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Cancers infantiles : « Quand on nous a dit que notre fils avait une leucémie, nous avons immédiatement vu le cimetière », témoigne la maman d’un enfant atteint

Publié le mercredi 17 février 2021 à 00h23min

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Cancers infantiles : « Quand on nous a dit que notre fils avait une leucémie, nous avons immédiatement vu le cimetière », témoigne la maman d’un enfant atteint

Le cancer ! Une maladie dont la simple évocation fait peur. Encore plus quand on parle du cancer chez l’enfant. Dans l’imaginaire des parents d’enfants touchés par cette maladie, le cancer rime avec la mort. Pourtant, il est bien possible de guérir de la maladie si elle est vite diagnostiquée. A l’unité d’oncologie du CHU pédiatrique Charles de Gaulle, qui a débuté la prise en charge des enfants atteints de cancer en 2009, une équipe dynamique veillent sur les petits malades. Entre longues durées d’hospitalisation et familles qui se déchirent souvent à l’épreuve de la maladie, tout n’est pas toujours facile pour le personnel soignant, les enfants touchés et leurs parents.

Victorine Nikièma a 16 ans et élève en classe de 4e. A la regarder, rien n’indique qu’il fut un temps, sa vie ne tenait qu’à un fil. Il y a quelques années, la jeune fille est diagnostiquée atteinte de leucémie, le cancer du sang. Commence alors le dur combat contre la maladie. Elle va passer huit longs mois à l’Unité d’oncologie du CHU pédiatrique Charles de Gaulle (CHUP-CDG). Huit longs mois entre relatives guérisons et rechutes. Mais finalement, Victorine aura la victoire sur la maladie. Et c’est en compagnie de son père, qui est resté tout ce temps au chevet de sa fille, qu’elle témoignera lors de la Journée internationale du cancer de l’enfant célébrée ce 15 février 2021 au CHUP-CDG.

Victorine Nikiéma qui était atteinte de leucémie est aujourd’hui guérie après huit mois d’hospitalisation

Comme Victorine, le fils de Balkissa Belem est atteint de leucémie. La maladie a été diagnostiquée en 2017 alors qu’il n’avait que 27 mois. A l’annonce du résultat, Mme Belem est effondrée. « Quand on nous dit cancer, nous voyons immédiatement le cimetière. Nous avons pleuré », se souvient-elle. Son fils passera dix mois à l’unité d’oncologie du CHU pédiatrique Charles de Gaulle. Aujourd’hui, à 6 ans, il est toujours suivi en ambulatoire et se porte mieux.

Malheureusement, les choses ne se terminent pas toujours aussi bien pour les petits malades admis à l’unité d’oncologie médicale du CHUP-CDG. En effet, le cancer chez l’enfant est très agressif et 60% des cas arrivent tardivement, limitant ainsi les chances de guérison.

Le cancer est une maladie qui fait peur, à en croire Balkissa Belém, parente d’un enfant atteint de leucémie

633 cas en 2018

Outre la leucémie ou cancer du sang qui constitue 15% des cas, les cancers les plus fréquents chez l’enfant au Burkina Faso, sont le lymphome de Burkitt au niveau des ganglions qui constitue 50% des cas, le cancer de l’œil ou rétinoblastome (15%) et le néphroblastome ou cancer du rein (15%). La moitié de ces cancers survient avant l’âge de 5 ans. Et selon les derniers chiffres, en 2018, le Burkina Faso a enregistré 633 nouveaux cas de cancers pédiatriques et 118 décès.

Rien qu’au CHU Yalgado Ouédraogo, 134 cas ont été détectés en 2020. De 2016 à 2020, l’unité d’oncologie du CHU pédiatrique a pris en charge 413 enfants atteints de cancer dont 70 pour la seule année 2020. Sur ces 70 enfants, 22 n’ont pas survécu à la maladie. Ces décès sont dus à l’arrivée tardive des malades à l’hôpital comme l’indique Dr Sonia Kaboret/ Douamba, pédiatre-oncologue, cheffe de l’unité d’oncologie du CHUP-CDG. « Quand le diagnostic est fait tôt, nous pouvons avoir de bons résultats. La plupart des résultats défaillants que nous observons sont dus aux patients qui viennent à des stades très avancés et quand le stade est avancé, le résultat n’est pas évident », regrette-elle.

Le cancer vite diagnostiqué se guérit, assure Dr Sonia Kaboret Douamba

Les symptômes qui doivent alerter

La prise en charge du cancer n’est pas à la portée du Burkinabè moyen, relève Dr Sonia Kaboret/ Douamba. Le coût du traitement du cancer avoisine le million de F CFA sans la chimiothérapie. C’est pourquoi, comme le souligne Pr Diarra Yé, cheffe de service pédiatrie au CHUP-CDG et présidente de la Société burkinabè de pédiatrie, il est important que la prise en charge se fasse de façon précoce.
Pour cela, il faut que les parents, mais également les agents de santé soient attentifs et réagissent au moindre signe suspect.

