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Présidentielle 2005 : Hermann Yaméogo contraint de participer ?

Publié le lundi 24 octobre 2005 à 08h15min

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La nouvelle n’en finit pas d’être commentée tellement elle ressemble à une de ces situations " abracadantesques " dont le Président Chirac qualifie certains évènements : le Conseil constitutionnel refuse, on ne sait Dieu pourquoi ( !)que Hermann Yaméogo se retire de la compétition électorale et ne soit plus le 13ème candidat.

Alors qu’on se perd en conjectures sur les raisons de cette extraordinaire acte d’allégeance au pouvoir, quelques-uns cherchent l’explication dans le chiffre 13 qui déterminerait des calculs ou qui cacherait des prédictions " maraboutiques ". Du coup, le retrait de Me Yaméogo de la compétition, plutôt bien accueillie par l’opinion, gagne en ampleur et en sympathie devant une décision aussi insultante pour les libertés garanties par la Constitution que décrédibilisant par son ridicule l’institution suprême qu’est le Conseil constitutionnel.

Et finalement, c’est comme qui dirait " tout bénèf " pour les président de l’UNDD. On avait dit qu’il était fini, que tous ses militants l’avaient quitté, qu’il serait le cancre parfait de cette compétition. Son retrait de la présidentielle aurait donc dû passer insonore comme un pet de lapin, inaperçu, comme un non-événement, à la dimension de son insignifiance. D’où vient alors tout ce tohu-bohu, cette colère qui en amène dans la galaxie du pouvoir, à perdre toute retenue pour verser outrageusement dans l’insulte, la diffamation vis-à-vis du désistant.

Avant même que la décision de retrait ne soit portée à l’opinion nationale et internationale, Salif Diallo, flanqué de Léonard Compaoré se répandaient en mises en garde, en apostrophes, contre Hermann Yaméogo dans les médias, le premier assimilant sa décision à un acte anti-républicain grave, le second à une préméditation de déstabilisation. Ils iront jusqu’à affirmer être au courant qu’il a déjà " armé les bras de loubards pour mettre le pays à feu et à sang mais qu’il les trouveront sur son chemin ". Quand aux éternels aboyeurs du système, " payés pour ", on en trouvera pour aller plus loin et traiter dans les médias le président de l’UNDD de criminel.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL PROVOQUE UNE REPLIQUE SISMIQUE

Mais revenons à cette décision du Conseil Constitutionnel ignorant le retrait d’un candidat et qui apparaît dans le Landerneau politique comme une réplique au tremblement de terre provoqué par la validation de la candidature de Blaise Compaoré par la même institution. Qu’on soit de l’opposition ou pas, de l’UNDD ou pas, il y a, à travers cette décision qui brime un homme, un parti, de quoi s’inquiéter pour tous les autres Burkinabé et pour tous les autres partis.

Mais comment en est-on arrivé à une telle extrémité ? Est-ce parce que Me Yaméogo a causé un préjudice à l’Etat en se retirant de la course, un préjudice au Conseil constitutionnel pour son appréciation sur l’institution ou est-ce tout simplement parce que des instructions politiques sont venues contraindre le juge constitutionnel à adopter cette ligne de conduite ? Il faut pencher plutôt pour la dernière hypothèse car le Bureau Exécutif National avait instruit les premiers responsables du parti de prendre avec diligence toutes les mesures pour informer les institutions de l’Etat en même temps que l’opinion, et les partenaires politiques du parti, afin d’éviter des préjudices pour les uns et pour les autres.

C’est pourquoi, dès le lendemain de la prise de décision de retrait de la candidature, des lettres d’information ont été adressées aux institutions (Conseil constitutionnel, CENI, Conseil supérieur de la communication), aux partenaires de l’UNDD et que des conférences et interviews ont été accordées aux médias nationaux et internationaux. C’est dire que cela s’étant fait à un moment où les spécimen n’étaient pas déjà imprimés et distribués, les bulletins ventilés dans l’ensemble des bureaux de vote, et à un moment où la campagne n’avait pas encore démarré, on ne pouvait pas alléguer que le travail avait déjà été achevé pour ne pas omettre le logo et la photo du candidat Yaméogo du bulletin unique.
Du reste, comme pour prévenir les choses, Noël Yaméogo, Conciliateur dans le BEN de l’UNDD, qui s’était rendu le matin du 17 Octobre 2005 pour vérifier et approuver la qualité du logo et de la photo, avaient publiquement signifié qu’il n’était pas sûr que Me Yaméogo maintienne sa candidature car le soir même, le BEN devait en décider.

