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Vivre-ensemble en paix : Malgré les difficultés, les déplacés de Pazani ont une cohabitation modèle

Publié le dimanche 16 mai 2021 à 23h25min

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Vivre-ensemble en paix : Malgré les difficultés, les déplacés de Pazani ont une cohabitation modèle

Au Burina Faso, les personnes déplacées internes sont comptées par centaines de milliers. A Ouagadougou, dans la capitale, malgré le manque d’activités, ceux qui ont fui les violences dans leurs villages vivent en harmonie avec les populations hôtes. Nous sommes allés à la rencontre de deux familles qui ont eu refuge à Pazani, dans le 9e arrondissement.

Assis sur une chaise sous l’ombre d’une maison, Ali Sawadogo reçoit les salamalecs des passants. C’est quasiment son quotidien. Le sexagénaire a fui les violences de son village Silgadji, région du Sahel, pour se réfugier à Pazani, un quartier situé dans le 9e arrondissement de Ouagadougou.

Avant de se sauver des hostilités, il a eu le temps de prendre certains de ses biens sur lui pour arriver à Bourzanga, chef-lieu du département du même nom, dans la province de Bam, dans le Centre-Nord. Le 8 juin 2019, il a rejoint son petit frère qui vit à Ouagadougou. Une arrivée dans la capitale qui marque une nouvelle vie, donc une nouvelle réalité à y faire face. L’ancien cultivateur et éleveur est devenu oisif et vivra des dons des bonnes volontés.

En plus des bonnes volontés, Ali Sawadogo peut compter également sur un autre petit frère, Oumarou Sawadogo, avec qui, ils sont venus de Silgadji. A peine une semaine dans la capitale, Oumarou Sawadogo a repris son bâton de pèlerin pour la recherche de l’or, ce métal précieux dont il en fait un métier durant les périodes sèches.

Ali Sawadogo s’indigne de son manque d’activité.

Contrairement aux vieux, les jeunes qui sont accueillis s’adonnent à des activités pour épauler les familles. « Je n’ai jamais fait un mois ici à Pazani », informe Oumarou Sawadogo, lui qui était venu en juin 2019 avec son grand frère. Mari d’une femme et père de cinq enfants, Oumarou refuse l’oisiveté. Dans sa quête de l’or, il sillonne plusieurs localités du Burkina telles que Gaoua, Youga, Bobo-Dioulasso et Banfora.

Contrairement à Ali Sawadogo, son voisin Oumarou Sawadogo (homonyme parfait de son petit frère), lui, n’a pas eu la chance de quitter Silgadji avec ses biens. « Les terroristes nous ont attaqués et on a fui pour venir ici. Il y a ceux qui sont venus à pieds, en motocyclette et avec le camion. Pour moi, c’était à moto », nous relate son histoire. Lui qui débarque chez son petit frère aussi, finira par se rendre compte que la cour n’est assez grande pour les accueillir. Ainsi, avec d’autres déplacés, ils ont squatté une école primaire dans les parages.

Cette école a accueilli certains déplacés à leur début.

Tout comme son voisin Ali, Oumarou Sawadogo se retrouve sans activité actuellement. L’ancien cultivateur, éleveur et commerçant voit ses mouvements limités dans la capitale. Désormais, il compte sur ses enfants qui sont sur les sites d’orpaillage et les dons des bonnes volontés occasionnellement.


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« On souhaite retourner mais c’est toujours dangereux »

Malgré ces difficultés, les déplacés souhaitent retourner chez eux. Cette attitude confirme la maxime qui dit : « L’on se sent mieux que chez soi ». Mais ce retour au bercail est conditionné par la paix et la stabilité. « S’il y a la paix seulement, nous allons repartir chez nous », promet Salamata Sawadogo, la femme d’Ali Sawadogo.

