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Burkina : « Il faut que les journalistes continuent de travailler avec le sens élevé de la responsabilité » (Pr Serge Théophile Balima)

Publié le mercredi 15 septembre 2021 à 18h38min

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Burkina : « Il faut que les journalistes continuent de travailler avec le sens élevé de la responsabilité » (Pr Serge Théophile Balima)

Dans le cadre du renforcement continu des capacités des journalistes sur les thématiques à enjeu national, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a outillé plusieurs d’entre eux sur le rôle des médias dans la démocratie, la construction de l’Etat-nation et la cohésion sociale. Cette session qui a eu lieu ce mardi 14 septembre 2021 au siège de l’institution, sis à Ouaga 2000, a été dispensée par l’enseignant-chercheur en journalisme et communication, Pr Serge Théophile Balima.

Le directeur du Centre d’expertise et de recherche africain sur les médias et la communication (CERAM) et de l’Institut panafricain d’études et de recherches sur les médias, l’information et la communication (IPERMIC) a déroulé le thème autour de l’importance des médias dans la démocratie et la régulation de la gouvernance démocratique ; du rôle des journalistes et des médias dans le raffermissement de la cohésion sociale et du rôle des médias dans la construction de l’Etat-nation.

L’enseignant-chercheur a d’abord fait observer que dans le contexte du processus démocratique en cours, les médias ont un rôle important à jouer, tant pour l’équilibre des pouvoirs que pour le contrôle social de ceux-ci. C’est pourquoi affirme-t-il, le rôle des médias dans la formation de l’opinion publique est déterminant et justifie qu’ils prennent la mesure de leurs responsabilités sociales dans le débat démocratique. « La responsabilité du journaliste n’est pas celle de l’agent de bureau ou de l’infirmier. Elle met en jeu sa liberté personnelle et professionnelle, ses convictions politiques et philosophiques. Elle renvoie à la question de la vérité dans ses principes et ses valeurs, dans sa dimension éthique et politique. (…).

L’objectivité n’existe donc pas de façon absolue, mais existe l’honnêteté et seule l’honnêteté du journaliste peut contribuer à consolider un processus démocratique. (…). Le journalisme est l’un des plus beaux métiers au monde. Et même en Afrique, malgré les contraintes multiples, il reste une occupation exaltante pour les hommes et les femmes qui veulent servir l’opinion et accompagner les mutations sociales.

C’est un métier spécifique et étrange qui exige à la fois la compétence du professionnel, la curiosité de l’humaniste, la discrétion du confesseur et la prudence des serpents », peut-on retenir du développement de l’ancien conseiller de presse à la présidence sous Thomas Sankara.

Vue partielle des participants.

‘’La construction de l’Etat-nation est intervenue à partir de l’indépendance, le 5 août 1960 ’’

Les médias sont, dit-il, indispensables au fonctionnement de la démocratie. D’abord, parce que l’information est un bien collectif, une nourriture indispensable à la croissance civique des citoyens. Ensuite, en exposant grandement toutes les positions politiques possibles et imaginaires, en faisant entendre la multiplicité des voix émanant des acteurs sociaux, les médias consolident la liberté d’expression et la participation citoyenne qui sont les fondements de la démocratie.

« Dans une démocratie, les médias, quand ils fonctionnent normalement, contraignent la minorité d’hommes et de femmes qui gouvernent à ne pas perdre de vue les préoccupations et aspirations de la majorité anonyme de la population. Dès que l’information diffusée par voie de médias atteint les couches les plus larges de la population, le comportement politique se modifie parce que cette même information amplifiée a des répercussions directes sur la conscience morale des citoyens », présente l’ancien ministre de l’information et de la culture.

De la dynamique de construction de l’Etat-nation, et après avoir présenté des appréhensions de cette notion, Pr Serge Théophile Balima retient également que selon le Maître de recherche en Histoire des relations internationales au Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST), Pierre Claver Hien, dans une communication publique sur « L’Etat nation en questions : Genèse, péripéties et défis de la cohésion sociale », la construction de l’Etat-nation est intervenue à partir de l’indépendance proclamée le 5 août 1960.

« Pour lui, l’Etat-nation est toujours une réalité au Burkina Faso, car notre volonté de vivre ensemble s’étend sur tout le territoire national. Selon lui, cet Etat-nation a connu à certains moments de son histoire des dérapages touchant à l’intégrité du territoire et à la division ethnique. Parlant des défis de la cohésion sociale depuis la IVe République, il a mentionné cette quête permanente de la réconciliation nécessaire à la cohésion sociale, mais dont le processus est ralenti par les attaques terroristes », évoque M. Balima, par ailleurs membre du Conseil d’administration du CGD.

‘’Je suis fier de la presse burkinabè…’’

Il estime que les journalistes doivent, dans la construction de l’Etat-nation, éviter la déshumanisation de l’autre, en ne se laissant pas emporter par des sentiments tribalistes ; se départir des clichés et stéréotypes avec un vocabulaire discriminant et décalé par rapport à la réalité. « Il faut plutôt mettre l’accent sur les facteurs positifs, les facteurs de rassemblement, beaucoup plus que sur les facteurs négatifs. Nous avons vu ce qui est arrivé à Bouroum-Bouroum (drame relatif aux agents du CCVA, ndlr) ; les journalistes, s’ils insistaient par exemple sur la stigmatisation de certaines communautés, ça allait être extrêmement grave. Je pense que c’est de cette façon que l’on peut travailler à créer et à conserver l’unité au niveau des communautés », apprécie Pr Balima.

Les journalistes doivent également éviter l’amalgame dans la description des faits et des acteurs en présence, la victimisation qui consiste à présenter une communauté comme victime (donc celle-ci a droit à la légitime défense contre l’ennemi), la manipulation de l’histoire du Burkina ou de la région en rattachant les violences subies à des conspirations ourdies par des mains extérieures …

Il est attendu des journalistes de plutôt pratiquer un journalisme de médiation entre les acteurs en présence, entre communautés en conflits en permettant à toutes les parties de donner leurs points de vue sans stigmatisation ; pratiquer un journalisme non violent en mettant en avant les éléments qui rassemblent les acteurs en présence, les éléments positifs allant dans le sens de leur rapprochement que dans le sens contraire. Aussi doivent-ils œuvrer à l’unification des régions et des habitants en mettant en exergue la coexistence pacifique des différentes communautés dans les villes et campagnes, etc.

« J’ai bien dit que j’étais fier de la presse burkinabè ; parce que nous avons des journalistes qui sont, dans leur majorité, de grands responsables, qui travaillent à ne pas développer l’esprit de va-t’en guerre comme on le voit dans certains pays. Et c’est ce qui explique d’ailleurs que nous avons un très bon classement au niveau mondial par les institutions internationales, qui notent que, quelque fois, le Burkina est mieux placé que certains pays occidentaux ; il nous arrive de dépasser les Etats-Unis d’Amérique et je pense que c’est une bonne chose. Il faut que les journalistes continuent de travailler avec le sens élevé de la responsabilité », exhorte Pr Serge Théophile Balima.

O.L
Lefaso.net

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