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Ethique et politique chez Aristote

Publié le lundi 2 août 2021 à 14h41min

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Ethique et politique chez Aristote

Par SOME/SOMDA Minimalo Alice
Chargée de recherche à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS) du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRST) Ouagadougou/Burkina Faso
alicesomda14@gmail.com

Résumé

Aristote élabore une théorie morale orientée vers la recherche du bonheur du citoyen. Pour lui le citoyen ne peut bien agir et bien vivre que s’il incarne des vertus morales et intellectuelles. En outre, le philosophe pose qu’il revient à la politique d’élaborer des lois justes dans la cité pour garantir au citoyen une conduite juste et responsable. Dans sa philosophie morale, l’éthique et la politique ont une même finalité qui est la recherche du bonheur du citoyen.

Introduction

L’éthique est une branche de la philosophie pratique. Elle se définit comme une réflexion critique des valeurs, des normes, des règles et des principes moraux dans la société des êtres humains qui interagissent entre eux et leur milieu environnemental dans le sens du bien. Elle questionne la finalité de l’action humaine parce qu’elle est une réflexion sur l’agir humain dans la réalisation des fins. Elle s’intéresse à ce qui doit être et non à ce qui est. Elle intervient également comme une critique réflexive pour recadrer la morale afin qu’elle soit universelle dans l’intérêt de tous et qu’elle soit toujours dynamique dans le temps et l’espace. On peut noter que l’éthique permet de justifier de façon rationnelle l’action humaine dans le respect des valeurs. L’éthique aristotélicienne qui est une éthique de vivre-ensemble et qui guide l’agir humain cherche à donner sens à la vie humaine. Mais comment comprendre le rapport entre l’éthique et la politique chez Aristote pour une vie bonne ? Pour analyser ce sujet, il sera nécessaire d’aborder les vertus dans l’éthique aristotélicienne et de montrer l’importance de l’éthique pour la politique dans une cité.

1. Les vertus humaines dans l’éthique d’Aristote

L’éthique aristotélicienne est une éthique de vertu. Elle est une théorie morale qui valorise les qualités de l’être raisonnable dans la recherche de la vie bonne. Doctrine du bonheur (le bonheur chez Aristote est le bien suprême recherché dans l’existence humaine) qui s’appuie sur les vertus humaines pour parvenir au bien suprême. L’éthique de la vertu est basée sur le perfectionnisme de l’individu pour qu’il soit un agent moral vertueux. Vivre vertueux pour une vie heureuse est le levier de la théorie morale aristotélicienne. C’est dire qu’elle met l’accent sur la perfection humaine à travers les qualités humaines essentielles qui vont rendre les actes moraux.

Selon Aristote, la vertu est une aptitude, une disposition morale à bien agir. La vertu garantit l’action parfaite parce qu’elle est excellence. Ce philosophe distingue deux sortes de vertus : les vertus morales (vertus du caractère) et les vertus intellectuelles (vertus de l’âme). Cette distinction se manifeste comme suit : « nous disons, en effet, qu’il y a des vertus intellectuelles et des vertus morales, que la sagesse, la compréhension, la sagacité, sont d’ordre intellectuel mais la générosité et la tempérance, d’ordre moral » (Aristote, 2004, p. 98).

La vertu morale est le produit de l’habitude et la vertu intellectuelle est acquise et développée par l’enseignement. Par conséquent, il faut de l’expérience et du temps avant qu’elle ne soit enseignée parce qu’elle s’acquiert après la possession de la vertu morale qui est la résultante de l’habitude. L’attitude éthique est un effort d’élévation vers l’humanité dans l’homme à travers le perfectionnement humain. Pour M. Savadogo, (2008, p. 8) « l’éthique suggère l’aptitude en l’homme de se fixer des buts, de se former des règles de conduite indépendamment des sollicitations naturelles, physiques et biologiques. »

Aristote définit également la vertu comme étant

un état décisionnel qui consiste en une moyenne, fixée relativement à nous. C’est sa définition formelle et c’est ainsi que la définirait l’homme sagace. D’autre part, elle est une moyenne entre deux vices, l’un par excès, l’autre par défaut ; et cela tient encore au fait que les vices, ou bien restent en deçà, ou bien vont au-delà de ce qui est demandé dans les affections et les actions, alors que la vertu découvre le milieu et le choisit. (Aristote, 2004, pp. 116-117).

