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Dr Olivier Zemba, psychologue : « C’est dans l’organisation de nos tâches quotidiennes en étapes que nous allons pouvoir vaincre la procrastination »

Publié le jeudi 25 mars 2021 à 22h59min

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Dr Olivier Zemba, psychologue : « C’est dans l’organisation de nos tâches quotidiennes en étapes que nous allons pouvoir vaincre la procrastination »

Chaque 25 mars, le monde célèbre la journée de la procrastination, cette attitude qui consiste à toujours remettre à plus tard une action que l’on pourrait faire dans l’instant. Le Dr Olivier Zemba est psychologue, fondateur d’un cabinet offrant des services en conseling, une relation d’aide consistant à accompagner les gens face aux multiples pressions qu’ils subissent dans le milieu du travail et dans la vie courante. Pour Lefaso.net, il revient sur les causes de la procrastination et donne quelques recettes pour arrêter de remettre sans cesse à demain ce que l’on peut faire le jour même.

Lefaso.net : Comment définit-on la procrastination ?

Dr Olivier Zemba : La procrastination est perçue comme une tendance, une attitude systématique que les gens s’emploient à remettre au lendemain le travail qui doit être effectué quotidiennement. Elle exprime un manque de motivation, de satisfaction dans la vie professionnelle. Tendance à négliger l’urgence dans le traitement des dossiers du jour, à être à jour dans son travail quotidien.

Comment se manifeste la procrastination ?

Je vous invite à observer autour de vous (dans la vie professionnelle) certaines personnes qui sont toujours en retard dans leur job en dépit de l’urgence des dossiers à traiter ou lors des formations ou réunions. Ce sont toujours les mêmes que l’on pourrait qualifier de « retardataires chroniques ». Ils sont identifiés comme étant des « procrastinateurs » parce qu’ils n’arrivent pas à se mettre au travail par manque de satisfaction immédiate.

Elle se manifeste de façon inconsciente, dans la mesure où le procrastinateur accorde plus de priorité à des futilités au détriment de ses ambitions socio-professionnelles. Il y a là une force de résistance interne en lui capable de détourner son attention des tâches qu’il doit accomplir. Pour d’autres psychologues cliniciens, les conséquences de la procrastination relèvent d’une accentuation du stress (anxiété), d’un sentiment permanent de culpabilité (avec une faible estime de soi), d’une perte de productivité (impuissance apprise), d’un jugement social lié au regard des autres et à la fuite de ses responsabilités (manque de confiance en soi), voire d’une certaine stigmatisation (apathie et impulsivité) au travail. Ainsi, pour le Psychologue Walter Mischel de l’université Stanford, le phénomène de la procrastination est principalement dû à un manque d’apprentissage de la maîtrise de soi.

Quelles en sont les causes ?

Le fait de remettre à demain ce que l’on pourrait faire tout de suite occasionne une anxiété de l’incertitude car différer une action équivaut à un comportement d’évitement, qui annule (transitoirement) le stress qui lui est associé. Par exemple, une anxiété sociale suite à un report de rendez-vous avec son supérieur. Là, l’incertitude et l’insuffisance de maîtrise de la situation sont des éléments déterminants dans la procrastination.

Dans l’état même de procrastination, il y a l’idée de vouloir trop bien faire dans une future situation que l’on ne maîtrise pas. Dans ce cas précis, une faible estime de soi et/ou un esprit perfectionniste peuvent causer de sérieux obstacles et pousser l’individu à la procrastination.

Aussi, la question du temps par le procrastinateur pose problème : celui de la sous-estimation et/ou de la surestimation de la durée du job à accomplir qui devient source de panique (la peur de l’échec). On s’adonne à un jugement de fausses urgences (qui pourraient être remis à demain) et de vraies urgences (à accomplir maintenant). Ainsi, cette tendance à la dispersion des urgences et au manque de concentration et/ou à la non-maîtrise des circonstances du lendemain va créer une autre tendance : celle de l’hyperactivité du procrastinateur. En résumé, la procrastination pourrait être causée par un manque d’assurance, une mauvaise estime de soi ou encore des difficultés de concentration, la peur de l’échec ou tout simplement la peur ou le manque du perfectionnisme.

Est-elle une pathologie ?

En nous fiant aux conséquences manifestes de cette dernière, on pourrait soutenir que la procrastination est une pathologie. Aujourd’hui, elle est sujette à des débats. Mais, pour la Psychologue Catherine Brabant, la procrastination n’est en tout cas pas une pathologie : « Elle est cognitive mais pas seulement. Ce n’est pas que du domaine de la pensée. Je vois cette attente comme une forme d’installation dans un confort de vie ».

Peut-elle être assimilée à de la paresse ?

La paresse (définie comme une propension à ne rien faire, une répugnance au travail ou à l’effort) peut aussi être assimilée à la procrastination, l’idée de tout remettre au lendemain. Telle pourrait être la pensée du paresseux !

Tout le monde peut-il être sujet à la procrastination ?

Eh bien oui…Vous comme moi ! Nous pouvons être sujets à la procrastination par manque de confiance en soi ou de satisfaction à certains moments de notre parcours professionnel, victimes de notre mauvaise estime de soi dans nos lieux de travail et/ou de vie par exemple. Elle apparaît ici comme un réflexe naturel qui nous sauve…

Y a-t-il des personnes plus sensibles à la procrastination que d’autres ?

Il est évident que face à des perturbations psychosociales venant de partout, nous n’agissons pas de la même façon. Vous comme moi, nous réagirons selon notre personnalité. On avance l’idée que les personnalités émotives (anxiété, peur, faible estime de soi, impuissance, …), les personnalités timides et perfectionnistes sont plus sensibles à la procrastination que les personnalités schizoïdes ou antisociales.

Pour certains, il y a du bon à procrastiner ?

Remettre au lendemain certaines choses de la vie socioprofessionnelle peut sembler assez compréhensible. Une telle stratégie n’est pourtant pas valorisée socialement par tout le monde. N’étant également pas considérée comme une pathologie, même si elle est souvent mal aperçue dans notre société de l’efficacité, de l’efficience et de la vitesse, le fait de procrastiner peut avoir des effets positifs, c’est-à-dire le fait d’avoir une certaine attitude qui consiste à tout remettre à plus tard et ses conséquences positives.

On évoque même l’idée des bienfaits de la procrastination, à savoir : - Prendre du temps pour soi - Être productif (dans d’autres tâches et activités) - Prendre un peu de recul. Ainsi, pour certains psychologues du développement, comme Adam Grant, « procrastiner » serait excellent pour notre santé, la créativité et les performances parce qu’elle : - Permet d’apprécier la vie - de mieux détecter les problèmes – Et nous rend plus efficaces.

Comment vaincre la procrastination ?

Nous devrions réapprendre à aimer notre job et à être entregents et flexibles avec les collègues dans nos milieux de travail. C’est dans l’organisation de nos tâches quotidiennes en étapes que nous allons pouvoir vaincre la procrastination (terme à ne pas trop socialement diaboliser).

Pour cela, nous devons accepter de changer notre comportement en évitant les différentes sources de distraction, la nécessité d’avoir des pauses et le besoin d’une auto-recompensation, et surtout ne pas être trop durs envers nous-même dans notre propre jugement, puisque nous sommes victimes, par moments au cours de notre parcours professionnel et de façon inconsciente, de cette procrastination (jugée parfois comme un réflexe naturel de survie).

Justine Bonkoungou
Lefaso.net

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