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Barrage de Samendéni : Les populations déplacées demandent l’amélioration de leurs conditions de vie

Publié le mardi 25 mai 2021 à 10h35min

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Barrage de Samendéni : Les populations déplacées demandent l’amélioration de leurs conditions de vie

Dans le cadre de sa mission de contribuer à la réalisation du droit à l’alimentation par la sécurisation foncière des exploitants agricoles à petite échelle, l’initiative « Land for Life », à travers la Plateforme multi-acteurs sur le foncier rural au Burkina Faso, portée par la Confédération paysanne du Faso (CPF), mène des actions de plaidoyer pour les droits fonciers des communautés. Pour s’imprégner des réalités que vivent les populations rurales, elle est allée à la rencontre des personnes touchées par la construction du barrage de Samendéni, dans la province du Houet, région des Haut-Bassins, au nord-ouest de la ville de Bobo Dioulasso. Réinstallées depuis plus de cinq ans grâce à l’accompagnement du Programme de développement intégré de la vallée de Samendéni (PDIS), ces populations évoquent toujours des préoccupations relatives à leurs conditions de vie. Les hommes de médias ont pu faire le constat durant une visite avec les initiateurs de la Plateforme multi-acteurs sur le foncier rural au Burkina Faso, le mercredi 19 mai 2021.

Le barrage de Samendéni est l’une des huit composantes du Programme de développement intégré de la vallée de Samendéni (PDIS) initié par le gouvernement burkinabè dans le cadre du développement du secteur agro-sylvo-pastoral, halieutique et énergétique, avec la participation active des producteurs. Les autres composantes sont entre autres la centrale hydro-électrique d’une capacité de 18 Gwh, les aménagements hydroagricoles de 21 000 ha, la zone agro-industrielle de Bama et le recalibrage du Mouhoun sur 195 km.

Ce programme a pour objectif de développer la mobilisation des ressources en eau pour accroître la production agricole et énergétique, en vue de contribuer au développement socio-économique durable de la haute et moyenne vallée du Mouhoun. Avec une capacité de stockage de 1 050 000 m3 et une superficie du plan d’eau de 153 km2, le barrage de Samendéni est situé dans la province du Houet, région des Hauts-Bassins. Il a été réalisé sur le fleuve Mouhoun. Sa construction a engendré le déplacement et la réinstallation des populations se trouvant dans le périmètre du barrage, soit huit villages. Elles ont été réinstallées sur dix sites aménagés pour la circonstance par le programme.

Le responsable suivi-évaluation du PDIS, Aboubacar Gnamou.

Des mesures d’accompagnement pour la réinstallation des populations
Un Plan de gestion environnementale et sociale (PGES) a été élaboré en 2007 dans le but d’atténuer les impacts au niveau social et environnemental, et d’accompagner les populations dans leur réinstallation. Mais la mise en œuvre de ce plan a connu des difficultés qui ont nécessité la signature, en novembre 2016, d’un protocole d’accord pour la relance des activités avec les populations affectées.

Selon le responsable suivi-évaluation du PDIS, Aboubacar Gnamou, conformément à ce protocole d’accord de 17 points, le PGES a permis la construction de quatre Centres de santé et de promotion sociale (CSPS), sept écoles primaires, huit forages, douze systèmes d’adduction d’eau potable (AEPS) sur dix sites de réinstallation ; des pistes de désenclavement avec six tronçons dont quatre totalement bouclés, et deux en cours avec un taux d’exécution de 60%.

Mariam Traoré, habitante de Mangafesso.

Comme mesures d’accompagnement, il a été mis à la disposition des populations, des magasins, du matériel agricole (3 500 kits), des semences améliorées. Il a aussi été question d’indemniser les personnes dont les biens ont été impactés, à savoir les vergers, les habitations et les terres agricoles. A cela s’ajoutent le dédommagement pour les tombes et les frais de déplacement en fonction de la taille du ménage. Selon le chargé de communication du PDIS, Moustapha Dougouri, la réalisation des infrastructures du PGES (aménagement des sites d’accueil, écoles, pistes de désenclavement, CSPS, AEPS, forages, digue de Banzon, etc.) se chiffre à 11 100 303 602 F CFA. Le paiement des indemnisations s’évalue à 18 012 004 406 F CFA. Quand aux mesures d’accompagnement (matériel agricole, magasins, semences agricoles, moulins, équipements de pêche, etc.), elles s’élèvent à 997 438 447 F CFA.

