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Burkina Faso : Les troubles mentaux, un aspect de la santé très négligé

Publié le mercredi 10 novembre 2021 à 22h05min

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Burkina Faso : Les troubles mentaux, un aspect de la santé très négligé

Plus que jamais, la santé mentale est un sujet d’actualité. De plus en plus, de nombreux Burkinabè voient leur santé mentale se détériorer. Et cet aspect de la santé, quoique très important, est très souvent relégué au second plan. Afin de comprendre les causes favorisant l’apparition des troubles mentaux, les signes pour les reconnaître et la conduite à tenir en cas de signes avant-coureurs, lefaso.net s’est penché sur la question.

Au Burkina Faso, une étude épidémiologique réalisée en 2015 a montré que 41 % de la population générale âgée de 18 ans et plus a souffert ou souffre d’au moins un trouble mental. Ces chiffres traduisent l’importance de cette pathologie dans notre pays. Néanmoins, ils sont nombreux, ceux qui pensent encore que cet aspect de la santé reste peu important. La plupart des idées reçues à ce sujet tendent à faire voir les troubles mentaux comme une « maladie de blanc » ou de « riches ». Mais le réel problème relève plutôt de l’ignorance.

Pour mieux comprendre cette pathologie, qui prend de plus en plus de l’ampleur au Burkina Faso, nous avons rencontré le Dr Valentin Kouraogo, psychologue clinicien.
Selon ce dernier, « un trouble mental est un ensemble de réactions face à des situations extrêmes. Cette situation engendre une souffrance émotive au niveau de l’individu et une situation de désadaptation face à son environnement. Ces troubles modifient les réactions, les comportements et les perceptions. »

Les principaux troubles mentaux rencontrés au Burkina Faso sont les dépressions, les troubles anxieux, les troubles bipolaires, les troubles psychosomatiques qui se caractérisent la plupart du temps par des insomnies ; la schizophrénie qui est d’ordre beaucoup plus psychiatrique et le stress post-traumatique.

Les causes sont de plusieurs ordres : les antécédents familiaux, les événements sociaux vécus au quotidien tels que la violence ou la perte d’un être cher ; mais aussi, l’environnement de vie malsain. L’une des causes les plus fréquentes, ce sont les exigences de la société. En effet, de nos jours, le monde est de plus en plus compétitif, incitant chaque personne à se surpasser et à aller au-delà de ses limites. En sus, la situation sécuritaire du Burkina Faso, marquée par des attaques terroristes, est l’une des causes engendrant le plus de troubles post-traumatiques.

Les femmes plus prédisposées aux troubles mentaux

Il faut savoir que la santé mentale des femmes dépend de facteurs individuels, génétiques et hormonaux, mais aussi relationnels, communautaires et sociétaux. Les femmes, à tout âge, souffrent de façon plus fréquente de certains troubles mentaux, avec plus de comorbidités.

le Dr Valentin Kouraogo, psychologue clinicien

De manière générale, elles sont les plus enclines à développer des troubles psychologiques. La raison, selon le Dr Kouraogo, est d’ordre culturel. « Dans nos cultures, nous avons des pratiques qui ne favorisent pas les femmes. En plus de s’occuper de sa famille, elle doit aussi faire face à la pression sociale et professionnelle. Elles sont aussi celles qui sont le plus victimes de violence, avec une incapacité à se défendre, et malheureusement peu de canaux pour en parler ».

Déconstruire les tabous

Face aux événements de la vie, les gens réagissent de manières différentes. La conception que se font les Burkinabè est très souvent liée à la sorcellerie ou à la religion. Les populations ont plus tendance à expliquer les troubles mentaux par la possession ou un mauvais sort. Pour comprendre davantage ce que vit une personne atteinte de troubles mentaux, Natalie (nom d’emprunt), souffrant de troubles mentaux depuis un an maintenant a décidé de livrer son témoignage.

