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Moussa Michel Tapsoba, président de la CENI : « Je demande le fair-play à tous les candidats »

Publié le lundi 24 octobre 2005 à 08h12min

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La Commission électorale nationale indépendante (CENI), structure chargée de l’organisation des élections au Burkina Faso, est sous les feux de l’actualité en cette période électorale. Face aux griefs reprochés à la CENI, son président Moussa Michel Tapsoba garde la tête froide.

Dans cet entretien réalisé le 14 octobre 2005, le capitaine de la CENI se veut fair-play. Il fait l’état des moyens humains, matériels et financiers mobilisés pour l’organisation de l’élection présidentielle, les observateurs attendus.

Sidwaya (S.) : Les erreurs décelées dans le fichier électoral sont-elles susceptibles de remettre en cause la validité et la transparence du scrutin ?

M.M.T. : Non ! Certaines personnes font des amalgames à ce niveau. Il ne s’agit pas d’erreurs qui peuvent remettre en cause la fiabilité du scrutin ou du fichier. D’ailleurs, ces équivoques ont été levées lors de notre rencontre avec les partis politiques. Dans des bureaux de vote, certaines listes portaient la mention « illisible » en face des noms. Effectivement, ces noms étaient illisibles. Cela, parce que les agents recenseurs, n’ayant pas un bon niveau scolaire, n’ont pas bien écrit les noms des électeurs.

De ce fait, les responsabilités doivent être situés. En 2003, nous avons fait un tour dans les différentes provinces du Burkina. Nous avons rencontré au niveau de chaque province, les représentants des partis politiques, des organisations de la société civile au plan local.

A Ouagadougou, nous avons rencontré les responsables des partis politiques. Avant la mise en place de nos démembrements, nous leur avons expliqué ce que dit la loi. La loi dispose que les représentants des partis politiques dans nos démembrements doivent être choisis par eux-mêmes, parmi les meilleurs de leurs militants, du point de vue de leur niveau intellectuel, moral et de leur disponibilité.

Aujourd’hui, nous constatons que nombre de personnes dans nos démembrements ne méritaient pas la confiance placée en elles soit par les partis politiques soit par les organisations de la société civile. Nous avons déjà envoyé un certain nombre en prison. Du point de vue de la disponibilité, les partis politiques n’ont pas désigné des personnes disponibles. Près de 20 % des membres de nos démembrements démissionnent aujourd’hui pour être candidats aux municipales du fait que l’on ne peut être membre de la CENI et postuler aux élections. Du point de vue de l’intégrité morale, nous avons constaté à Ouagadougou, que des agents recenseurs ou distributeurs de cartes électorales, contrairement à nos instructions, quittent des arrondissements éloignés pour venir servir dans d’autres arrondissements.

L’on a procédé par copinage dans les partis politiques. Cela n’aurait pas été grave si les intéressés avaient un bon niveau. Mais comment comprendre qu’à Ouagadougou où il y a des universités, des lycées et des collèges, des diplômés chômeurs, l’on recrute des agents recenseurs qui savent à peine lire et écrire. L’intégrité morale des membres de nos démembrements est ainsi posée. Partant, la responsabilité des partis politiques est mise en jeu puisque la CENI ne désigne personne.

Ce sont les partis politiques qui désignent leurs représentants dans les démembrements de la CENI. En somme, c’est comme si les partis politiques ont choisi de donner un mauvais outil à un travailleur et exiger de lui un travail de qualité en retour. Les insuffisances précitées doivent être mises au compte de tout un chacun. Les responsabilités n’incombent pas seulement à la CENI mais à tous ceux qui ont contribué à la mise en place de la CENI et de ses démembrements.

S. : Pouvez-vous nous faire le point du nombre d’inscrits et de personnes que le CENI va mobiliser pour les élections ?

M.M.T. : Aujourd’hui (NDLR : 14 octobre 2005) nous ne pouvons donner de chiffre quant au nombre d’inscrits. Puisque, toutes les corrections qui sont en train d’être faites, vont faire évoluer dans un sens ou dans un autre, le nombre d’inscrits Dans le cas de deux cartes tirées pour une même personne, l’une sera annulée. C’est seulement, lorsque nous aurons commencé le tirage des listes définitives que nous pourrons donner des chiffres définitifs en ce qui concerne le nombre des inscrits. En ce qui concerne le nombre de personnes à mobiliser, 4 personnes seront désignées dans chaque bureau de vote.

