LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Lassané Savadogo, DG CNSS, dans l’émission Tapis d’honneur : « Pour la défense de son territoire, le Burkina compte d’abord sur son armée »

Publié le mardi 22 juin 2021 à 20h00min

PARTAGER :                          
Lassané Savadogo, DG CNSS, dans l’émission Tapis d’honneur : « Pour la défense de son territoire, le Burkina compte d’abord sur son armée »

Pour sa rigueur au travail, son attachement à la justice, son intégrité et ses multiples expériences tant en matière de droit que de politique…, Lassané Savadogo, s’est bâti aujourd’hui une réputation. Reconnu pour ses valeurs et ses principes dont témoignent ses collègues et ses proches, l’actuel directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) du Burkina Faso a été l’invité de marque de l’émission « Tapis d’honneur ». Juriste de son état, il a été soumis à une série de questions sur ses différentes fonctions aussi bien en tant que manager d’institution qu’homme politique, ce samedi 19 juin 2021 chez lui à Gourcy (située dans la province du Zondoma, dans la région du Nord).

Sans langue de bois, le directeur général de la CNSS, Lassané Savadogo, s’est prêté aux questions de nos confrères de la radio nationale du Burkina (RTB-Radio), pendant deux heures. Les sujets à l’ordre du jour ont été centrés aussi bien sur l’actualité que sur des faits passés qui ont marqué l’histoire du pays. Ainsi, après un résumé sur le parcours de l’invité du jour, l’ancien ministre de la Fonction publique démarre autour de 10h son entretien avec les animateurs de l’émission « Tapis d’honneur ».

Parmi les questions abordées, étaient sur la table des échanges, les difficultés de la Fonction publique et les reformes apportées sous son leadership à l’époque de l’ex président du Faso, Blaise Compaoré ; les marchés publics ; l’affaire de recrutement frauduleux de la CNSS ; le système éducatif ; l’insurrection populaire d’octobre 2014 ; le retour de Blaise Compaoré ; l’assassinat de Thomas Sankara mais aussi l’actualité du moment, le terrorisme.

« C’est pratiquement impossible de réaliser un concours avec un résultat de zéro fraude. »

Irrégularité dans l’organisation des concours

Au sujet des problèmes rencontrés à la Fonction publique, Lassané Savadogo rapporte avoir fait face à une certaine irrégularité dans l’organisation des concours entre 2005 et 2006. « Je ne dis pas que tous les concours de l’époque étaient des ‟concours alibis” mais à mon arrivée j’ai constaté l’organisation de tels concours au sein du Ministère. C’est-à-dire qu’on donne l’impression d’organiser un concours pour recruter des candidats sur un même pied d’égalité alors que ce n’est pas le cas. J’ai assisté à des situations mais pour certaines raisons je ne veux pas trop m’étendre dessus. Cependant, il y en a eu où l’on devait recruter 500 personnes, ils ont délibéré jusqu’à une centaine de personnes par exemple, et ont décidé d’arrêter la liste à ce nombre pour le compléter plus tard », a-t-il dénoncé avant de préciser que le recrutement frauduleux auquel il était confronté s’était déroulé bien avant sa prise de fonction en 2007. Et les agents mandatés de signer le PV de délibération, l’avaient refusé, vu les manigances observées.

« Malgré ce refus, les admis ont été formés et devaient être intégrés. Mais cela ne pouvait se faire sans la signature des agents commis à cette tâche. J’ai alors décidé de donner l’ordre au jury d’apposer sa signature au regard de la complexité de l’affaire, au risque de pénaliser les innocents [...] », s’est-il confié en soulignant qu’il s’agissait là, de la seule situation qu’il avait plus ou moins couverte car les tentatives de fraudes qui ont suivi n’ont pas pu aboutir grâce à la rigueur qu’il avait désormais imposée dans l’organisation des concours de la Fonction publique.

A la question de Jean Baptiste Bouda de savoir comment pouvait être stoppé un tel phénomène, M. Savadogo répond : « C’est pratiquement impossible de réaliser un concours avec un résultat de zéro fraude. Mais elle peut être réduite de façon drastique et à cet effet j’ai élaboré des textes dans ce sens qui ont fourni de très bons résultats. »

Réviser la procédure d’attribution des marchés publics

Concernant la passation des marchés publics au Burkina, l’invité est clair, la procédure d’attribution doit être révisée. « Les gens pensent que c’est la corruption qui est à la base de construction d’infrastructures publiques de mauvaise qualité ; cela est possible. Cependant, notre règlementation sur les marchés publics ne nous permet pas d’avoir de bons résultats. Vous avez par exemple des ‟apprentis sorciers” qui se présentent comme étant des entrepreneurs qui n’ont aucune expérience en la matière, certains font du faux jusqu’à prendre des papiers d’autrui pour monter de faux dossiers [...] », a-t-il expliqué tout en déplorant qu’il y a beaucoup de marchés en cours à résilier, du fait de leur incapacité à pouvoir les exécuter.