Salamata Sawadogo, la femme d’Ali Sawadogo, se félicite de la cohabitation à Pazani

Depuis son lieu d’accueil, le voisin Oumarou Sawadogo semble être toujours informé de la situation dans son village. « On souhaite retourner mais c’est toujours dangereux. A Silgadji actuellement, on ne peut pas partir, car les terroristes vont nous tuer. Si tout est vraiment fini, on va rentrer chez nous », dit-il avec un air rassurant.

L’information que les déplacés suivent de près n’est pas uniquement celle des menaces terroristes. Les opérations antiterroristes des Forces de défense et de sécurité (FDS) les intéressent également. Visiblement, l’opération Houné, qui signifie « dignité » en langue Fulfudé, lancée le 5 mai 2021 apporte une lueur d’espoir. « On entend parler de cela mais si la paix est revenue, nous allons retourner à Silgadji », espère Ali Sawadogo.

Quant à son petit frère Oumarou Sawadogo, cette opération est la bienvenue : « C’est ce qu’on veut. S’il y a beaucoup d’opérations de ce genre, ça veut dire que nous allons retourner chez nous un jour ».

Pour Oumarou Sawadogo, les opérations comme « Houné » doivent s’intensifier.

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« Les gens de Pazani sont des bonnes personnes »

En attendant que la paix revienne, la cohabitation avec la population hôte de Pazani est un modèle, nous disent-ils. « Les gens de Pazani sont des bonnes personnes. Lorsque des gens cherchent des déplacés pour leur offrir des vivres, nos voisins les conduisent directement vers nous », raconte Oumarou Sawadogo, le voisin d’Ali.

Oumarou Sawadogo, le voisin d’Ali, n’attend que la paix pour reprendre une nouvelle vie à Silgadji.

Parlant de ce vivre-ensemble, Salamata Sawadogo retient une bonne image de ses voisins. « Tout se passe bien ici, il n’y a pas de problème. Ils nous aiment bien. Même lorsqu’on part chercher de l’eau à la fontaine, les femmes d’ici préfèrent nous accorder le privilège. Tout cela, par marque d’amour », relate-t-elle.
Le vivre-ensemble, c’est aussi le message que l’artiste musicien Omar Dao alias Sydyr, vient passer à Pazani. Depuis une année, il débarque dans cette périphérie les week-ends pour égayer les enfants.

Ce samedi 15 mai 2021, au moment où nous échangeons avec les deux familles Sawadogo, Sydyr fait « le show » avec les mômes sous un hangar. A l’aide de sa guitare et quelques tam-tams, lui et ses acolytes initient les enfants. « L’objectif est de donner l’amour à ces enfants et leur transmettre la culture. Le vivre-ensemble est très important pour nous parce qu’en tant qu’artiste, il faut partager les valeurs, quand le pays traverse des moments difficiles » se justifie Sydyr, qui est par ailleurs le président de l’association KALFA.

L’artiste musicien Omar Dao alias Sydyr (à gauche) donne la joie aux enfants.

A la date du 31 mars 2021, le Burkina Faso compte 1 147 699 personnes déplacées internes, selon les chiffres officiels du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). C’est dans un tel contexte que le Burkina Faso commémore la 4e édition de la Journée internationale du vivre-ensemble en paix (JIVEP), ce dimanche 16 mai 2021. Ainsi le ministre d’Etat, ministre auprès du président du Faso chargé de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale, Zéphirin Diabré, appelle les acteurs politiques et religieux à œuvrer pour la tolérance.

Pour le ministre d’Etat, « cette journée est l’occasion d’une introspection individuelle et collective, un ardent moment de réflexion aux moyens et aux actions concrets à poser en vue d’améliorer le vivre-ensemble et de favoriser la tolérance, l’inclusion, la compréhension et la solidarité ».


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Difficile de savoir si la 5e édition de la JIVEP trouvera encore ces déplacés à Pazani, eux qui ne souhaitent que rentrer chez eux et vivre dans la « Houné » comme auparavant.

Cryspin Masneang Laoundiki
Lefaso.net

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