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Guy Penne :“Les progrès faits par le Burkina Faso sont extraordinaires”

Publié le mardi 15 novembre 2005 à 09h09min

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En séjour au Burkina Faso à la faveur de l’élection présidentielle, M. Guy Penne, sénateur honoraire, « grand connaisseur du Burkina » nous livre ici ses impressions sur plusieurs questions : l’organisation de l’élection présidentielle, la démocratie au Burkina, les raisons de la création de l’association « France-Burkina Faso » dont il en est le président... M Penne était accompagné de Jean-Pierre Bayle, conseiller maître à la Cour des comptes.

Sidwaya (S.) : Quel est l’objet de votre visite au Burkina en cette période électorale ?

M. Guy Penne (G.P.) : Nous venons de créer récemment l’association « France-Burkina Faso » ; nous avons eu d’ailleurs au Sénat, une séance inaugurale qui a vu la participation de nombreux français représentant toutes les tendances politiques et d’activités professionnelles. L’association a pensé qu’il était bon que des représentants viennent ici pendant cette élection.Je suis accompagné de M. Jean-Pierre Bayle, qui est un ancien sénateur, conseiller maître à la Cour des comptes et président de la mission laïque. Nous sommes là pour voir comment ça se passe, afin de pouvoir dire à nos adhérents que les élections se déroulent tout à fait sainement. Moi qui, depuis de nombreuses années, parcours l’Afrique, je trouve que c’est extraordinaire, les progrès qui sont faits au Burkina.

S. : Pourquoi une association « France-Burkina Faso » ?

G.P. : Il y a beaucoup d’associations de ce genre qui existent : on a « France-USA », « France-Allemagne », « France-Grande Bretagane », « France-Belgique », « France-Italie », « France-Gabon »...

Il y a intérêt à faire connaître les réalités du Burkina Faso, à promouvoir ce pays.

En France en tout cas, les gens ont plutôt un a priori favorable en ce qui concerne le Burkina Faso. Mais je crois qu’il faut qu’on ouvre, qu’on agrandisse et qu’on fasse mieux connaître ce pays, ses potentialités, ses dirigeants.

S. : Concrètement, quel peut-être l’intérêt d’une telle association dans le déroulement d’une élection comme la présidentielle ?

G.P. : D’abord, moi je suis un homme indépendant. J’ai beaucoup de relations avec les responsables africains. Je viens au Burkina, depuis longtemps. J’ai vu tous les changements qu’il y a eu depuis que j’étais conseiller de François Mitterrand de 1981 à 1986. En ce moment-là, Saye Zerbo était le chef de l’Etat (je l’ai d’ailleurs rencontré dans un meeting et on s’est embrassé). J’ai aussi connu Jean-Baptiste Ouédraogo, Thomas Sankara et Blaise Compaoré.

Quand j’étais vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la défense, des forces armées du Sénat, j’ai été aussi très engagé dans la Francophonie. Je me réjouis d’ailleurs de tous les efforts qui sont faits par le Burkina Faso pour la Francophonie.

Donc l’association « France-Burkina » veut faire connaître tout ça, appuyer tout ce qui est en direction de la Francophonie et montrer que nous avons d’autres relais qui dépassent les critères politiques.

S. : En tant qu’observateurs avez-vous parcouru un peu le pays pour vous enquérir de ce qui se passe dans le cadre de cette élection présidentielle ?

G.P. : Non, cette fois-ci, je n’ai pas pu. Nous sommes arrivés vendredi soir et nous repartons lundi soir. Mais nous avons vu les journaux, qui sont d’ailleurs très bien, notamment votre journal où toutes les tendances s’expriment.

Nous avons également eu une rencontre avec des structures en charge des élections. Et ce matin, nous avons visité cinq bureaux de vote. Le temps pour nous était trop court, mais on voit que lorsque les choses se passent bien dans la capitale d’un pays, elles se passent généralement aussi bien à l’intérieur du pays. Et s’il y avait eu des choses importantes dans les autres provinces, on l’aurait su. L’impression que l’on a, c’est que tout est calme.

On peut s’en réjouir, parce qu’en Afrique, ce n’est pas dans tous les pays que c’est calme. Et cela est une chose importante que l’on peut mettre à l’actif du président Compaoré.

S. : Au regard de ce que vous avez vu, quelle analyse faites-vous de l’évolution du processus démocratique au Burkina ?

G.P. : Aujourd’hui, on a vu qu’il y avait des listes électorales informatisées, et des représentations pluralistes dans les bureaux de vote. C’est partout pareil, et c’est très sérieux. C’est très significatif de l’état de la démocratie au Burkina Faso.

S. : A un certain moment de l’histoire du Burkina, notamment sous la Révolution, vous n’étiez pas en bons termes avec ses dirigeants de ce pays. Est-ce que depuis, les choses sont rentrées dans l’ordre ?

G.P. : Vous êtes un jeune journaliste, vous n’étiez pas là, mais ce sont les journalistes qui commentent les légendes. Je me suis trouvé ici en 1983 quand Thomas Sankara a eu des problèmes. J’étais avec deux journalistes : une journaliste de La Croix et un journaliste du Nouvel Observateur. On a voulu m’empêcher de quitter le pays, car on me soupçonnait de vouloir créer des ennuis au président.

