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Justice au Burkina : Un mouvement pour « lutter contre l’injustice judiciaire »

Publié le mercredi 31 mars 2021 à 23h20min

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Justice au Burkina : Un mouvement pour « lutter contre l’injustice judiciaire »

Lorsque le droit est dit, toutes les parties prenantes ne sont pas forcément satisfaites. Si l’accusé finit par être blanchi dans une affaire le concernant, la partie accusatrice pourrait quelque fois se dire « victime ». Au Burkina Faso, une organisation est née pour apporter son soutien à ceux qui s’estiment lésés. Il s’agit du Mouvement des victimes d’injustice juridique (MVIJ). Nous sommes allés à leur découverte pour comprendre davantage ce mouvement.

« Celui qui ne connaît pas se fait toujours bouffer par celui qui connaît », dit un adage moaga (ethnie burkinabè). Plusieurs cas illustrent cette maxime du "Pays des hommes intègres". Des affaires traduites en justice où le plaignant croit avoir raison mais finit par être désillusionné par le marteau de la justice qui donne un avis contraire. C’est le cas d’un employé d’une société privée de la place, victime d’un accident de travail, et qui ignorait qu’il devait signaler sa situation à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Amputé d’une jambe, il a fini par saisir la justice pour être dédommagé. Mais comme il s’y est pris trop tard, il a perdu le procès, victime de son « ignorance des textes ».

Cette affaire est l’une des celles qui ont motivé Moïse Sawadogo à créer, avec d’autres personnes, le Mouvement des victimes d’injustices juridiques (MVIJ) dont il est le coordonnateur. Porté sur les fonts baptismaux le 16 mai 2016, ce mouvement est né pour « la bonne marche de la justice burkinabè qui ne marche pas bien », explique-t-il.

Le coordonnateur du MVIJ, Moïse Sawadogo, veut faire du Burkina Faso, « un pays de justice pour tous »

Moïse Sawadogo est également victime d’une injustice, à en croire son récit. Alors qu’il était le président d’un parti, l’Organisation pour la démocratie et le travail (ODT), il a eu des bisbilles avec sa famille politique. Dans cette affaire, il n’a pas eu gain de cause. Le seul député de sa formation politique se serait « accaparé du parti avec un faux récépissé en 2013 », assure-t-il. Selon M. Sawadogo, si le député en question est arrivé à un tel résultat, c’est parce qu’il bénéficiait de l’appui du pouvoir en place à l’époque. « Que ce soit l’avocat ou le juge, tout le monde était sous la pression », déclare-t-il. Se disant victime dans cette affaire, il a créé le mouvement afin que « cette forfaiture ne se reproduise plus. »

Rien que la justice

Pendant quatre ans, les membres fondateurs du MVIJ affirment avoir sillonné les juridictions et ils ont constaté que « ça n’allait pas ». Comment corriger les choses ? Il faut qu’une structure se mette en place d’où la création de ce mouvement. « Lutter contre l’injustice judiciaire », c’est l’objectif principal du MVIJ.
Sur le logo de ce mouvement, on peut apercevoir une balance déséquilibrée dans un cercle, comme pour signifier que la loi pèse plus que la population.

Le logo du Mouvement des victimes d’injustice juridique (MVIJ).

« C’est un constat amer », résume Moïse Sawadogo, en souhaitant que « tout le monde vienne pour rééquilibrer cette balance ». La vision du mouvement est de faire du Burkina Faso, « une Nation débarrassée de toutes les formes d’injustice en général, et d’injustices judiciaires en particulier d’ici 2030 ». Pour ce faire, le MVIJ s’est donné pour mission « le bien-être judiciaire et le minimum de justice pour une paix durable et d’apaisement des cœurs » pour tous les citoyens burkinabè.

Composé d’environ 150 membres dont 130 actifs, « les soldats de la justice », comme ils se surnomment eux-mêmes, ont pour devise : « Un peuple-Une loi-La justice ». Ces "soldats" ne sont pas tous des victimes d’injustice. Enfin, pas directement. Il y a parmi eux des personnes, qui, touchées par la cause du MVIJ, ont accepté d’y adhérer. C’est le cas de Adama Ilboudo. « J’ai vu que leur objectif était d’aider les gens, donc cela m’a intéressé », nous indique ce membre qui totalise cinq ans au sein du mouvement. Mieux, il est devenu même un ambassadeur. « J’ai expliqué l’objectif du MVIJ aux gens et il y a ceux qui ont fini par adhérer au mouvement », nous relate-t-il avec satisfaction.

