Lefaso.net : Comment s’est faite la mise en place de votre association "Zéro goutte de sang sur la route" ?

Moumouni Koudougou : L’association "Zéro goutte de sang sur la route" est officiellement reconnue depuis le 18 novembre 2021. Elle tire son origine du groupe Facebook "Circulation de Ouaga", plateforme numérique de promotion de la sécurité routière, de sensibilisation, de civisme, et de citoyenneté responsable. Le groupe a été créé le 21 juin 2020. Il vise deux objectifs principalement. Le premier faire du groupe un cadre de rencontre des usagers de la route pour un partage d’expériences routières qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Le deuxième est, au regard des mauvais comportements sur la route, faire la promotion de la sécurité routière afin d’atteindre notre objectif ultime qui est zéro goutte de sang sur la route. Et c’est cet objectif qui a soutenu la création de l’association Zéro goutte de sang sur la route.

Quelles sont les activités que vous menez en vue de changer les comportements à risques des usagers de la route ?

Les actions majeures de l’association et du groupe Facebook sont principalement la sensibilisation, la promotion de la sécurité routière ainsi que du civisme et de la citoyenneté. Plus spécifiquement, sur le groupe Facebook "Circulation de Ouaga", nous sensibilisons à travers les publications, souvent avec un brin d’humour, des photos d’illustration et des vidéos d’ici et d’ailleurs. Nous sommes actuellement à plus de 238 000 membres et environ 4 500 000 spectateurs, c’est-à-dire des personnes qui nous suivent sur Facebook de par le monde. La sensibilisation ne se limite pas seulement au virtuel, nous menons aussi des activités sur le terrain, aussi bien à Ouagadougou qu’à l’intérieur du pays.

Nous avons ainsi réalisé une séance d’aérobic à Bobo-dioulasso au niveau de la place Tiéfo-Amoro, séance au cours de laquelle les participants ont été sensibilisés sur plusieurs thématiques comme le port du casque, de la ceinture de sécurité, l’excès de vitesse, l’abus d’alcool, etc.

La précédente séance d’aérobic organisée par l’association a vu la participation de plusieurs usagers

Nous avons aussi des activités de sensibilisation dans les écoles, les instituts et universités. Nous collaborons aussi avec d’autres associations de promotion routière comme les motards du Faso, les casqués du Faso, pour pouvoir arriver à zéro goutte de sang sur nos routes. En matière de promotion de la sécurité routière, il n y a pas de concurrence. Il est vrai qu’il y a beaucoup d’associations dans le domaine de la sécurité routière, mais une seule personne ne peut pas tout faire. C’est une affaire de tous et chacun doit s’impliquer.

Pour les fêtes de fin d’année qui approchent à grand pas, vous avez initié une campagne dénommée "fêtes sans défaites". Pouvez-vous nous en parler plus amplement ?

Avec les fêtes de fin d’années nous remarquons qu’il y a beaucoup d’accidents. Et nous nous disons que cela est dû au comportement des usagers, avec l’euphorie qu’entrainent les fêtes. C’est pourquoi nous avons organisé la campagne "fêtes sans défaites", qui va s’articuler autour de plusieurs activités physiques et virtuelles. En ce qui concerne les activités physiques, la campagne prévoit plusieurs conférences. A cet effet, nous aurons une conférence avec l’Office national de la sécurité routière (ONASER) le 18 décembre 2021 sur le thème "femme et sécurité routière".

Actuellement nous remarquons que c’est la femme qui fait la plupart des courses : elle va chercher les enfants à l’école, faire le marché et les courses pour les fêtes. Donc nous voulons passer un message particulier à l’endroit des femmes afin qu’elles comprennent l’enjeu et la responsabilité qu’elles ont. Une autre conférence est prévue le même jour à l’école nationale de police et va aborder le thème du civisme et de la citoyenneté. L’incivisme est cause d’accidents et bien souvent les usagers ne respectent ni les VADS ni les policiers postés aux feux tricolores. Ce sont des comportements que nous avons essayé de diagnostiquer et nous sous sommes dit que si les gens sont sensibilisés sur le civisme et la citoyenneté responsable, ces comportements vont prendre fin et nous allons peut être arriver à notre objectif qui est zéro goutte de sang sur la route surtout en ces fêtes de fin d’année.

Nous aurons aussi le 28 décembre 2021, une conférence avec la SOTRACO (Société de transports en commun de Ouagadougou, Ndlr), pour amener les usagers à comprendre que si chacun sort avec sa moto ou son véhicule, ça fait du monde et ça crée des embouteillages. Mais si chacun emprunte les transports en commun ou transporte toute sa famille avec un seul engin au lieu que chaque membre de la famille ne sorte individuellement avec son engin, cela fera moins de trafic sur la route et la circulation sera plus fluide et moins dangereuse. Ce sera une invite aux usagers pour qu’ils quittent leurs engins individuels pour les transports en commun.

En plus, nous organisons une séance aérobic au niveau du monument des martyrs le dimanche 19 décembre 2021 à partir de 16h. Nous espérons regrouper plusieurs usagers de la route ainsi que les membres du groupe "Circulation de Ouaga", que nous allons sensibiliser sur les comportements à adopter pour des fêtes de fin d’année sans défaite et à qui nous allons passer le message de la sécurité routière. Notre dernière séance nous avait permis de rassembler plus de 1.000 personnes. Nous allons aussi organiser, le 18 décembre 2021, un match amical entre les usagers de la route et les policiers en vue de faciliter la collaboration entre les deux camps.

