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Insécurité au Burkina : A Kaya, la radio donne une seconde chance aux élèves déplacés internes

Publié le mardi 2 novembre 2021 à 23h00min

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Insécurité au Burkina : A Kaya, la radio donne une seconde chance aux élèves déplacés internes

Ils ont fui l’insécurité avec leurs parents. Ils n’ont pas pu se déplacer avec leurs écoles. A Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord, où ils ont trouvé refuge, les enfants déplacés internes ont une seconde chance de retrouver le chemin de l’école. Mais il ne s’agit pas du temple du savoir ordinaire qu’ils connaissaient. Dans la matinée du mardi 12 octobre 2021, nous avons suivi une séance d’école à travers la radio, avec ces enfants.

Une salle de classe en plein air. Une chaise et une table encerclées de plusieurs bancs. Le tout, sous un arbre. Cette scène se déroule dans le marché du secteur 4 de la ville de Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord. Après le lavage des mains, chaque enfant, muni de son cache-nez, s’installe sur le banc et patiente. Dans le jargon humanitaire, on les appelle des Elèves déplacés internes (EDI).

Le cadre est différent de ce qu’ils ont toujours connu comme école. La méthodologie des cours aussi. A l’aide d’un poste radio et grâce à une clé USB, ces EDI suivent les cours. Il s’agit du Programme d’éducation par la radio (PER), une initiative du Conseil diocésain de communication (CDC) mise en place depuis 2016 pour assurer la continuité éducative des enfants qui ont fui leurs localités à cause de l’insécurité. Les enseignements sont appelés des tuteurs communautaires. Le cadre qui accueille les enfants est un club d’écoute.

Cliquez ici pour lire aussi Programme éducation par la radio (PER) : Pour assurer le droit à l’éducation dans les zones à haut risque sécuritaire

Les tuteurs communautaires dispensent les cours grâce à un poste radio et un cahier de suivi.

Sous cet arbre, les élèves ont deux séances d’une heure par semaine. Dans un premier temps, l’animateur ou le tuteur communautaire procède au rappel de la leçon précédente, après les salutations d’usage. Lorsque le poste radio est allumé, un homme et une fille se présentent. Il s’agit de monsieur Hama et de Mariama, une élève. Le cours est un sketch. A travers des questions de relance, Mariama facilite la compréhension du cours. Les élèves écoutent religieusement l’audio. Les réponses aux questions dépendent de la qualité d’écoute.

« Je veux devenir médecin pour prendre soin de mes parents »

Pour une année scolaire, les enfants ont droit à 72 leçons par matière. Les trois matières sont le calcul, l’écriture et la lecture. Comme l’attestent les tuteurs, les élèves préfèrent le calcul et la lecture. C’est le cas de S.A., élève en classe de CP2, âgé de six ans. Ses parents et lui ont fui Dablo, commune rurale de la province du Sanmatenga. C’est dans cette localité que l’abbé Siméon Yampa et ses cinq fidèles ont été assassinés le dimanche 12 mai 2019.

Quant à O.M., sa préférence reste le calcul. « J’aime le calcul parce qu’il permet de savoir compter quelque chose comme l’argent et les bâtons. Quand les parents nous donnent de l’argent pour aller acheter quelque chose, si tu ne sais pas compter, tu ne peux pas aller au marché », se justifie la fillette, âgée d’une dizaine d’années.

O.M. est l’une des élèves éveillées de ce club d’écoute.

Elle est déjà passionnée par la santé. « Je veux devenir médecin pour prendre soin de mes parents à l’hôpital. Si tu es médecin, les autres médecins ne peuvent pas insulter tes parents », confie-t-elle.

« Par la radio, ils ont un bon niveau »

Selon Souamïla Kagoné, tuteur communautaire, il y a 40 élèves dans ce club d’écoute, dont 20 filles et 20 garçons. L’âge est compris entre six et 17 ans. « Certains fréquentaient une école déjà. Mais comme ils se sont déplacés à cause de la crise, ils n’ont pas de place pour continuer leurs études », nous explique-t-il. Le PER a pour objectif d’occuper ces enfants de manière utile.