Adama Ilboudo a adhéré au MVIJ par compassion.

Le cas de Nathalie Lompo est semblable à celui de monsieur Ilboudo. Même si elle n’a pas victime d’injustice, cette femme est membre fondatrice du mouvement. « Je ne suis pas victime, mais j’ai des proches qui l’ont été. Et même aujourd’hui, je ne suis pas victime, demain ou après-demain, je peux l’être ». C’est avec cette philosophie qu’elle justifie son activisme.

Tout est parti d’un cas qu’elle a vécu. « Il y a une femme qui a trompé un de mes parents du village en lui attribuant un enfant dont il n’était pas le père biologique. Le monsieur a éduqué l’enfant pendant neuf ans. Par la suite, la femme a envoyé une convocation pour lui dire que ce n’était pas son enfant. Jusqu’à présent, le monsieur n’a pas été dédommagé », relate-t-elle.

Pour Nathalie Lompo donc, le MVIJ a été créé pour aider la population parce que, estime-t-elle, 90% des Burkinabè ne connaissent pas les textes, alors que l’on répète à l’envi que « nul n’est censé ignorer la loi ». « Nous avons créé également le mouvement pour aider des victimes. Il y a aussi des gens qui ne sont pas des victimes. Mais en ignorant la loi, ils deviennent victimes de leur propre sort. Nous l’avons créé pour sensibiliser les gens sur ce qu’on appelle la justice. Comment recourir à la justice, quel chemin prendre pour faire des appels ? Etc. ».

Malgré qu’elle ne soit pas victime d’injustice, Nathalie Lompo, est membre fondatrice et active du MVIJ.

Les objectifs spécifiques sont, entre autres, la lutte contre l’ignorance et les méconnaissances de la règle des droits ; la promotion de l’accessibilité aux textes des lois par les citoyens ; la dénonciation des abus des agents de la justice ; l’assistance les victimes d’injustice judiciaire à poursuivre les agents indélicats et corrompus et à rentrer dans leur droit, etc.

Avec son slogan « La justice, toujours la justice et rien que la justice », le MVIJ, dont le siège national est à Ouagadougou, est représenté dans quatre villes du Burkina (Koudougou, Fada N’Gourma, Kongoussi et Banfora). A en croire les explications de Moïse Sawadogo, à partir de cinq membres, un comité ad’ hoc est mis en place pour réfléchir sur un bureau. Et pour créer un bureau, il faut au moins onze membres. Dans les prochaines années, le mouvement ambitionne de créer un bureau dans chaque 25 TGI (Tribunaux de grande instance) du pays.

Sur cette banderole au domicile de Moïse Sawadogo, toutes les informations du MVIJ s’y trouvent.

Le Mouvement des victimes d’injustice juridique (MVIJ) devrait tenir son panel en mars 2020 sous le parrainage du ministre en charge de l’Administration territoriale, Siméon Sawadogo, mais le rendez-vous était avorté pour cause de Covid-19. Actuellement, le bureau exécutif s’active pour relancer la machine.

Cryspin Masneang Laoundiki
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 1er avril 2021 à 09:07, par NOOMWENDE En réponse à : Justice au Burkina : Un mouvement pour « lutter contre l’injustice judiciaire »

    Félicitations aux initiateurs de ce mouvement et bon vent au bureau exécutif. Je suis un prochain membre. Un contact nous facilitera l’adhésion. Merci

  • Le 1er avril 2021 à 11:24, par Jean VALEA En réponse à : Justice au Burkina : Un mouvement pour « lutter contre l’injustice judiciaire »

    Bonjour
    Je souhaiterai avoir les contacts mail, tel.....de ce mouvement
    Merci

  • Le 1er avril 2021 à 12:40, par Il était temps En réponse à : Justice au Burkina : Un mouvement pour « lutter contre l’injustice judiciaire »