« Ce que nous avions prévu, c’était qu’il y ait une réorganisation du système d’enseignement en vue de distinguer clairement l’enseignement général de l’enseignement technique et professionnel. »

Recrutement frauduleux de la CNSS

Sur l’affaire du recrutement frauduleux de la CNSS toujours en instance, Lassané Savadogo pointe du doigt le manque de cohésion, de communication et de sérénité comme étant les éléments clés qui ont prévalu à la malheureuse situation qu’a connue l’institution. Il affirme cependant que toutes les dispositions avaient été prises en amont pour éviter d’en arriver à ce stade. Une expérience dont il dit avoir tiré de bonnes leçons, pour que ne se reproduise plus jamais un cas similaire.

« Nous avions prévu qu’il y ait dans chaque chef-lieu de province, une université »
La réforme du système éducatif a également été l’objet de l’entretien entree le DG de la CNSS et ses interlocuteurs. « Ce que nous avions prévu, c’était qu’il y ait dans chaque chef-lieu de province, une université avec un objectif de déconcentration. Ensuite, une réorganisation du système d’enseignement en vue de distinguer clairement l’enseignement général de l’enseignement technique et professionnel. Il s’agissait pour nous de créer une école primaire d’enseignement technique et professionnel à côté de chaque complexe scolaire d’enseignement général avec le but qu’aucun élève ne quitte les bancs sans avoir bénéficié d’une formation technique et professionnelle. Ceci dans la vision que ceux qui ont des difficultés dans l’enseignement général puissent être affectés à l’enseignement technique aux fins de leur inculquer des connaissances qui soient à mesure de leur permettre d’exercer un métier plus tard », a-t-il justifié.

« Nous, on manifestait contre la modification de ‟l’article 37ˮ et on le faisait sur deux tableaux. »

« On n’a pas préparé l’insurrection, elle est arrivée d’elle-même ! »

De plus en plus les questions s’enchaînent et celle relative à l’insurrection populaire fait surface. « Pour l’insurrection ? », a-t-il réagi avant de poursuivre. « D’abord honnêtement nous, on n’a pas préparé l’insurrection hein, elle est arrivée d’elle-même ! Nous, on manifestait contre la modification de l’article 37 et on le faisait sur deux tableaux. On avait des camarades qui étaient députés au CDP ou dans d’autres partis. Ils étaient tous d’accord avec nous pour que la modification ne soit pas faite au niveau de l’Assemblée nationale. Nous étions aussi suffisamment représentés à l’Hémicycle pour atteindre notre objectif », a-t-Il indiqué en argumentant par la suite.

C’est pourquoi le CDP voulait à un moment donné recourir au référendum au cas où ils n’obtiendraient pas la majorité au niveau de la Représentation nationale. De ce fait, ce n’était plus dans une salle qu’il fallait résoudre le problème mais dans la rue, ce qui nous y a conduits à empêcher la modification de l’article 37. Donc, c’est par la force des choses. Moi je le savais personnellement et je l’ai partagé avec un certain nombre de camarades. Je leur ai dit si on atteint notre objectif au niveau de l’Assemblée nationale, il faut savoir que le régime va tomber et s’il tombe il y aura un vide, il faut qu’on pense à comment combler ce vide là, sinon il naîtra un coup d’Etat. Ils ne m’ont pas cru et c’est ce qu’il s’est passé », a-t-il relaté.

« On n’a jamais dit que Blaise ne pouvait pas revenir au Burkina Faso »
Quant au retour de Blaise Compaoré, Lassané Savadogo ne passe pas par quatre chemins pour dire ce qu’il pense. « C’est clair hein, nous, on n’a jamais dit que Blaise ne pouvait pas revenir au Burkina Faso. Nous ne sommes pas plus Burkinabè que tous ceux-là qui ont quitté le pays. Ils ont les mêmes droits que nous, mais ils ne sont pas plus Burkinabè que nous non plus ! Nous qui sommes au Burkina Faso, si nous avons des problèmes devant la justice, nous allons répondre devant la justice. Si les Burkinabè de l’extérieur veulent revenir dans leur pays natal, ils peuvent le faire mais s’ils ont des comptes à rendre à la justice ils le feront. »

« Certains font croire aux gens que rien n’est fait dans le cadre du renforcement de nos capacités opérationnelles sur le plan militaire... »

