. J’avais décidé de dessiner tout ce que je voyais pour avoir la main et devenir un grand dessinateur. Mais à ce moment, je n’avais pas encore commencé le portrait.

Je ne faisais que des illustrations pour mes amis et je le faisais surtout en classe. C’est au moment où les cours devaient attirer le plus mon attention que mon inspiration jaillissait fortement. Entre temps mes dessins circulaient en classe et cela perturbait un peu les cours. J’ai même eu des soucis avec mes parents à cause de cela. Surtout mon père, paix à son âme, s’y opposait fermement. C’est à partir de la troisième que j’ai commencé les portraits. Ce fut suite à un défi que m’avait lancé un de mes amis. Il s’agissait de reproduire la photo de son oncle. Et c’est de là que tout est parti. A partir de la classe de seconde, j’ai commencé à faire les portraits des élèves de ma classe. Quand je donnais les dessins aux gens, je voyais leurs yeux briller et je me suis dit que je pouvais faire davantage de merveilles. Ce qui me motivait le plus, c’était de voir souvent les portraits et les dessins animés européens. Je me disais mais pourquoi pas moi ? Si eux ont pu le faire alors moi aussi je peux. Voilà pourquoi j’ai cette rage d’aller plus loin.

Votre amour pour les dessins semble venir de loin. Est à dire que les dessins étaient déjà votre métier de rêve ou, comme tous les autres enfants, vous avez aussi une fois pensé à devenir un médecin, un architecte ou un enseignant ?

Etant enfant, je m’intéressais plus à l’aviation. Je rêvais de travailler dans les institutions comme la NASA. Il faut dire qu’en dehors du dessin, je bricolais beaucoup. J’étais le mécanicien et l’électricien de la maison. J’aimais fabriquer des voiturettes avec toutes les commodités possibles et je reparais aussi les téléphones.

Vous étiez un grand amoureux de la technologie ?

J’aimais vraiment la technologie et surtout la robotique. Je voulais m’orienter dans ce domaine mais il y a la réalité et les conditions du milieu qui m’ont vite rattrapé.

Mais est-ce que vous avez toujours en tête de poursuivre ce rêve de technologie et de robotique ?

Pour le moment je ne pense plus vraiment à cela. Le plus souvent, le temps pose un véritable problème. Mais peut-être qu’un jour je pourrai me lancer dans le domaine. Il faudra vraiment que je puisse être assez libéré et disponible pour me pencher pleinement dans le domaine.

De combien avez-vous eu besoin pour entreprendre ?

Absolument rien. Je peux dire que j’ai commencé avec zéro franc. J’avais juste mon crayon de 75 francs et pour ce qui est des papiers, j’utilisais simplement les feuilles blanches de type A4 que l’on trouve un peu partout. Mais avec les petites sommes que je gagnais, je m’achetais au fur et à mesure du matériel. Au fil du temps, j’ai même passé des commandes à l’étranger. C’est le cas par exemple pour les gommes de détail que l’on ne trouve pas ici au Burkina, de l’estompe. J’ai dû les faire venir du Ghana voisin. Donc c’est ainsi qu’a commencé mon parcours de portraitiste.

Vous avez eu à citer un certain nombre de matériel comme l’estompe et la gomme de détail. Bref que pouvez-vous nous apprendre sur les outils de travail d’un portraitiste ?

Comme je le disais un portraitiste a besoin de matériels comme le crayon pour faire le croquis ou du moins l’ossature du dessin. Mais il faut noter qu’il y a plusieurs gammes de crayons en fonction du ton que l’on recherche. Il y a des crayons assez foncés, d’autres un peu plus clair et ainsi de suite. En plus de ça, il y a la gomme de précision qui est un peu mince et qui permet de faire ressortir les points de lumière. Là encore il y a plusieurs variétés que l’on peut utiliser en fonction des besoins. Et enfin on a l’estompe qui permet d’adoucir l’image et de lui donner un aspect vraiment réel.

Comme on aime à le dire, en tout début il y a toujours des difficultés. Quelles ont été les vôtres ?

Je ne peux pas dire que j’ai vraiment eu beaucoup de difficultés. Au début, j’utilisais les rames de papiers qui ne coûtaient pas vraiment chères. Le seul bémol est que ces rames étaient fragiles et elles ne tardaient pas à se déchirer. Je me suis donc dit qu’il fallait essayer de trouver des outils plus professionnels. C’est ainsi que de façon hasardeuse, je suis allé acheter des feuilles cartonnées pour faire mes travaux. Je suis allé au grand marché et j’ai dit que je voulais un papier résistant. Le vendeur m’a demandé « est-ce qu’il s’agit de chemise cartonnée ? » Moi je ne savais pas vraiment ce que c’était mais j’ai tenté ma chance et c’est ainsi que tout est parti.

