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Violences basées sur le genre au Burkina : Un atelier du HCR pour prévenir ces exactions dans la région du Nord

Publié le dimanche 27 juin 2021 à 15h35min

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Violences basées sur le genre au Burkina : Un atelier du HCR pour prévenir ces exactions dans la région du Nord

Violée, mutilée, victime de violences conjugales parfois mortelles, la femme souffre le martyr et meurt en silence ; souvent du fait des préjugés, des pesanteurs socio-culturels, de l’ignorance, de la peur... la liste n’est pas exhaustive. Un phénomène qui s’est accentué au Burkina Faso, depuis l’avènement des crises sécuritaire et sanitaire. En vue de prévenir, mais aussi de répondre à ce fléau qualifié de violences basées sur le genre (VBG), le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) et ses partenaires outillent les acteurs clés des provinces du Passoré et du Zondoma (dans la région du Nord). A cet effet, la ville de Yako (de la province du Passoré) a accueilli la première session de formation sur les VBG, initiée par le HCR ce jeudi 24 juin 2021.

La crise sécuritaire sans précédent, avec la montée de l’extrémisme violent que connaît le Burkina Faso ces dernières années, a engendré de profonds bouleversements de la vie des communautés dont le déplacement massif de populations vers les localités plus ou moins stables. Cet état de fait a occasionné des situations de crises humanitaires, posant aujourd’hui de véritables problèmes de protection de ces populations.

Les violences basées sur le genre (VBG) constituent l’un des fléaux qui minent de nos jours les zones en proie au terrorisme et la région du Nord n’est pas en reste. De ce fait, le ministère en charge de la Femme et de la Solidarité nationale procédait le 2 mars dernier au lancement d’un numéro vert (80 00 12 87) pour dénoncer les VBG sur l’ensemble du territoire.

L’ensemble des bénéficiaires de l’atelier organisé et financé par le HCR

Dans cette même dynamique, partant du constat de la quasi-inexistence d’acteurs VBG dans les provinces du Passoré et du Zondoma, à l’issue d’une mission prospective en octobre 2020 dans ces zones, le HCR a jugé nécessaire d’y mener des actions de réponse aux VBG. Pour ce faire, un renforcement de capacités est initié en la matière au profit d’acteurs clés des dites localités dont la première session s’est tenue les 24 et 25 juin 2021 à Yako.

« Nous recevons le plus souvent dans nos services sociaux, des cas de morsures, des coups de poing, coups de tête, surtout dans la ville de Ouahigouya. Il y a aussi bien entendu des cas de coups mortels qui entraînent la mort à travers l’utilisation de coupe-coupe, poignard, hache, marteau, couteau de cuisine, fusil […] La plupart de ces violences sont généralement exercées au sein des familles. Les VBG ne sont pas seulement l’apanage des femmes, il y aussi des cas où les hommes en sont victimes mais l’accent est mis sur elles parce qu’elles sont les plus nombreuses à y être confrontées », explique Léonard Sawadogo, l’un des formateurs du jour, par ailleurs directeur régional en charge des actions humanitaires du Nord.

Il a été enregistré plus de 750 cas de VBG dans la région du Nord dont les plus fréquents sont les mariages d’enfants, suivis des violences physiques, a affirmé Léonard Sawadogo

Il a par la même occasion levé les zones d’ombre qu’avaient les apprenants sur les différents types de VBG. « On a tendance à classer les VBG selon trois types : les violences physiques, les violences psychologiques et morales, ainsi que les violences sexuelles. Mais en ce qui concerne le ministère en charge de la Femme, les VBG sont classifiées en six catégories : ce sont les violences physiques, morales, sexuelles, culturelles, économiques et enfin politiques », a-t-il précisé.
Selon Léonard Sawadogo, il a été enregistré plus de 750 cas de VBG dans la région. « Les plus fréquents sont les mariages d’enfants, suivis des violences physiques », a-t-il affirmé.

Bien avant lui, la formatrice Clémentine Cremer avait abordé en introduction avec les 40 participants, quelques statistiques de cas de VBG dans le monde et dans la sous-région, afin de montrer qu’il s’agissait bien d’un phénomène mondial. Elle leur a également donné certaines notions de définition des VBG de sorte qu’ils ne fassent plus d’amalgame à ce sujet. « Au Libéria, il y a 32% des anciens combattants ‟hommes” qui ont rapporté avoir été victimes de violences ; en Kurdistan (situé en Asie occidentale entre la Turquie et l’Irak), 75% des femmes et des filles ont été soumises à des mutilations génitales ; en RDC, au moins 200 000 personnes ont été violées pendant la guerre civile ; en Chine, ce sont plus de 30 000 cas de viol rapportés à la police chaque année […] », a-t-elle souligné.