Les participants à une conférence organisée par l’association "Zéro goutte de sang sur la route".

De plus, même si l’on ne veut pas qu’il y ait d’accident, on se dit que le risque zéro n’existe pas. C’est dans ce sens que nous avons prévu une séance de don de sang qui aura lieu le 28 décembre 2021 au siège de l’ONASER. Nous allons inviter les membres du groupe Facebook et de l’association, à venir donner leur sang, car les fêtes sont un moment où l’on enregistre beaucoup d’accidents. Et comme vous le savez, quand l’accidenté tombe, le constat que l’on peut faire est qu’il perd du sang. Donc ce don de sang va permettre de soulager les victimes d’accidents de la circulation. Nous avions voulu également installer des panneaux publicitaires géants et réaliser des spots télé et radios pour sensibiliser tous les usagers de la route, malheureusement nous avons manqué de moyens financiers pour le faire.

Après quelques années d’activités, est ce que vous avez des motifs de satisfaction ?

Je peux dire que je suis très content, parce que actuellement quand je suis en circulation, rien que ceux qui portent le casque déjà ça me rassure. Et sur la plateforme numérique, nous recevons tellement de messages d’usagers qui nous remercient pour la sensibilisation sur le port du casque ou encore de la ceinture de sécurité. Beaucoup de personnes aussi se sont procuré les ceintures pour attacher les enfants lorsqu’on les prend derrière la moto pour éviter qu’ils ne tombent en s’endormant. Beaucoup de personnes aussi offrent gracieusement des casques à ceux qui n’en ont pas. Il y a aussi le fait de savoir qu’il y a de plus en plus d’activités de promotion de la sécurité routière.

Si vous regardez un peu partout, vous allez voir que plusieurs activités prennent en compte la sécurité routière. Et de plus en plus la jeunesse est en train de s’intéresser beaucoup plus à la sécurité routière, ce qui signifie qu’il y a une prise de conscience et c’est vraiment très bien. Et en 2021, la Brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP) a fait des statistiques pour montrer qu’en réalité pour les fêtes de fin d’année de 2020 il y a eu une baisse considérable d’accidents par rapport aux années précédentes. Et on espère qu’avec la contribution de notre campagne "fêtes sans défaites" les statistiques de la BNSP vont encore montrer que les accidents ont baissé pendant les fêtes.

Moumouni Koudougou, président de l’association "Zéro goutte de sang sur la route".

Quelles sont les perspectives d’avenir pour votre association ?

Ce que nous voulons actuellement c’est arriver, dans deux ou trois ans, à être une association reconnue d’utilité publique. Ce qui va nous permettre d’avoir des financements de la part de l’Etat et de ne pas toujours compter sur des structures partenaires pour mener nos activités. Nous voulons aussi bien plus tard, que l’association "Zéro goutte de sang" devienne une organisation non gouvernementale, afin que l’on puisse suivre les victimes d’accident depuis les constatations jusqu’aux confrontations et même au procès s’il le faut. Et même s’il y a des orphelins, nous aimerions pouvoir les prendre en charge en leur donnant au moins le minimum que leurs parents décédés allaient leur donner. C’est pourquoi j’invite les uns et les autres à ne pas voir la lutte pour zéro goutte de sang sur la route comme une lutte personnelle ou du business, mais plutôt quelque chose que l’on peut mettre en place pour sécuriser l’avenir des ayants droits de tous les usagers de la route. Parce que quand tu es usager de la route, tu ne sais pas quand est ce que quelque chose va t’arriver.

Avez-vous un appel à lancer à l’endroit des usagers de la route ?

Ce que je voudrais dire à tout un chacun, c’est que les accidents de la route ça n’arrive pas qu’aux autres. Personne ne sort de chez lui en pensant qu’il aura un accident de la route mais ça arrive. Donc cela veut dire que ça peut aussi nous arriver. Donc si nous ne changeons pas de comportement, ça va nous arriver. Et si ça nous arrive, il faut que nous considérions tous ceux qui comptent sur nous notamment nos enfants et nos conjoints et ce sont eux qui vont souffrir à notre place. Souvent on peut devenir une charge pour eux, suite à un accident. Donc il faut que chacun de nous change de comportement. Et en plus de changer soi-même de comportement, il faut sensibiliser les autres usagers pour qu’ils en fassent de même. Parce que vous pouvez bien circuler, respecter le code de la route et vous faire renverser par quelqu’un qui ne respecte pas le code de la route. Donc il faut changer et induire le changement chez les autres et cela on ne peut pas le faire seul. C’est en nous rejoignant que nous pourrons y arriver ensemble.

Nous invitons aussi les structures étatiques de promotion de la sécurité routière à nous prendre un peu plus au sérieux. La question de la sécurité routière mérite une attention assez particulière et si l’accompagnement n’est pas assez conséquent, nous n’allons pas atteindre notre objectif et tout le monde sait que les structures étatiques à elles seules ne peuvent pas lutter contre le fléau de l’insécurité routière qui ravage chaque année.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo/Yaméogo
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