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Allaitement maternel exclusif : Moussa Ouaré, « l’avocat des bébés », en fait son cheval de bataille

Publié le jeudi 13 mai 2021 à 22h00min

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Allaitement maternel exclusif : Moussa Ouaré, « l’avocat des bébés », en fait son cheval de bataille

Il a fait du bien-être des nourrissons et particulièrement de leur nutrition et de l’allaitement maternel exclusif, son cheval de bataille. Dans le CSPS de Yamtenga (Ouagadougou) où il travaille, Moussa Ouaré le maïeuticien, en plus de faire accoucher des femmes, s’implique à les sensibiliser sur l’allaitement maternel exclusif et sur le bien-être des nourrissons. En collaboration avec des associations de femmes, il organise régulièrement des séances de sensibilisation dans les quartiers environnants de son CSPS. Il a même créé un groupe WhatsApp de près de 200 membres, pour faire la promotion de l’allaitement maternel exclusif.

Tout a commencé en 2019. A la suite d’une formation organisée par l’ONG Alive & Thrive sur l’allaitement exclusif et à laquelle il a pris part au nom de l’APSAM (Association pour la promotion des sages-femmes et maïeuticiens du Burkina), Moussa Ouaré, maïeuticien, a décidé de faire de cette problématique, son combat. Au cours de la formation, il apprend que seulement 59% des bébés au Burkina Faso sont allaités exclusivement au sein jusqu’à six mois. Les 41% restant recevaient soit de l’eau, des tisanes ou autre chose, ce qui mettait en péril leur santé. Ces chiffres créent en lui le déclic. Ce maïeuticien qui pratique le métier depuis quatorze ans, décide alors de travailler à changer la situation.

A l’issue donc de la formation, il entreprend de confectionner des affiches sur l’allaitement maternel exclusif, qui sont placardées dans la salle d’accouchement du CSPS de Yamtenga situé dans le district sanitaire de Bogodogo où il travaille. Il décide d’accentuer la sensibilisation au profit des parturientes et leurs accompagnantes sur l’importance de l’allaitement maternel exclusif et la mise au sein précoce. Et pour ce faire, à partir déjà des consultations prénatales, il n’a de cesse d’aborder la question avec les futures mères, ainsi qu’à l’accouchement et même un mois après, il n’hésite pas à les appeler pour leur rappeler qu’elles ont rendez-vous au CSPS. Cela, pour encore les sensibiliser et s’assurer que tout se passe bien.

Moussa Ouaré s’investit dans la promotion de l’allaitement maternel exclusif

« Toutes les femmes qui accouchent ici (CSPS de Yamtenga) bénéficient de sensibilisation sur l’allaitement maternel exclusif, sur la mise au sein précoce, sur l’alimentation de la mère, et on leur donne rendez-vous un mois après pour voir ce qui n’a pas marché dans la communauté. Parce qu’il y en qui rentrent et se trouvent confrontées aux réticences des belles-mères. Celles qui ont des problèmes, on essaie de trouver des solutions en convoquant soit le mari, soit la belle-mère et on prend le poids des enfants pour voir si ça progresse normalement », indique M. Ouaré.

Ramata Ouédraogo/Zongo, l’une des patientes de M. Ouaré, témoigne : « A mon accouchement, j’ai été sensibilisée par M. Ouaré qui m’a demandé de ne pas donner d’eau à mon bébé, ni le purger ou le gaver. Mon mari, moi-même et ma belle-mère avons accepté ses conseils, mais ce sont les belles-sœurs qui m’ont fatiguée. Elles voulaient que je donne de l’eau à mon enfant. Mais j’ai tenu bon pendant les six mois et aujourd’hui mon enfant a huit mois et se porte très bien. Quand mon bébé avait trois mois, je devais commencer une formation et j’avais peur que ça joue sur l’allaitement. Sur les conseils du maïeuticien, j’ai tiré le lait que j’ai conservé et en mon absence, c’est ce que mon bébé prenait. Je suis vraiment contente d’avoir bénéficié des conseils de M. Ouaré. J’invite les femmes à pratiquer l’allaitement maternel exclusif, parce que c’est pour le bien de leur bébé. »

Des mamans présentes pour une séance de sensibilisation sur l’allaitement maternel exclusif à la SMI du CSPS de Yamtenga

