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Père Lindbergh Mondésir : « A Ouagadougou, je me sens comme à Port-au-Prince ou dans n’importe quelle ville d’Haïti »

Publié le dimanche 6 février 2022 à 20h30min

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Père Lindbergh Mondésir : « A Ouagadougou, je me sens comme à Port-au-Prince ou dans n’importe quelle ville d’Haïti »

Lindbergh Mondésir est prêtre de la congrégation des clercs de Saint Viateur. Le 7 octobre 1999, cette congrégation a fait appel à lui pour faire partie de l’équipe fondatrice d’une nouvelle mission au Burkina Faso. Depuis 22 ans, il évolue dans le secteur de l’éducation au pays des hommes intègres. Depuis deux ans, il occupe le poste de directeur général de l’institut théologique Ensegnalum de Ouagadougou. Avec lui, nous avons parlé de la similitude entre Haïti et le Burkina Faso, sa mission et le regard qu’il porte sur son pays natal, Haïti.

Lefaso.net : Comment a été votre première expérience avec cette autre culture, cette autre nation ?

Lindbergh Mondésir : La première chose qui m’a frappé en arrivant ici, c’était les motos. J’avais déjà travaillé aux Gonaïves où les gens se déplacent aussi à moto. Mais il n’y en avait pas autant. En arrivant ici, je me sentais tout de suite chez moi parce que je me suis dit ce n’est pas si différent de chez moi. La deuxième chose qui m’avait frappé, c’est de voir que je m’étais retrouvé dans un milieu où tout le monde était noir.

C’est comme si j’étais à Port-au-Prince ou dans n’importe quelle ville d’Haïti. Et la troisième chose, c’est le climat : je me retrouvais dans un milieu où il faisait chaud et comme j’étais arrivé au début du mois d’octobre, il faisait un petit peu froid. La saison pluvieuse n’avait pas tout à fait terminé son court, donc on avait quelques pluies et cela m’avait frappé. Franchement, je n’étais pas dépaysé, c’est comme si j’étais chez moi.

Beaucoup de femmes circulent à motos au Burkina Faso contrairement à Haïti ; cela ne vous a-t-il pas frappé ?

A cette époque, cela ne m’avait pas frappé, j’étais concentré sur l’objet roulant. L’autre truc qui va me frapper plus tard, c’est de voir des hommes trôner sur leurs dromadaires en pleine ville, qui s’arrêtent au feu de circulation et puis qui repartent au vert ; ou encore des femmes qui transportent sur leurs têtes des plats de fraises. C’est de toute beauté quand on voit cela ou encore voir deux hommes qui transportent une porte métallique sur une moto. Ce sont des choses qu’on voit dans des cirques, pas n’importe lesquels. J’ai trouvé qu’il y avait du talent à revendre dans cette ville de Ouagadougou.

Combien de temps l’intégration sociale a-t-elle pris ?

Ici, je suis connu sous le nom de père Mondésir. Très vite, je me suis retrouvé comme chez moi, donc j’ai appris à vivre au milieu des Mossé qui sont très cléments envers les étrangers. Ils m’ont adopté aussi, ce qui fait que je ne me suis jamais senti étranger ici. Une anecdote qui pourrait me faire sentir étranger : j’ai été à Manega pour visiter le musée qu’on appelle le musée de maître Titenga Pacéré, un monument ici au niveau de la culture. C’est l’un des plus grands musées de ce type-là en Afrique. Après avoir visité ce musée, le guide nous a proposé d’aller rendre visite au chef de Manega.

En arrivant, le chef était très intéressant, on a eu accès à tout un cérémonial, on l’a fait asseoir dans son fauteuil et après cela, on devrait passer l’un après l’autre pour le saluer. En principe, on salue le chef en s’accroupissant, on ne peut pas le faire debout. Sauf les étrangers. J’étais accompagné de quatre Québécois blancs, ils l’ont salué debout, cela ne lui a pas posé de problème. Quand ce fut mon tour, je suis resté debout pour le saluer, il a appelé le guide pour lui demander des explications…

Vous êtes en mission au Burkina Faso, quel est votre travail ?

Je travaille particulièrement dans le monde de l’éducation. D’abord, j’ai commencé au groupe scolaire Saint Viateur comme aumônier, puis comme directeur général de cet établissement. J’ai travaillé au sein de cette institution pendant plus d’une dizaine d’années. Depuis 2020, je suis directeur de l’Institut théologique Ensegnalum de Ouagadougou, un institut universitaire qui forme les futurs prêtes et agents de pastoraux du pays.

Ici, entendez-vous parler d’Haïti ?

Je ne sais pas si vous vous rappelez cette phrase de Dany Laferrière indiquant que lorsqu’on quitte nos pays, nos pays ne nous quittent pas. Chaque jour, j’ai des nouvelles d’Haïti. Des personnes que je croise aussi expriment leur sympathie pour tout ce qui se passe dans le pays.

Un message à envoyer aux Haïtiens qui sont à Haïti et à ceux qui sont à l’étranger ?

La première des choses, c’est qu’on est Haïtien jusqu’à sa mort, peu importe qu’on vive 20 ans, 50 ans, 100 ans à l’extérieur. Peu importe où l’on vit sur la planète, c’est écrit sur notre front. On restera Haïtien même si on prend la nationalité d’un autre pays. En y pensant, on doit se dire qu’Haïti est notre bien à tous, notre mère à tous, on doit en prendre soin. Faudra un jour que tout le monde se réveille et se dise : « Haïti, c’est notre mère, nous devons en prendre soin ».

Il faut arriver à se dire que c’est ensemble qu’on doit construire ce pays. Si on continue à penser l’avenir de façon égoïste, le pays restera dans ce qu’il est. L’amertume continuera à gagner les cœurs et on aura du mal à vivre dans la dignité. Il nous faut travailler ensemble. L’éducation est la base de tout. A Haïti, on a négligé ce secteur. Les crises affectent les écoles. Si on continue comme ça, le pays n’ira nulle part parce que la première richesse d’un pays, ce sont ses fils. Un pays ne peut pas se développer sans ses richesses humaines.

Propos recueillis par Germina Pierre-Louis
Lefaso.net

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