Le lendemain matin, alors même que le Secrétaire général de la CENI, Mr Djéné l’interpellait téléphoniquement vers 7 H 30 pour qu’il vienne faire les dernières retouches et donner le Bon à Tirer (BAT) pour qu’on passe à l’impression, il lui répondit qu’il ne fallait plus retenir les logo et photo de Me Yaméogo sur le bulletin car il n’était plus candidat. Au même moment, comme souligné, la CENI recevait comme les autres institutions précitées, notification de ce retrait par cahier de transmission.

D’où viennent alors cette précipitation pour imprimer la photo et le logo du désistant et cette décision du Conseil constitutionnel qui déboute Me Yaméogo d’une procédure en réclamation pour maintenir telle quelle la liste des candidats ?
Nul n’ignore au Burkina Faso que Me Hermann Yaméogo, en déposant sa candidature, l’avait comme affectée d’une clause suspensive tacite. Son combat contre la volonté de Blaise Compaoré et du Conseil constitutionnelle de violer l’article 37 de la Constitution, qui limite les mandats à deux exercices, était bien connu comme sa détermination à la combattre en recourant au besoin à la désobéissance civile. Si le Conseil constitutionnel (encore que cela aurait pu paraître superfétatoire) s’était enquis de jauger, au moment où Me Yaméogo déposait sa candidature l’existence de son plein consentement comme l’y encourage l’article 123 du Code électoral, il se serait fait directement une idée du caractère suspensif de consentement.

Le Conseil constitutionnel qui, disons-le au passage, n’a pas estimé devoir vérifier l’existence du consentement absolu du président de l’UNDD au moment du dépôt de sa candidature, entreprend de le faire solennellement au moment du retrait.

L’INVITATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

En effet, le 19 Octobre 2005, le Conseil constitutionnel a adressé une invitation à Me Yaméogo à l’effet de venir confirmer son retrait. Il se rend donc au Conseil constitutionnel avec le secrétaire de la Communication, Porte-Parole du parti, Mathieu N’Do où il confirme aux conseillers, réunis autour du Président, qu’il n’est plus candidat. C’est alors que s’engage un débat autour de l’existence d’un vide juridique par rapport à un tel cas de figure.

Les conseillers ont soutenu en effet que ni la Constitution ni le Code électoral n’ont prévu le cas de retrait à ce stade de processus électoral et que ce qu’il y avait à faire dans le cas d’espèce, c’est de prendre acte du retrait. Appelé à donner son avis, Me Yaméogo a abondé dans le même sens. Face à une situation non prévue par les textes, il fallait à son sens prendre en considération la volonté du désistant en vérifiant qu’il n’a pas causé de préjudice à l’Etat. Il a souligné qu’il s’est posé un précédent au Togo où le candidat Lawson avait voulu retirer sa candidature mais ayant notifié son retrait à quelques deux ou trois jours du scrutin, il n’avait pas eu gain de cause parce qu’on lui avait rétorqué que les bulletins étaient déjà dans les bureaux de vote.

Les conseillers se sont alors intéressé à l’existence du consentement de la dizaine de partis qui ont soutenu sa candidature en posant la question de savoir ce que Me Hermann ferait au cas où un des partis refuserait son retrait et continuerait de soutenir sa candidature, Me Yaméogo a dit tomber des nues car ce serait une première dans le monde qu’un parti politique oblige un candidat à se présenter à une élection présidentielle.

Etant revenu sur le problème de l’impression des bulletins de vote qui seraient déjà faits, selon le président, le président de l’UNDD a rappelé que ce n’est pas faute pour le parti d’avoir entrepris toutes les démarches pour que cette impression ne se fasse pas avec le logo et sa photo, ce à quoi le Président du Conseil constitutionnel qui lui aussi était informé du retrait de la candidature, a souligné que les décisions des institutions électorales comme la CENI sont liées à celles du Conseil constitutionnel et que la CENI ne pouvait pas prendre de décision avant que le juge constitutionnel ne constate le retrait.
Le Conseil, par la voix du président, pour clore l’échange, dira que le conseil prend acte de la décision de retrait parce que le consentement est essentiel en la matière pour le maintien de la candidature mais qu’il allait consulter tous les candidats et faire des recherches d’usage pour voir s’il n’existait pas quelque part un texte qui permettrait de les éclairer davantage.