Pauline Ouédraogo est l’enseignante du jour. Cette tutrice communautaire a commencé avec ce programme en avril 2020. Comme tout début est généralement émaillé de difficultés, elle se remémore encore ses premiers pas avec le PER. « Au début, leur niveau est différent. Il est donc un peu difficile de les mettre à jour pour obtenir de bons résultats à la fin », nous confie-t-elle.

Lire aussi : Attaque de Dablo : L’abbé Siméon Yampa et 5 de ses fidèles conduits à leur dernière demeure

Pauline Ouédraogo donne cours de 8h à 9h deux fois par semaine.

Malgré tout, elle a pu constater un changement. « Nous avons vu beaucoup de changements dans leur vie. Il y avait ceux qui ne voulaient même pas voir le cahier. Leur esprit était ailleurs. Par la radio, ils ont obtenu un bon niveau », se réjouit Pauline Ouédraogo.

Le PER est un cours de dix mois, à en croire les tuteurs communautaires. Après cette phase, Pauline Ouédraogo indique que les enfants vont poursuivre avec l’école classique. Ils vont continuer avec le niveau de classe qu’ils fréquentaient au départ. « S’il y a ceux qui ne se sont pas encore inscrits à l’école, ils peuvent aller au CP1 », précise-t-elle.

« Une approche qui permet de toucher le maximum d’enfants »

Pour Salam Kagoné, parent d’élève, cette initiative est d’une utilité pour les parents d’élèves. « Avec le Covid-19, les enfants étaient à la maison. Donc ce cours a permis de les occuper », affirme-t-il. Il se réjouit parce que tous ceux qui ont suivi le programme ont pu s’intégrer dans l’école classique.

Salam Kagoné souhaite que les clubs d’écoute soient clôturés afin que les enfants ne soient pas distraits aux heures des cours.

Et ce n’est pas Managabamba Zoungrana, le directeur régional de l’éducation préscolaire, primaire et non formelle du Centre-Nord, qui dira le contraire. « L’éducation par la radio est une bonne approche parce qu’elle est venue au moment où le système éducatif en avait besoin, affirme-t-il. Nous sommes confrontés à l’insécurité et au Covid-19. Le système éducatif a pris un coup suite à cela ».

A cause de l’insécurité, Managabamba Zoungrana indique ce sont plus de 2 000 écoles qui sont fermées. « Le Programme d’éducation par la radio est une approche qui permet de toucher le maximum d’enfants, pour ne pas dire qui assure la continuité éducative », brandi le directeur régional.

Lire aussi : Education nationale : 17 705 élèves affectés par la fermeture des écoles ont pu se réinscrire

Le Programme d’éducation par la radio (PER) a été initié en 2016 dans la région du Sahel. Avec la recrudescence de l’insécurité au Burkina Faso, ce sont cinq régions qui sont actuellement concernées par le programme. Il s’agit du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun. Selon les initiateurs, plus de 125 000 élèves sont touchés par le PER. Dans les cinq régions, il y a cinquante clubs d’écoute, à raison de dix clubs par région.

Avec la crise sanitaire liée au Covid-19, le système éducatif burkinabè a été touché. Face à cette situation, le Fonds des Nations-unies pour l’enfance (UNICEF Burkina) a décidé d’accompagner le gouvernement en amplifiant le programme dans d’autres régions. Plus de 300 000 élèves sont affectés par l’insécurité et le Covid-19, rapporte l’organisme onusien.

Lire aussi : Education au Burkina : Les péripéties d’un système éducatif face au Covid-19

Le PER, cette initiative qui est bien accueillie par les parents d’élèves et les acteurs de l’éducation, a toutefois besoin d’amélioration. C’est ce que pense Managabamba Zoungrana. « Il faut qu’on crée un rapprochement entre cette initiative et l’école classique ». Tout en souhaitant que cette collaboration se perpétue, il rappelle qu’ils ont le même objectif : l’avenir des enfants. « Et pour cela, aucun sacrifice n’est de trop », soutient-il.

Pour Managabamba Zoungrana, le PER est venu au moment où le système éducatif en avait besoin.

A la date du 31 août 2021, le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR) dénombrait officiellement 1 423 378 Personnes déplacées internes (PDI). La région du Centre-Nord occupe la deuxième place avec 34,71% de PDI, dont 270 091 enfants de moins de quatorze ans.

Cryspin Laoundiki
Lefaso.net

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