Nous avons à peu près 12 500 bureaux de vote. Là également, c’est au moment des tirages définitifs des listes électorales, que nous pourrons dire avec exactitude le nombre des bureaux de vote. Cela, parce que sur le terrain, d’autres difficultés nous sont apparues. Il y a eu des villages scindés en deux par l’administration pour en faire deux villages distincts. Quelquefois, cet état des choses nous a échappé. Donc, je ne peux donner de chiffre précis aujourd’hui. Dans une ou deux semaines, lorsque nous aurons épuisé les corrections, nous annoncerons les chiffres. Pour le reste, nos démembrements sont en mouvement. Il y a 6 personnes par démembrement pour 452 démembrements.

S. : Quel est l’état des lieux des préparatifs en ce qui concerne la confection des bulletins, des spécimens, l’encre indélébile, les urnes etc. ?

M.M.T. : Les préparatifs vont bon train et nous sommes là-dessus. Nous avons suffisamment d’urnes en stock. Le spécimen, l’encre indélébile, les bulletins de vote font partie du matériel électoral que nous sommes en train d’acquérir au fur et à mesure. Il n’y a pas de problème à ce niveau. Du fait que le Conseil constitutionnel a tranché en ce qui concerne les candidatures à l’élection présidentielle, les bulletins seront confectionnés incessamment.

S. : Quels sont les observateurs étrangers qui se sont annoncés pour suivre les élections ?

M.M.T. : Beaucoup d’observateurs se sont annoncés pour le suivi des élections. Je n’avance pas que tous seront là dans la mesure où la prise en charge des observateurs n’est pas prévue dans notre pays. Chaque fois que nous recevons des demandes d’accréditation, nous répondons en donnant les conditions. Nous donnons systématiquement les accréditations quand elles nous sont demandées. Au moins nous sommes sûrs d’avoir les observateurs de l’Union africaine, de la Francophonie, etc. Les Nations unies n’ont pas été touchées assez tôt. Mais, la représentation locale va s’y associer. Naturellement, nous aurons aussi toutes les chancelleries présentes ici.

Quant à l’Union européenne, elle nous a fait comprendre que le Burkina Faso ne fait pas partie des pays où il y a un enjeu particulier. Elle estime que nous sommes suffisamment stables et que la machine électorale est assez bien rodée maintenant. Du côté des observateurs indépendants, nous avons l’Observatoire européen des élections et un certain nombre d’institution du même genre.

S. : Quel est le coût de l’organisation de l’élection présidentielle ?

M.M.T. : Le budget de l’élection présidentielle s’élève à 4 milliards de francs CFA. Nous pensons rester dans notre enveloppe financière sans difficulté.

S. : Quels messages avez-vous à lancer à l’endroit d’abord des candidats, ensuite des partis politiques et enfin, des électeurs à la veille de l’ouverture de la campagne électorale ?

M.M.T. : A l’endroit des candidats, je dirai que c’est la troisième fois que nous ferons cet exercice qui est l’élection du président du Faso. C’est la première fois dans notre pays que cela se fait trois fois successivement sans interruption. C’est la chance à consolider . De ce fait, je demande aux candidats de faire preuve de fair-play, de maturité. Une élection est une compétition. Elle est semblable à une partie de football.

Il y a de la passion, des supporters, des joueurs mais il reste quand même un sport fair-play. Il ne faut pas enfreindre les règles de la compétition. A l’endroit des électeurs, je les appelle à aller voter. Aller voter n’est pas seulement un devoir civique, c’est un acte très important dans la mesure où voter signifie choisir la manière par laquelle nous voulons construire l’avenir de notre pays. Nous ne pouvons pas rester indifférents face à notre avenir et à celui de nos enfants et petits-enfants.

Nous devons en faire un devoir personnel. Alors, chacun doit avoir le réflexe d’aller voter parce que cela conditionne les choix qui seront faits en vue de confier notre avenir à une personne. C’est un acte majeur. Aux partis politiques, c’est comme pour les candidats, il y a des règles de jeu qui sont connues à l’avance comme au football. Et, il convient que chacun respecte les règles. Sinon on court le risque de prendre un carton rouge. Ici, le carton rouge est donné par les électeurs.

L’expulsion dans ce cas, consiste à avoir moins de voix. Les partis politiques doivent profiter de cette situation de campagne et d’élections, pour jauger leur force réelle, en tirer les conséquences pour les compétitions futures. L’intérêt de la démocratie est qu’il y a des mandats et il existe des périodes où chacun peut tenter sa chance.

Interview réalisée par Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro@yahoo.fr)
Sidwaya

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