Clémentine Cremer, formatrice

L’un des bénéficiaires de la présente formation, Pèlga Kaboré, dit avoir bien été éclairé sur la thématique à l’ordre du jour. Ce qui lui permet désormais de pouvoir faire la différence entre les VBG et les autres formes de violences.

« C’est une formation que j’attendais vraiment, étant des thématiques nouvelles. Et pour qu’on puisse jouer notre partition dans la lutte contre ce phénomène, il fallait qu’on ait les rudiments nécessaires pour être à mesure de les identifier mais aussi savoir quelles sont les voies de recours afin d’être plus efficaces sur le terrain. Ce que je retiens c’est que cette session nous a permis d’avoir une définition claire des violences basées sur le genre, car de façon pratique la confusion est vite créée parce que les violences existent sous plusieurs formes ; toute chose qui augmente les risques de se tromper […] Quand nous regardons la typologie qui est énumérée ici, nous nous rendons compte que nous les rencontrons au quotidien. Il y a deux mois de cela en effet, nous avons reçu des cas de viol sur une élève, les mutilations génitales féminines (MGF) et les violences conjugales sont également des cas que nous recevons au quotidien sans oublier les violences économiques […] C’est l’exemple d’une femme dont on a exproprié les biens suite au décès de son mari », a confié l’agent exerçant à la Direction provinciale en charge de la femme et de la solidarité nationale du Passoré, Pélga Kaboré.

Il y a deux mois de cela en effet, nous avons reçu des cas de viol sur une élève, a confié Pèlga Kaboré, agent à la Direction provinciale en charge de la femme et de la solidarité nationale du Passoré

Quant à Béatrice Sawadogo, l’une des agents de santé de la province, cet atelier qui vient à point nommé lui permettra de mieux appréhender les questions des VBG.
Le traitement des VBG se fait au cas par cas, selon les acteurs intervenant dans le domaine. La médiation est la méthode la plus souvent employée pour les violences conjugales mais en situation de force majeure, les agents se trouvent contraints de faire recours aux forces de l’ordre.

Pour les organisateurs, la présente activité s’inscrit dans le souci global du HCR et ses partenaires de prévenir la violence basée sur le genre, d’en atténuer les risques et d’assurer la prise en charge des survivant(e)s.

Béatrice Sawadogo, agent de santé

« L’objectif de cet atelier est de recycler et renforcer les capacités techniques des travailleurs sociaux, agents de santé et acteurs de la société civile de la province du Passoré sur les VBG ; y compris la gestion de cas afin de pouvoir en faire des ambassadeurs efficaces dans la lutte contre les VBG. En effet, après cet atelier, il est question que les participants réalisent mensuellement des causeries éducatives sur les VBG au sein des communautés des personnes déplacées internes et des populations hôtes », a indiqué Nathalie Mbenoun, chef bureau région du Nord du HCR. 3426 et 1280 personnes déplacées internes ont été enregistrées respectivement dans les provinces du Passoré et du Zondoma, selon les statistiques du ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire (MFSNFAH), en 2020 et 5224 personnes ont été victimes de VBG. Grâce au numéro vert lancé le 2 mars dernier à Ouagadougou, 98 dénonciations y ont été faites en l’espace seulement d’une semaine.

Nathalie Mbenoun, chef bureau région du Nord du HCR

En rappel, le 18 mai dernier, l’assassinat d’une femme par son époux a suscité l’indignation de l’ensemble des femmes de la ville de Ouahigouya. Cela a entraîné le déplacement d’urgence de la ministre en charge de la Femme, Marie Laurence Ilboudo, dans la localité afin de calmer la colère de la gent féminine.

Les formateurs ont au cours de cette session interactive abordé non seulement les causes et les conséquences mais ont également soumis les participants à des études de cas sur les VBG. La gestion de cas de VBG et ses principes, les étapes de la gestion de cas, la simulation d’une personne survivant de VBG à prendre en charge, la présentation des rôles et responsabilités des acteurs dans le mécanisme de prévention ainsi que de réponse aux VBG ont fait partie des grandes articulations de la présente formation.

La province du Zondoma accueillera à son tour, la même formation que celle du Passoré les 29 et 30 juin prochains avec la même vision et les mêmes objectifs.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

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