Et moi j’ai répondu que je n’aurais pas été assez idiot pour venir ici si j’avais voulu agir ainsi, car je pourrais bien le faire par l’intermédiaire d’autres personnes. A l’époque, on m’a considéré comme suspect pendant quelques temps et puis, les choses se sont bien passées après. Moi je suis resté avec François Mitterrand jusqu’en 1986 et je continuais à avoir des conversations avec Thomas Sankara. Je n’étais pas là pour interférer dans les affaires d’un Etat. Même François Mitterrand ne l’aurait pas voulu ; on n’a jamais fait des baracoudas de gauche, après avoir dénoncé des baracoudas de droite.

J’insiste avec intérêt, sur tous les changements démocratiques qui peuvent se faire. C’est très bon d’ailleurs parce qu’en France par exemple, les gens sont découragés : les images qu’on véhicule de l’Afrique, c’est le Sida, la pauvreté, la corruption, les violences... L’Afrique, c’est quand même autre chose parce que derrière tout ça, il y a des gens aussi qui prospèrent, des gens formés, intelligents, travailleurs. Quand on voit l’évolution démocratique de ce pays qu’est le Burkina Faso, cela peut amener un certain nombre de Français qui militent dans les partis politiques à s’intéresser à l’Afrique.

Il faut que les jeunes aussi comprennent l’intérêt de cette association, car ce n’est pas pour mettre l’Afrique sous tutelle. Ces temps-là sont passés. C’est vrai que les temps de la colonisation ont présenté des choses pas très jolies, mais moi je ne m’en sens pas responsable.

S. : Comment avez-vous vécu la crise en côte d’Ivoire ?

G.P. : Je connais Laurent Gbagbo depuis 30 ans, il était même au Parti socialiste. Quand il fait bien les choses, je me réjouis. Quand il les fait moins bien, je suis triste. Je connais également l’ancien président Henri Konan Dédié, Alassane Ouattara... je connais tout le monde. Je suis désolé de voir ce qui se passe dans ce pays. Comment cette crise va se terminer, je n’en sais rien. Marcoussis semblait être une issue positive.

Je ne sais pas s’ils vont se mettre d’accord les uns, les autres sur un Premier ministre de transition. Si d’aventure on nommait un Premier ministre accepté de tous et à qui Laurent Gbagbo laisse la liberté de travailler, le pays pourra s’en sortir. Sinon, ce sera difficile.

Dans l’état actuel des choses, je ne vois pas forcément le prochain scrutin présidentiel se tenir dans les mêmes conditions qu’ici...

J’ai la nostalgie de l’époque Houphouët : c’était quant même mieux.

S. : Comment imaginez-vous une probable sortie de crise en Côte d’Ivoire ?

G.P. : Malheureusement, je ne l’imagine pas. J’ai peur que les choses soient allées trop loin et qu’on ait une partition de fait.

Vous savez que la France, mais également les autres nations du monde sont plutôt pour l’intégrité et non l’éclatement des pays. Le fait qu’on ait une partition en Côte d’Ivoire, il faudrait y remédier. Alors, j’espère qu’il y aura un miracle, on dit qu’il n’y a que les sots qui n’espèrent pas. Certaines personnes disent que ce n’est peut-être pas si grave que ça. Je ne sais pas.

S. : Monsieur le Sénateur, de retour chez vous, vous rencontrez quelqu’un qui ne connaît pas le Burkina, et qui vous demande de lui parler de ce pays. Qu’allez-vous lui dire ?

G.P. : Je vais lui dire que c’est un pays qui a eu une histoire très curieuse après la colonisation. Les présidents qui se sont succédé depuis l’indépendance, Maurice Yaméogo, Lamizana, bref tous ces gens-là ont fait quelque chose pour le pays. Ce qui est intéressant, ce sont les gestes faits par l’actuelle majorité et qui sont une sorte de reconnaissance des anciens présidents.

C’est vrai que Lamizana est décédé, mais il y a toujours Saye Zerbo et Jean-Baptiste Ouédraogo que j’ai vu récemment. C’est un pays qui a eu la chance de ne pas avoir de chance, c’est-à-dire de ne pas avoir de pétrole. C’est peut-être ce qui a empêché qu’il y ait moins d’intérêts de l’extérieur vis-à-vis de ce pays. Je trouve qu’il y a des progrès qui sont faits. Pas exemple le succès que vous avez pour le coton ? C’est énorme ! Je dirai aux Français de faire un tour dans ce beau pays, car il y a des choses intéressantes à y découvrir.

Jean-Pierre Bayle : Ce que l’on peut retenir du Burkina, c’est que c’est un pays où on se sent en sécurité, c’est un pays démocratique. On a eu la chance de pouvoir assister à cette élection présidentielle. Ce qu’on a vu ce matin donne toutes les garanties de rigueur et de sérieux. On ne ferait pas mieux en France sur le plan de l’organisation d’un scrutin aussi important pour le pays.

S. : Comment voyez-vous la présence des Français au Burkina ?

G.P. : Les français vivant au Burkina Faso sont très contents. Ils ne se sentent pas menacés, et ils ont plaisir à travailler ici. Ce n’est pas le cas dans certains pays où ils sont constamment menacés. En 1980 par exemple, il y avait 30 000 Français en Côte d’Ivoire, aujourd’hui, il y en a entre 5 et 6 mille. Et là, ce sont presque tous des gens qui sont dans des couples binationaux.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabanhki@yahoo.fr)
El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
Moustapha SYLLA

Sidwaya

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