    Grand merci à vous initiateurs de ce mouvement combien louable. Je suis convaicu que vous rendrez beaucoup de service à ceux qui seront dans le besoin. Donnez nous plus d’infos pour nous permettre d’ y adhérer. Comme l’Assemblée Nationale qui contrôle l’action du gouvernement, il nous faut un organe ou mouvement qui contrôle l’action de la justice, même si cet organe n’est pas formel. Il faut que ce mouvement aille au sécours des personnes qui igorent beaucoup des contours de la justice ici au Faso. Il faut les aider à porter plaintes quand ce cela doit l’être, à trouver des vrais avocats qui vont plaider leurs causes. Vous savez qu’aux USA et peut-être ailleurs, il y a toujours des avocats ou hommes de droits prêts à venir en aide aux citoyens pour les accompagner en justice quand leurs droits sont piétinés ?
    En passant, je suis à la recherche d’un avocat compétent pour porter plainte contre l’Etat du Burkina Faso et les autres Etats de l’UEMOA pour abus de pouvoir avec la fermeture des frontières terrestres alors que celles aériennes sont ouvertes depuis longtemps. Toutes les Constitutions presque reconnaissent que nous sommes tous égaux en droit et en devoir. Alors pourquoi on permet aux riches de voyager par avion et les pauvres non par cars, trains, voitures, motos, etc.?
    Signé : L’Etalon trés Enragé

  • Le 1er avril 2021 à 14:27, par Walaï En réponse à : Justice au Burkina : Un mouvement pour « lutter contre l’injustice judiciaire »

    Vivement que cette belle initiative interpelle nos dirigeants ; car au Burkina l’injustice est devenue la règle et le droit l’exception.

    Les principales causes de l’injustice judiciaire au Burkina sont entre autres :

    - L’absence notoire de jurisprudence

    Les décisions de justice ne sont pratiquement pas critiquées par aucun juriste ou autres docteurs de la loi ; si bien que les juges ont la liberté de rendre des jugements "mouta mouta".

    La solution serait de créer un Conseil Supérieur de la Justice, composé de plusieurs chambres par spécialité, pour analyser systématiquement toutes les décisions de justice, avec possibilité de s’auto saisir pour attaquer tout jugement partial.

    À cet effet, obligation devra être faite à la justice, d’envoyer une ampliation de ses ordonnances et arrêts, au Conseil Supérieur de la Justice.

    Le Conseil Supérieur de la Justice pour plus d’efficacité et de transparence, doit pouvoir être saisi par les justiciables, les avocats, et même les magistrats.

    - Une insuffisance préjudiciable de magistrats.

    Un dossier de divorce par exemple, est traité par un seul juge, et qui dit juge unique, dit juge inique.

    Dans un état de droit, un tel dossier est normalement confié à un collège composé d’au moins trois juges assistés d’un greffier ou une greffière.

    Outre le risque de partialité du juge unique, celui-ci, s’il n’est pas pris par les élections ou autres urgences administratives, est peu disponible, provoquant des longs délais d’attente et une foultitude massée au palais attendant de report en report, l’arrivée du seul juge et être reçu s’il a le temps.

    À savoir qu’entre l’introduction d’une demande de divorce et la première audition du juge, il faut souvent compter largement trois à quatre mois.
    Quand à l’attente devant le bureau du juge, cela peut aller de 6h à 14h soit 8h d’attente minimum, pour s’entendre dire finalement que le juge n’est pas disponible.

    - La corruption de certains juges

    L’un d’eux, pour favoriser une partie qui lui avait été recommandé par un de ses confrères, a soutenu qu’une burkinabè, mariée au Burkina à un burkinabè mais résident à l’étranger, ne pouvait pas demander un divorce au Burkina.

    Je vous laisse juger de l’absurdité d’un tel raisonnement relevant d’une forfaiture, sinon d’un déni de justice.

    Sans une justice intègre, il n’y a pas de développement.

  • Le 1er avril 2021 à 14:29, par Adhésion En réponse à : Justice au Burkina : Un mouvement pour « lutter contre l’injustice judiciaire »

    Merci de nous indiquer comment adhérer et vous soutenir de l’étranger.

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