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Affaire Norbert Zongo et compagnons : « Il faut rester mobilisé jusqu’à ce que justice soit rendue », invite Me Prosper Farama

Publié le mercredi 15 décembre 2021 à 12h11min

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Affaire Norbert Zongo et compagnons : « Il faut rester mobilisé jusqu’à ce que justice soit rendue », invite Me Prosper Farama

13 décembre 1998-13 décembre 2021 ; 23 années que le journaliste d’investigation, Norbert Zongo, a été assassiné avec ses compagnons d’infortune et autant de temps également que la justice est attendue sur ce drame. A l’occasion de la journée commémorative de la disparition tragique de l’illustre défunt, le Collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques (CODMPP) et la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) ont organisé une conférence publique, le lundi 13 décembre 2021 au Centre national de presse Norbert Zongo, Ouagadougou, autour du thème : « Quel sort judiciaire pour Norbert Zongo ? ».

L’activité visait à partager avec le public, des informations liées à l’évolution judiciaire du dossier Norbert Zongo. Où en est-on exactement avec le dossier Norbert Zongo sur le plan judiciaire ? A quoi devons-nous nous attendre de ce dossier ? Autant de problématiques que soulève le thème et auxquels, l’avocat de la victime, Prosper Farama, va apporter des éléments de précision.

D’entrée de jeu, l’avocat Farama a fondé le primat de sa communication sur le slogan : « on vient de nulle part », contrairement à ceux qui pensent ou qui affirment que : « on vient de loin », parlant du dossier Norbert Zongo. Une manière pour lui de camper le décor et d’amener son public à mieux capter son message. Connu pour son franc-parler et son engagement pour la veuve et l’orphelin, Me Farama a tenu son public en haleine à travers les différentes étapes du dossier. De la genèse du dossier, c’est-à-dire l’assassinat du journaliste d’investigation à l’étape actuelle du dossier en passant par les tenants, les concourants et les aboutissants.

« Nous venons de nulle part », affirme-t-il. Selon le conférencier, aujourd’hui, on peut se permettre de se poser un certain nombre de questions sur l’état d’avancement du dossier Norbert Zongo, contrairement à l’époque (1998) où les questions fondamentales se résumaient comme suit : comment retrouver les corps des victimes ? Comment trouver des preuves pour traduire les auteurs en justice, qui sont les responsables de ce crime odieux, etc. ?

Me Prosper Farama, conférencier

« Aujourd’hui, avec le procès de Thomas Sankara, nous avons montré à la face du monde qu’au Burkina, aucun crime ne reste et ne restera impuni. Toutes les personnes qui sont impliquées dans des affaires de crime et bien d’autres nous trouveront sur leur chemin », a laissé entendre Me Prosper Farama.

Il retrace que Norbert Zongo enquêtait sur la mort de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, le frère cadet de l’ex-homme fort du Burkina Faso, Blaise Compaoré, exilé en Côte d’Ivoire depuis l’insurrection populaire, en fin octobre 2014. Il est ressorti que David Ouédraogo, accusé de vol au domicile de son patron, a été torturé de toutes les pires formes, jusqu’à ce que mort s’en suive. Sur cette affaire, Norbert Zongo, journaliste d’investigation, travaillait à rétablir la justice sur la mort de cet homme. La seule arme dont il se servait était sa plume, poursuit l’avocat. Cette plume « agaçante » semait le trouble dans le camp du pouvoir en place. Lui-même trouvera la mort le 13 décembre 1998 sur la route de Sapouy.

L’assassinat de Norbert Zongo a été un élément déclencheur. Pour preuve, le peuple descend dans la rue pour dire « Non » à l’impunité, à l’injustice, etc. Deux ans après, la pression populaire, une enquête est ouverte, mais le dossier reste "pendant" jusqu’en 2006. Ensuite, le juge a déclaré un non-lieu, c’est à dire qu’il y a insuffisance de preuve pour inculper des individus. Pire, le juge a déclaré qu’il y a non-lieu contre X. Qui est X ?, s’interroge le conférencier avant de lâcher : « cette expression est une incongruité totale que je n’ai jamais entendu dans ma petite expérience d’avocat ».

« Un jour, les cousins de David Ouédraogo ont décidé de témoigner contre François Compaoré. Celui-ci nous a reçus chez lui, pour nous demander de contrecarrer les témoignages en nous faisant des offres. Nous lui avons demandé des dossiers manuscrits. Ce qui fut fait. A notre tour, nous nous sommes servis de ce document comme preuve pour permettre la réouverture du dossier Norbert Zongo. Le juge à l’époque n’a pas donné une suite favorable à notre requête. C’est là que nous nous sommes réorientés vers la Cour africaine des droits de l’Homme. Elle a tranché pour le dédommagement de la famille de la victime et la réouverture du dossier.

Une vue des participants à « l’agora »

L’élément détonateur, c’est l’insurrection populaire de 2014, où le Collectif, après le saccage de la maison de François Compaoré, présumé commanditaire de l’assassinat de Zongo, a demandé à toute personne qui détenait quelques papiers en lien avec Norbert Zongo de les lui faire parvenir. C’est là qu’on a retrouvé le dossier judiciaire chez lui avec la complicité de certains avocats, aussi le reçu des honoraires de juges et avocats "indignes". C’est dire que François (Compaoré) payait des juges afin qu’ils lui transmettent toutes les informations qui pourraient faire avancer le dossier », reconstitue l’avocat.

Selon Me Prosper Farama, « la question de l’extradition de François Compaoré n’a rien de juridique, c’est une question purement politique. Nous avons usé de toutes nos forces pour l’extradition de M. Compaoré. Actuellement, l’affaire est devant la Cour européenne des droits de l’homme ».

Selon l’avocat, quelle que soit l’issue, le dossier peut être jugé sans François Compaoré. Et dans ce cas, il serait condamné d’office, parce qu’il est jugé par contumace ou par défaut et la peine maximale prévue par la loi lui sera appliquée. Dès sa condamnation, une décision sera prise pour lancer un mandat d’arrêt international contre lui et partout où il sera arrêté, il sera ramené au Burkina pour purger sa peine, sauf s’il décide de faire opposition, en rouvrant le dossier pour comparaître de nouveau devant la Cour pour être jugé.

Comme conclusion, l’avocat a invité le peuple à la mobilisation. « Il faut rester mobiliser jusqu’à ce que la justice soit rendue », car, convainc-t-il, « nous avons le maillot jaune ». « En attendant la victoire finale, restons soudés, mobilisés comme un seul homme », encourage Me Prosper Farama.

Dofinitta Augustin Khan
Lefaso.net

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