Les populations n’ont plus assez de terres cultivables

Certes, le programme a permis à ces populations de bénéficier de plusieurs avantages dont l’électricité, des écoles, des forages, etc., mais elles sont toujours confrontées à des difficultés sur les nouveaux sites d’accueil. Du reste, c’est ce qu’ont laissé entendre les populations de Mangafesso, l’un des dix sites d’accueil ayant reçu la visite de l’équipe d’Initiative Land for Life et des hommes de médias.

En effet, durant les échanges avec les journalistes et les responsables du PDIS, les habitants de ce site ont exprimé plusieurs difficultés qu’ils rencontrent. Il s’agit principalement de l’insuffisance de terres cultivables. Ayant quitté leurs terres, les habitants de Mangafesso disent avoir du mal à trouver de grandes superficies pour leurs différentes productions. De surcroît, ils doivent payer les superficies avec les actuels propriétaires terriens, soit 15 000 à 20 000 francs l’hectare, avant de cultiver.

N’ayant pas assez de moyens financiers, certains se contentent du peu de terres qu’ils peuvent payer pour mener leurs activités. A cela s’ajoute la qualité du sol qui ne permet pas la culture maraîchère, pourtant pratiquée par plusieurs personnes sur l’ancien site. « Quand nous étions là-bas [ancien site, ndlr], nous vivions mieux. Mais ici, la vie est difficile ; l’agriculture est difficile et la vie est dure. Les difficultés sont d’ordres financier et productif. L’eau a pris nos terres. Les terres que nous avons ici sont trop petites. On ne peut pas faire le maraîchage ici », a témoigné Djèma Traoré.

Vue d’une AEPS et de l’école du village.

Besoin d’activités génératrices de revenus

N’ayant plus les mêmes rendements avec la réduction des terres cultivables, les habitants doivent désormais tout payer, y compris pour la construction des maisons. Des choses auxquelles ils n’étaient pas habitués. « Quand nous étions de l’autre côté, on n’avait pas tous ces problèmes. On fabriquait nos briques sans payer de l’eau ni la terre. Mais ici, pour construire, il faut payer la brique à 50 francs, le sable, et l’eau à 500 francs la barrique. Où allons-nous enlever cet argent ? Il n’y a pas assez de terres pour cultiver. De plus, il faut creuser des puits pour avoir de l’eau et arroser les cultures. Il n’y a pas non plus d’engrais pour aider la pousse des plantes. Tu vas cultiver et gagner 500 000 francs et mettre 400 000 francs dans les dépenses. Comment peut-on s’en sortir dans cela ? », a exprimé Michel Traoré.

Ces témoignages ont été corroborés par les femmes, qui n’ont toutefois pas manquer de saluer la réalisation du château d’eau. Seulement, elles déplorent le débit faible de certaines AEPS (Addictions d’eau potable simplifiées). De plus, elles disent avoir besoin de formations et de micro-crédits pour la réalisation d’activités génératrices de revenus, étant donné que l’agriculture ne nourrit plus son homme. « Là-bas, on cultivait l’arachide, on récoltait aussi le coton. Maintenant, on ne peut plus faire ces petits boulots. On ramassait le karité pour vendre, mais l’eau a pris tous ces espaces. Ici, on ne peut plus cultiver l’arachide. La distance avec l’ancienne localité vaut cinq kilomètres et il n’y a même plus de bon travail là-bas », a déclaré Mariam Traoré. Face à ces difficultés, les populations demandent toujours l’accompagnement du PDIS pour l’amélioration de leurs conditions de vie.

Une vue du barrage de Samendéni.

En rappel, le Plan de gestion environnementale et sociale (PGES), selon les responsables du PDIS, est à un taux d’exécution de 98%. Il reste à achever les travaux des pistes de désenclavement, indemniser les populations résiduelles et délivrer les titres de propriété. Une feuille de route a été élaborée à cet effet. Les autres composantes du programme sont en cours d’exécution, notamment les aménagements hydro-agricoles (21 000 ha), la zone agro-industrielle de Bama et le recalibrage du Mouhoun sur 195 km. Le programme a un coût global de 200 milliards de F CFA pour une durée totale de réalisation des différentes composantes d’environ 20 ans.

Judith SANOU
Lefaso.net

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