JUGEMENT PIRATE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Dans la soirée, sur les radios, la nouvelle se répandra comme une traînée de poudre : le Conseil constitutionnel vidant sa saisine, a déclaré le recours du candidat Hermann Hector Augustin Magloire Yaméogo " irrecevable pour cause de forclusion ".

Comment se fait-il qu’une simple lettre dont l’objet était " Invitation " et non "convocation ", se soit transformé comme en un acte introductif d’instance, débouchant sur une telle décision sans qu’aucune requête n’ait été introduite par l’intéressé, qu’il n’ait déposé quelque mémoire que ce soit ou s’être fait assister par un avocat ?

Incrédule, le Pote-Parole de l’UNDD, Mathieu N’Do se rend le lendemain matin 21 Octobre, pour en vérifier la réalité. Le Greffier lui fait savoir qu’il y a effectivement une décision du conseil mais que pour le moment, elle n’était signée que par 4 conseillers. Encore une autre surprise car comment se fait-il qu’une décision, même pirate de la plus haute instance du pays, avant d’être signée par tous les conseillers et notifiée à l’intéressé, se trouve déjà dans la rue ? ( !).

Ayant finalement eu notification de la décision dans la journée, Me Yaméogo apprendra alors, et c’est écrit noir sur blanc, qu’il a sollicité qu’il plaise au Conseil de lui donner acte du retrait de sa candidature. Ce à quoi le Conseil, qui entre temps a débusqué ce fameux document dont il recherchait l’éclairage, autrement dit l’article 131 du code électoral qui traite du droit de réclamation sur la liste des candidats, a dit que la réclamation de Me Yaméogo est arrivée après les délais prescrits c’est-à-dire après le huitième jour suivant celui de l’affichage de la liste des candidats au Greffe. Le Conseil trouvant ici la base légale pour combler le vide juridique, décide par conséquent que la réclamation du requérant frappée de forclusion, irrecevable. Nous sommes en plein cirage ! Surréalisme juridique. Il faut dire qu’après la validation de la candidature de Blaise Compaoré, en violation de la loi fondamentale, le Conseil ne pouvait pas faire mieux mais tout de même, il y a là un discrédit irréfragable dont l’Histoire en retentira pendant longtemps et dont les constitutionnalistes du monde entier feront des gorges chaudes.

LA DESOBEISSANCE CIVILE, ULTIME RECOURS

Voilà à travers le seul Conseil constitutionnel, un reflet caractéristique de la justice au Burkina Faso mais aussi de la démocratie. Cela ne fait qu’en rajouter au caractère folklorique et injuste de cette élection et à confirmer la juste ligne adoptée par tous ceux qui ont décidé de boycotter la consultation ou d’observer le mot d’ordre de désobéissance civile pour défendre la Constitution.
Quant à Me Hermann Yaméogo, les circonstances auront encore prouvé qu’il est l’objet d’un acharnement perpétuel. Il a dans l’opération, pour avoir respecté son engagement de ne jamais plier par rapport à la violation de l’article 37, perdu sa caution de 5 millions, il se sera vu contrer par le Conseil constitutionnel dans sa volonté libre de ne pas être candidat à l’élection, il ne bénéficiera pas du financement des 15 millions, il ne pourra pas, alors que son logo et sa photo figureront sur les spécimen, intervenir dans les médias publics notamment la TNB, pour expliquer qu’il n’est pas candidat et pourquoi il ne l’est pas afin que ses électeurs potentiels ne soient pas déroutés. Sur ce dernier point en effet, le Conseil supérieur de la communication a pris le contre-pied du Conseil constitutionnel en prenant acte du retrait de la candidature de Me Yaméogo et en lui notifiant par courrier qu’il ne pourrait s’exprimer (voir lettre scannée).
Ainsi va la démocratie au Faso !

Lire aussi :

- Pièces probantes

- Hermann Yaméogo

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