« Il peut arriver que les enfants aient des boules sous les aisselles, au cou, il ne faut pas qu’on passe le temps à dire que ce sont des infections qui entrainent ces ganglions à répétition et les traiter simplement. Ça peut être des signes de cancer. Pour le cancer de l’œil, qui est le deuxième cancer pédiatrique le plus répandu, on constate souvent que l’enfant louche, ou qu’il y a une opacité, c’est tout blanc au niveau de l’œil, on dit que c’est comme un œil de chat. Et quand on fait une photo à l’enfant, si on constate cet aspect blanchâtre dans l’œil, on doit s’approcher des formations sanitaires pour voir si ce n’est pas un cancer de l’œil », a indiqué Pr Yé

Devant tout signe suspect, il faut se rendre dans un centre de santé, insiste Pr Diarra Yé, présidente de la SOBUPED

Elle ajoute qu’« En ce qui concerne le cancer du rein appelé néphroblastome, pendant le bain de l’enfant quand on se rend compte qu’il y a quelque chose au niveau du ventre comme une masse qui est dur, il faut consulter parce que c’est peut-être un cancer. Et aussi quand un enfant fait des infections à répétition ou est fréquemment anémié, il faut penser à la leucémie ».

Elle ne manque pas de réaffirmer à l’endroit du personnel de santé, notamment des infirmiers et des médecins généralistes, la nécessité de référer tout cas suspect vers un pédiatre. « Actuellement dans chaque région du Burkina, dans chaque CHR, il y a au moins deux ou trois pédiatres. Et ces pédiatres au cours de leur formation, ont les notions du diagnostic des cinq principaux cancers chez l’enfant. S’ils suspectent, ils ne pourront pas prendre en charge, ils vont les référer aux structures habilitées. Cet appel on tient à le lancer à la communauté, au personnel médical de ne pas trainer, parce que le diagnostic précoce permet une prise en charge précoce », soutient-elle.

Une épreuve pour les familles…

La prise en charge des enfants atteints de cancer dure de longs mois. Outre l’hospitalisation qui peut aller à plus de douze mois, les patients doivent être suivis pendant un bon bout de temps en ambulatoire, en fonction de leur type de cancer. « Il faut de la patience pour vaincre le cancer », estime Julie Compaoré, jeune fille guérie du cancer il y a maintenant neuf ans et aujourd’hui étudiante épanouie et en bonne santé. Pendant toute la durée du traitement, notamment le temps passé à l’hôpital, le moins que l’on puisse dire, c’est que le moral des familles est mis à rude épreuve. Et c’est ce qui explique l’accompagnement psychologique dont ils bénéficient au sein du CHU.

Le cancer disloque quelques fois des familles, indique Rose Angèle Barry, responsable du service social du CHUP CDG

Rose Angèle Barry, responsable du service social du CHU pédiatrique Charles de Gaulle, explique que face à la durée du traitement, certaines familles ne tiennent pas et finissent par voler en éclats. Elle note que c’est en majorité les femmes qui restent au chevet des enfants. Et il arrive quelques fois qu’elles soient abandonnées par leurs époux. « Il faut reconnaitre que la quasi-totalité des parents qui restent ici ce sont les mamans qui sont là et souvent abandonnées par les papas, chefs de familles. Ça peut s’expliquer. Les mamans ont vraiment besoin de réconfort de la part de leurs conjoints, parce qu’elles sont délaissées par leurs maris et il arrive que certaines rencontrent des déstabilisations dans leurs foyers où elles vont trouver que le mari a pris une autre femme. Ce n’est pas du tout aisé quand on se retrouve à vivre un problème de santé de son enfant et aussi à gérer d’autres problèmes à la maison », déplore-t-elle.

A cela s’ajoute la difficulté pour les enfants de suivre une scolarité normale, du fait du temps qu’ils passent à l’hôpital. Il arrive aussi que certains parents, face au coût et à la durée du traitement, finissent par abandonner leur enfant à l’hôpital, sans compter les patients perdus de vue, car les parents n’ont pas les moyens d’honorer les rendez-vous.

Photo d’illustration d’un lymphome de Burkitt

Prise en charge

C’est en 2005 qu’a débuté la prise en charge du cancer infantile au Burkina Faso au CHU Yalgado Ouédraogo, grâce à la collaboration avec le GFAOP (Groupe franco-africain d’oncologie pédiatrique). Aujourd’hui, en plus de l’hôpital Yalgado, le CHUP-CDG et le CHU Sanou Souro à Bobo-Dioulasso disposent d’unités d’oncologie pédiatrique. Malgré les acquis dans la prise en charge du cancer infantile, des difficultés demeurent. Il s’agit notamment de la relative disponibilité des anti-cancéreux, de certains médicaments et consommables médicaux, de l’insuffisance de locaux et de matériels adaptés à la prise en charge et de l’insuffisance de formation des agents de santé.

Face à ces difficultés, Pr Diarra Yé ne manque pas de lancer un appel au gouvernement et aux partenaires, afin que des solutions idoines soient trouvées. Mais déjà la récente prise en compte des enfants de moins de 5 ans hospitalisés en oncologie dans le système de la gratuité, notamment en ce qui concerne le volet symptomatique de la prise en charge, vient un tant soit peu soulager les parents et le personnel médical.

Justine Bonkoungou
Lefaso.net

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