Un groupe WhatsApp dédié aux mères allaitantes…

Souhaitant que son action porte plus loin que le simple cadre du CSPS, M. Ouaré intervient également une fois par mois à « l’Ecole des mamans » crée par une de ses collègues, Mme Sontié, et qui prépare les femmes à l’accouchement. Il choisit aussi de mettre à profit, les technologies de l’information et de la communication. Il crée alors un groupe WhatsApp intitulé « Espace maman allaite », qui compte près de 200 membres, essentiellement des mères, quelques pères, mais également des professionnels de la santé et de la nutrition. Dans ce groupe, les mamans peuvent parler librement de leurs difficultés entrant dans le cadre de l’allaitement maternel exclusif, de la nutrition des nourrissons ou encore de leur bien-être en général. Elles sont écoutées et conseillées par les professionnels et bénéficient également du partage d’expériences d’autres mamans. On y partage également des recettes pour les bébés qui ont atteint l’âge de la diversification alimentaire, soit six mois. Un groupe où le maître-mot, c’est le bien-être des bébés.

« Les femmes posent leurs problèmes dans ce groupe. Il y a des femmes qui se trouvent confrontées aux pratiques traditionnelles néfastes, les purges, les gavages, quand elles sentent que ça va venir, elles nous interpellent et on se donne des idées. S’il faut essayer de rencontrer la famille, on le fait de façon stratégique pour ne pas créer d’autres problèmes à la femme. Il y a des mamans de bébés qui rentrent après l’accouchement et deux ou trois jours après, l’enfant ne fait pas de selles, on commence à le purger. A travers le groupe, les femmes ont posé ce type de problème et ont reçu des conseils. On essaie de rassurer les femmes. Certaines disent qu’elles n’ont pas assez de lait, pourtant c’est lié à leur alimentation, elles ne savent pas cela, et même le stress peut faire tarir le lait. Dans le groupe, ce sont ce type de conseils qu’on donne et elles reviennent témoigner », confie M. Ouaré.

« Le changement doit commencer dans la communauté »

En 2020, soit un an après qu’il se soit engagé à promouvoir davantage l’allaitement maternel exclusif, M. Ouaré avoue s’être rendu compte que généralement les mères sont réceptives au fait de le pratiquer et de mettre fin aux pratiques traditionnelles néfastes. Mais une fois de retour chez elles, elles ont souvent toutes les peines du monde à respecter ce qui leur a été dit à la maternité. Et pour cause, l’entourage ne leur facilite pas toujours la tâche.

Ramata Ouédraogo/Zongo, l’une des patientes de M. Ouaré, témoigne des bienfaits de l’allaitement maternel exclusif

C’est convaincu donc que le changement doit se faire aussi dans la communauté, que « l’avocat des bébés », comme l’ont surnommé les mères, décident de mener des séances de sensibilisation dans les quartiers environnants le CSPS de Yamtenga. En collaboration avec deux associations féminines, ils mènent des sensibilisations au quartier Djikofè, d’où viennent la majorité des parturientes qui fréquentent le CSPS. « On va dans les communautés, on rencontre les femmes, les grand-mères, on essaie aussi de rencontrer les leaders religieux, parce que c’est eux qui donnent le ton, quand ils disent quelque chose, la population suit. Si on arrive à leur faire comprendre qu’il y a des pratiques d’autrefois qui ne sont plus utiles aujourd’hui, ils suivent », affirme le maïeuticien.

Quelques difficultés…

Quand on aborde le chapitre difficultés avec « l’avocat des bébés », il évoque celui des moyens financiers, car il faut bien qu’il appelle chacune de ses patientes pour leur rappeler les rendez-vous. Ce qui n’est pas toujours facile au regard du coût de la communication. S’il y a une chose qui tient aussi à cœur le maïeuticien, c’est surtout que ses collègues partagent les mêmes convictions que lui. « Il faut que les collaborateurs aussi partagent vos convictions. S’ils ne sont pas au même niveau de compréhension que vous, si vous n’êtes pas là, ils font le travail, mais pas comme si vous étiez là », déplore-t-il. A cela, M. Ouaré ajoute le manque de matériel de projection, qui pourtant est nécessaire pour mieux faire passer son message sur l’allaitement maternel exclusif, la mise au sein précoce ou encore la nutrition de la mère allaitante.

Ces difficultés pourtant n’altèrent pas son engagement à œuvrer pour le bien-être des bébés. Il laisse entendre volontiers que, pour être utile à sa communauté, il faut faire ce que l’on peut, avec le peu qu’on a. Son souhait, c’est de mettre sur pied, un centre de formation sur la santé nutritionnelle des enfants, afin que dans les années à venir, il ne soit plus question de promouvoir l’allaitement maternel exclusif, parce que la pratique sera rentrée dans les habitudes.

Justine Bonkoungou
Lefaso.net

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