Dans la vision aristotélicienne, la vertu éthique à prendre en considération est la recherche d’un juste milieu entre les deux vices que sont l’excès et le défaut. Autrement dit, la vertu est la tendance à la modération, à l’équilibre, à la recherche du juste milieu. C’est pourquoi les citoyens doivent bien agir c’est-à-dire agir de façon mesurée, raisonnable tout en recherchant l’équilibre entre l’excès et le défaut qui préserve la vertu. Dans l’éthique à Nicomaque, outre les vertus morales et intellectuelles, Aristote analyse des vertus morales particulières qui sont : le courage, la tempérance, la générosité, la magnificence, la magnanimité, la vertu qui paraît ambition, la douceur, l’amabilité, la franchise, l’enjouement, la pudeur. La vertu de l’homme est la disposition qui rend aussi bonne son action.

2. La question de la politique dans l’éthique aristotélicienne

L’éthique de la vertu d’Aristote s’inspire de la philosophie humaine qui interroge l’homme et ses actions pour trouver le sens et la fin de l’existence. Réfléchissant sur le comment la politique doit viser le but ultime pour les citoyens dans leur agir, il élabore sa théorie morale. Ce philosophe pense que l’État doit tout organiser pour permettre un bien vivre ensemble des citoyens. C’est pourquoi, Aristote (2004, p. 81) écrit : « en effet, nous avons posé que la fin de la politique est le bien suprême. Or la politique met le plus grand soin à faire que les citoyens possèdent certaines qualités, qu’ils soient bons et en mesure d’exécuter ce qui est beau. » Cette éthique se propose de guider l’action humaine afin de la porter à un stade meilleur.

Dans ce sens, ce philosophe considère la politique comme une science architectonique c’est-à-dire celle qui est au-dessus de toutes les autres sciences et qui coordonne tout. La politique devient le tremplin de l’exercice de la vertu morale.
La politique et l’éthique ont pour finalité la recherche du bonheur de tous les citoyens qui sont en même temps des sujets éthiques et des sujets politiques. Ainsi, les citoyens doivent vivre dans une cité en recherchant la justice. Une des vertus qu’Aristote développe dans sa théorie morale est la justice qui est liée à la recherche du bonheur du citoyen.

À ce propos, Aristote (2004, p. 39) affirme : « c’est pourquoi le bonheur est l’exercice sagace de la justice entendue comme vertu complète, ce qui veut dire exercice de la politique. » Selon lui, la justice qui est la vertu finale en politique concourt au bonheur dans la cité. Cette vertu finale est toujours en relation avec autrui. La justice comporte trois dimensions : la justice distributive, la justice corrective, la justice dans les transactions. Chez Aristote, la justice qui est une vertu politique par excellence, constitue une vertu globale. Dans cette optique, il soutient que « la vertu de justice est de l’essence de la société civile, car l’administration de la justice est l’ordre même de la communauté politique, elle est une discrimination de ce qui est juste. » Elle est de l’essence de l’éthique du vivre-ensemble car elle contribue à la bonne gestion d’une vie pratique dans l’organisation sociale et politique de la cité.

L’éthique est au fondement de la constitution de la cité idéale. C’est en cela que les États élaborent des politiques qui permettent au citoyen de vivre de façon vertueuse. En attestent ces propos : « … la politique est une excellence (la sagacité) qui permet à l’homme d’atteindre son bien ultime dans l’exercice de la vertu morale pour elle-même, jusque dans les rapports avec autrui. » (Aristote, 2004, p 33). Selon lui, la justice est la vertu finale parce que le citoyen qui la pratique se comporte de façon vertueuse envers ses semblables et la seule fin immédiate de la politique est de produire de bonnes lois, c’est-à-dire des lois justes.

C’est pourquoi, ce philosophe souhaite dans son éthique que les institutions soient justes pour favoriser une vie bonne et le bien-vivre. Pour Aristote (1995, p. 209), « l’État, c’est la communauté du bien-vivre et pour les familles et pour les groupements de familles, en vue d’une vie parfaite et qui se suffise à elle-même. » Le rôle primordiale dévolu à l’État est de garantir l’ordre, la sécurité, la liberté, la justice et le bonheur des citoyens.

Conclusion

L’éthique de la vertu chez Aristote met en exergue la perfection de l’être humain par le développement des vertus. Pour ce philosophe, le citoyen dans la cité a l’exigence de bien vivre en recherchant la vie bonne par l’atteinte du bonheur. Et c’est à la politique d’établir des lois de l’ordre qui soient justes pour l’accomplissement du bien. Chez Aristote, l’éthique et la politique sont au service du citoyen pour son épanouissement plein et entier.

Bibliographie

ARISTOTE, 2004, L’éthique à Nicomaque, Paris, Editions Flammarion.
ARISTOTE, 1995, La Politique, Paris, Librairie philosophique J. vrin
SAVADOGO Mahamadé, 2008, Pour une éthique de l’engagement, Namur, Presses universitaires.

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