C’est juste dire que j’ai appris et forgé mon art dans une logique sans grande formation et en bon autodidacte. Mais concrètement, j’ai eu de la renommée grâce à la télévision BF1. A ce moment, il y’avait une émission que l’on appelait la télé s’amuse et je m’étais amusé à faire le portrait des animateurs. J’ai fait leur portrait et une amie est allée faire la présentation de ces portraits à la télévision. Et c’est à partir de là que les gens ont commencé à m’appeler pour commander au fur et à mesure. Ces mêmes clients m’ont recommandé à d’autres de leurs connaissances et ainsi de suite la communauté a grandi. Tous ceux qui viennent ici ressortent satisfaits, se passent mon contact et ainsi de suite.

Vu le talent que vous avez avez-vous essayé de participer à quelques compétitions ?

Oui ! J’ai déjà participé à une compétition de dessins avec pour thème l’incivisme. A l’issue de la compétition, j’ai été troisième. C’était ma première compétition et j’ai reçu un prix. A la suite de celle-ci j’ai aussi participé à une compétition en ligne sur la ceinture verte. J’ai fait un petit dessin et mon œuvre doit être à l’institut français puisque que ce sont eux qui ont organisé la compétition. Mais après cela, je n’ai plus fait de compétition en tant que telle.

Mais pourquoi n’avez-vous pas fait assez de compétition ? Est-ce parce que vous ne le désirez pas ou parce qu’il n’y a pas assez de compétitions qui sont organisées ?

C’est certainement moi qui ne suis pas assez connecté ou disons attentif aux différentes compétitions qui se déroulent. Mais je suis en train de m’améliorer, je suis membre de bon nombre de groupes WhatsApp et je vois souvent des compétitions qui sont organisées ça et là. Cela dit, il y a aussi le temps qui me fait défaut parfois, parce qu’avec les clients et le travail 24h/24 et 7jours/7 c’est assez difficile. Je reçois assez de commandes et je suis très attaché au respect des délais que je donne. Quand il y a une commande, je me donne tous les moyens de toujours livrer mes commandes à bonne date. Donc je me focalise beaucoup plus sur mes portraits.

Vous dites que vous avez beaucoup de commandes…A combien peut-on estimer ces commandes ?

Il faut dire que j’ai vraiment commencé avec les portraits professionnels en 2017. Je faisais environ 50 portraits. En 2018, le nombre a un peu augmenté et je faisais environs 100 et de 2019 jusqu’à maintenant je fais plus de 100 portraits par an. Donc en tout j’ai pu réaliser près de 400 ou 500 œuvres.

Une centaine de commandes c’est assez grand. Mais combien de temps vous faut-il pour faire un tableau ?

Ca dépend de la pression. Mais je donne toujours un intervalle de quatre jours en tenant compte aussi des imprévus et des détails. Mais en réalité, pour faire un portrait, j’ai besoin 6 à 8 heures. Tout dépend des détails comme je le disais et de la complexité de l’image. Souvent, il y a des photos dans lesquelles les femmes ont des mèches et toutes sortes de parures. Le cas des mèches par exemple est un peu plus complexe à réaliser. C’est pourquoi je donne un délai de 4 jours souvent. Sinon pour une image simple, 4 ou 5 heures peuvent suffire.

A quel point le métier de portraitiste nourrit-il son homme ?

Le métier nourrit assez son homme. Je ne me plains pas du tout. Il faut dire qu’avant, pour avoir ne serait-ce que 500 francs, c’était une grande difficulté. Il fallait le demander à mon père. Mais hélas, il est parti assez tôt et il me fallait coûte que coûte me lancer dans une activité qui puisse me relever afin que je puisse subvenir non seulement à mes besoins mais aussi aux besoins de mes proches en tant qu’unique garçon de la famille. Donc le métier nourrit son homme.

Pour finir, quelles sont vos perceptives pour le futur ?

Je veux dans un futur proche pouvoir créer un manga (bande dessinée japonaise, ndlr) made in Burkina qui soit d’aussi bonne qualité que ceux qui sont faits par les Japonais. Aussi dans les jours à venir nous allons produire des capsules de dessins animés courts métrage.

Contacts : 72-03-23-67

Abdoul Rachid SOW (Stagiaire)
Lefaso.net

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