« Je suis une jeune fille et je souffre de dépression et d’anxiété aiguë. Les raisons, je dirais qu’elles résultent d’un ensemble d’événements que j’ai vécus. Je me suis rendue compte que la vie n’avait pas un grand sens. Tout me paraissait vide, je ne trouvais du plaisir dans aucune activité que j’accomplissais et je me suis renfermée sur moi-même. Sur demande de ma mère, j’ai décidé d’aller voir un psychologue, et c’est là que j’ai été diagnostiqué atteinte de dépression et de troubles anxieux aigus. Pour tout vous dire, cela m’a un peu étonné, je ne pensais pas que ma situation mentale était aussi grave. Mais aujourd’hui, grâce à ces rendez-vous, je me sens beaucoup mieux. »

Bien qu’elle consulte un psychologue aujourd’hui, cette jeune fille nous confie que très peu de gens de son entourage sont au courant de cela. « Je ne peux pas dire aux gens que je consulte un psy, j’ai trop peur d’être vue comme une folle. Et cela est vraiment très triste, parce que plusieurs personnes en viennent au suicide parce qu’elles ont peur de parler et préfère souffrir en silence jusqu’à ce que cela ne soit plus supportable. Il est vraiment important qu’on déconstruise les tabous, qu’on démystifie les troubles mentaux et qu’on se rende compte que ce sont des maladies comme les autres et que tout le monde peut en souffrir. »

Natalie, une jeune fille souffrant de dépression et d’anxiété

Un problème de santé moins visible, avec un impact tout aussi dévastateur

Les troubles mentaux engendrent de nombreuses autres conséquences telles que, des conséquences sociales pour la personne concernée en termes d’insertion sociale et professionnelle, des conséquences sanitaires qui se caractérisent par des troubles psychiques générant une augmentation du risque suicidaire, des troubles somatiques, un risque accru de mortalité prématurée, une espérance de vie moins longue et des conséquences économiques qui se caractérisent par l’incapacité de travailler privant la personne malade de revenus mensuels.

De manière générale, la conséquence la plus récurrente est le suicide. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le suicide est la deuxième cause de mortalité au sein des 15-29 ans. Les personnes souffrant de troubles mentaux importants meurent prématurément, jusqu’à deux décennies plus tôt.

Comment prévenir un trouble mental ?

Afin de prévenir un trouble mental, c’est d’abord l’hygiène de vie. Selon le Dr Valentin Kouraogo, il est important de prendre soin de soi autant mentalement que physiquement. Au niveau familial, il est important d’offrir un cadre de vie sain aux enfants et leur offrir beaucoup d’amour. Il est très important de ne minimiser aucun signe et d’avoir recours à un psychologue dès que le besoin se fait sentir.

Dans un pays où la crise sécuritaire prend de l’ampleur et où le nombre de personnes déplacées croit de jour en jour, la prise en charge s’avère plus que nécessaire. De nombreuses initiatives naissent de part et d’autres, pour apporter des soins de qualité et du soutien psychologique aux personnes souffrantes. Mais il est important que chaque Burkinabè se rende compte que la santé mentale fait partie intégrante de la santé et du bien-être.

Nado Ariane Paré (Stagiaire)
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 10 novembre 2021 à 23:07, par Le Capitaine En réponse à : Burkina Faso : Les troubles mentaux, un aspect de la santé très négligé

    Merci pour ce bel article. Cela permet de voir la vie autrement.

  • Le 11 novembre 2021 à 05:40, par Zimm En réponse à : Burkina Faso : Les troubles mentaux, un aspect de la santé très négligé

    Un sujet pertinent et urgent, c’est écrit qu’en 2015 `` 41 % de la population générale âgée de 18 ans et plus a souffert ou souffre d’au moins un trouble mental``. C’est ÉNORME et Sérieux, ce sont des malades qui sont socialement stigmatisés avec des conséquences dévastatrices pour la personne, sa famille, et le développement d’un pays car ces personnes ne sont pas optimalement productives. Ce sont des malades qui ont besoin de notre compassion et Il y a une nécessité d’investir dans la santé mentale au Burkina en regardant les chiffres qui sont plus qu’inquiétants.

  • Le 11 novembre 2021 à 12:08, par jeunedame seret En réponse à : Burkina Faso : Les troubles mentaux, un aspect de la santé très négligé

    Aspect de santé très négligé parce que, un psychologue, ce n’est pas pour n’importe qui. Et aucune consultation ordinaire facile n’existe pour de bonnes orientations et de bons contacts et de bons soins de manière facile. Encore une pesanteur au trouble mental. Un trouble au trouble. Que faire ?

  • Le 11 novembre 2021 à 15:24, par Zimm En réponse à : Burkina Faso : Les troubles mentaux, un aspect de la santé très négligé

    @ jeunedame seret :
    Vous avez un bon point le manque d’argent et la pauvreté accélère la problématique des maladie mentales (en terme de prévention )

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