« Ce qui s’est passé après le 15 octobre 1987 est aussi grave que l’assassinat de Sankara »

Pour ce qui est de l’assassinat de Thomas Sankara, l’homme garde un très mauvais souvenir. « Le 15 octobre 1987 était une véritable tragédie. Moi, j’étais avec un ami français qui n’était pas loin de l’Hôpital Yalgado et on voyait des gens tirer pendant que des personnes couraient de gauche à droite. Ce qui s’est passé après cet évènement tragique était aussi grave que celui de l’assassinat de Sankara. Avec tout ça, les gens pensent vraiment qu’il faut faire l’amnistie. Bon, si on n’a pas une claire connaissance de ce qui s’est passé le 15 octobre, ce qu’il y a eu après cette date et la mort de Norbert Zongo, de même que ce qui s’est déroulé après sa mort ; tant qu’on n’est pas accroché à ces réalités là, on peut faire des affirmations que l’on veut selon ses intérêts du moment. Mais pour celui qui a vécu ou qui connait l’histoire réelle, aura un jugement tempéré face aux victimes de ces tristes évènements », s’est-il indigné.

Les journalistes de la radio nationale (RTB-RADIO) présentant l’émission ‟Tapis d’honneurˮ

« Ce qui a été fait durant les cinq dernières années pour notre armée, dépasse largement ce qui a été fait de 1960 à 2015 »

En ce qui concerne le terrorisme, Lassané Savadogo reste optimiste quant aux moyens déployés pour lutter contre ce fléau. « Comme vous le savez, dès notre arrivée au pouvoir, nous avons été accueillis par des actes terroristes et depuis lors cela perdure. Il y a des efforts qui sont faits et je reste convaincu qu’ils vont donner des résultats, c’est ça le plus important. Certains font croire aux gens que rien n’est fait dans le cadre du renforcement de nos capacités opérationnelles sur le plan militaire. Demandez à la hiérarchie militaire, ils vous diront que ce qui a été fait durant les cinq dernières années pour notre armée, dépasse largement ce qui a été fait de 1960 en 2015. »

A cette réponse, relance d’un des animateurs de l’émission, Jean Baptiste Bouda : « Pourtant jusqu’à présent sur le terrain, les résultats ne donnent pas satisfaction ! » Et à M. Savadogo de répliquer : « Les résultats ne donnent pas satisfaction parce que justement quand on est arrivés, il n’y avait pas d’armée. Il fallait donc réorganiser l’armée purement et simplement. Il y avait une cellule qui était seulement chargée d’assurer la sécurité de Blaise Compaoré et son clan et c’est tout. Elle n’avait pas pour mission de protéger le Burkina Faso », explique-t-il tout en poursuivant.

« Donc, quand les attaques sont survenues, l’armée n’avait pas de capacité de riposte, d’où la nécessité qu’il y avait de la réorganiser. Ensuite, il s’agit d’une forme de guerre qui était méconnue dans nos pays, les militaires l’appellent ‟guerre asymétriqueˮ[…] Et puis il faut savoir hein... Nous sommes un pays fier et vous devez être fiers de notre armée et fiers de notre président du Faso. Parce qu’il n’y a pas de forces armées étrangères au Burkina Faso. Quand on parle de retrait de force Barkhane, Barkhane n’est pas au Burkina ! Les opérations qui se mènent dans le pays-là, ce sont nos propres soldats qui le font. Il y a certaines opérations aériennes pour lesquelles nous avons fait recours aux forces étrangères. Sinon pour la défense de son territoire, le Burkina compte d’abord sur son armée », a-t-il rassuré.

Il dira par ailleurs que, faire la politique peut conduire au paradis si et seulement si, l’on fait la bonne politique, en étant au service des autres, en croyant en ses convictions, en étant juste, équitable et en agissant sur la base de la vérité.
Tout au long de l’émission, quelques pauses étaient observées afin d’écouter les témoignages des personnes qui ont côtoyé Lassané Savadogo. Et à ce niveau, des hommes politiques tout comme des fonctionnaires sont restés unanimes sur les valeurs de l’invité. Ils lui reconnaissent un certain nombre de qualité dont la rigueur au travail, la loyauté, la détermination, l’humilité mais aussi la tolérance et le pardon.

Les habitants de la commune de Gourcy, les amis et collègues ainsi que les membres de la famille de Lassané Savadogo, venus pour le soutenir

« Un bon père »

A cela s’ajoute toute la gratitude que lui témoigne sa famille à travers son épouse, Léonie Savadogo, pour son sens de la responsabilité. « A la maison, c’est un bon père. A chaque fois qu’il sort il prend des nouvelles de la famille, cherchant à savoir si tout va bien, si les enfants ont mangé ou bien ce qu’ils veulent manger. Il a toujours accompagné les enfants mais quand ils étaient petits. Pendant la composition de leurs examens, il appelle tout le temps pour savoir comment ça se passe pour se rassurer qu’il n’y aucun problème. Il aime ses enfants, il est présent quand on a besoin de lui et nous n’en demandons pas plus », a-t-elle témoigné tout en exprimant sa joie pour l’honneur qui leur est accordé à travers cette émission.

Léonie Savadogo, épouse de l’invité du jour

Pour rappel, Lassané Savadogo a été nommé lors du Conseil des ministres du 11 mai 2016, directeur général de la CNSS.

Né en 1959 dans un village appelé Saye, situé à une vingtaine de kilomètres de Gourcy, chef-lieu de la province du Zondoma, où il a entamé son cursus scolaire primaire à partir de 1965, il poursuivra son parcours scolaire, le premier cycle, au lycée municipal de Ouagadougou et le second cycle au lycée Philippe Zinda Kaboré. Après l’obtention du baccalauréat série B, il se retrouve à l’Université de Ouagadougou où il obtient sa maîtrise en droit option ‟Droit publicˮ. La suite de son parcours universitaire l’emmène pour le troisième cycle à l’Université de Perpignan en France, couronné par une soutenance de thèse de doctorat unique sous le thème :”L’idée régionale en Afrique de l’Ouest : de l’intégration des Etats à l’intégration des organisations”. Thèse qui fera l’objet d’un ouvrage publié sous le même titre.

« Faire la politique peut conduire au paradis si et seulement si, l’on fait la bonne politique... »

Homme très engagé politiquement dès le bas âge dans une association scolaire et plus tard à l’Université, Lassané Savadogo a été secrétaire général du Premier ministère ensuite ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat ainsi que député à l’Assemblée nationale.

Sur le plan professionnel, il débute en tant qu’enseignant à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM). D’où il contribuera à la formation de nombreux cadres du Burkina et de la sous-région. Il sera plus tard chef du département chargé de missions pour les affaires politiques et juridiques. Il fut aussi le premier président du conseil d’administration du Service national pour le développement (SND). Il est l’un des rédacteurs des textes de l’actuel Constitution du Burkina Faso.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 22 juin 2021 à 15:25, par SOME En réponse à : Lassané Savadogo, DG CNSS, dans l’émission Tapis d’honneur : « Pour la défense de son territoire, le Burkina compte d’abord sur son armée »

    Oui je suis d’accord avec toi lassané. je te sais homme honnete et loyal et ouvert. Tu connais nos luttes menées. J’ajoutes que alassane a fait aussi Paris I. Il fut delegué des CDR etudiants a Ouaga, etc

    Attention a cette situation de justice et de corruption et securitaire qui risque de creer plus de problemes que vous le pensez.
    Oui il n’y a pas d’armee etrangere au burkina (officiellement), mais oui tous on sait qu’il y en a et que le burkina est une base d’operation. Ne couvrez pas cela.

    Tu connais sheryf et il est heureux que ce soit lui a cette place. mais je ne suis pas convaincu quand tu dis que l’armee a les moyens pour la securité : l’armée burkinabe est competente il lui manque seulement les moyens moraux surtout. Donnez les ordres et vous verrez que les hommes feront du bon boulot avec le peu qu’ils ont comme materiel. Je connais la competence du colonel Vinta en charge des operations, Pourquoi enfermer un colonel Barry justement parce qu’il fait ce qu’il doit faire ? etc

    Le burkina peut s’en sortir avec le soutien de l’armee populaire. Tu as participé au SND, Alors c’est le moment de mettre la formilitaire revolutionnaire en pratique et vous verrez ce que nous pouvouns faire avec ces voyous instrumentalisés
    SOME

  • Le 23 juin 2021 à 08:39, par Zoodo En réponse à : Lassané Savadogo, DG CNSS, dans l’émission Tapis d’honneur : « Pour la défense de son territoire, le Burkina compte d’abord sur son armée »

    Mensonges et reniements :Aviez vous exigé la vérité sur la mort de Thomas avant de rentrer dans le gouvernement sous BC
    A trop répéter qu’il n’y avait pas d’armée peut être perçu comme un dénigrement de l’armée
    je rappelle que c’est sous le CNR que les meilleurs officiers sortis des grandes écoles ont été soit tués ou dégagés par complexe
    contemporains,assumons chacun son passé et ne trompons la jeunesse

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique