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Chronique de la métamorphose du Burkina Faso de Blaise Compaoré (18)

Publié le lundi 17 octobre 2005 à 07h33min

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B. Compaoré remplace Robert Mugabé à la tête de l’OUA

Le 15 octobre 1997, il y a eu dix ans que le Burkina Faso est dirigé par Blaise Compaoré.
"Une décennie au service de la démocratie et du développement" titrera l’ouvrage qui rend hommage au président du Faso, chef de l’Etat. Dix ans qui ont métamorphosé le Burkina Faso.

Compaoré et la classe politique burkinabè s’apprêtent, en 1998, à recueillir les fruits de ce travail de grande ampleur pour imposer la démocratisation des pratiques politiques et engager un vaste programme de développement économique et social.

En 1998, deux événements inernationaux majeurs sont attendus avec impatience au Burkina. La XXlème Coupe d’Afrique des Nations de football en février et le 34ème sommet des chefs de l’Etat de l’OUA quelques mois plus tard, en juin (du 8 au 10). Deux consécrations internationales qui sont la reconnaissance de l’action menée par Compaoré et son équipe à la tête de l’Etat burkinabè avant que ne soit organisée la présidentielle de 1998.

Hasard du calendrier ; c’est en 1997 que le Burkina Faso devait accueillir l’OUA avant de céder sa place au Zimbabwe (qui s’était retrouvé en concurrence avec le Cameroun qui a obtenu le sommet de 1996). Quoi qu’il en soit, Compaoré ne peut que se réjouir de ce que "1998 sera une année de mérite africain pour le Burkina Faso". Mais, du même coup, les projecteurs vont être, tout au long de cette année, braqués sur le Burkina qui va vivre cela sereinement. Enfin presque ; l’opposition politique ne manque pas de remarquer que la concordance des temps joue en la faveur du président sortant ; et que personne ne semble avoir envisagé qu’il soit battu puisqu’il présidera l’OUA de juin 1998 à juillet 1999.

Dans son magazine L’Autre Afrique, Jean-Baptiste Placca ne manquera pas de souligner :
"Rarement sommet aura été aussi bien préparé que cette trente-quatrième édition. D’abord du point de vue des dossiers, que le chef de l’Etat burkinabè a pris soin d’éplucher durant les deux mois qui ont précédé la rencontre de Ouagadougou, début juin. Il a fait le tour du continent,
pour discuter avec ses pairs et préparer "son" sommet, qu’il rêvait parfait".

La réalité, cependant, s’imposera à tous. Conflit frontalier entre l’Ethiopie et l’Erythrée ; tensions et troubles en Guinée Bissau qui vont amener le Sénégal à intervenir ; mort brutale du chef de l’Etat nigerian, le général Sani Abacha alors qu’il devait débarquer à Ouaga au même moment : trois événements qui vont se dérouler alors que le sommet était entré dans sa phase opérationnelle avec la session des ministres des Affaires étrangères.

Les Etalons à la CAN’98 organisée au Burkina

Compaoré voulait en faire un "sommet d’engagement nouveau pour l’Afrique" ; il va lui falloir s’atteler à rechercher des solutions aux crises. Ses préoccupations seront donc la stabilité du continent, la rénovation des structures de l’OUA pour mieux répondre aux préoccupations des années à venir, la fixation d’objectifs précis dans les "domaines qui touchent de près la vie des populations". Ces trois points vont donner corps à ce que l’on va appeler la Déclaration de Ouagadougou.

Mais une fois encore l’essentiel sera ailleurs et passera quelque peu inaperçu tant il est vrai que la presse panafricaine a tendance, trop souvent, à être le support de référence des chefs d’Etat. C’est dans l’entretien publié par Le Figaro, dans son numéro du samedi 6-dimanche 7 juin 1998, que Compaoré s’exprime le plus librement et le plus totalement sur les ambitions qui sont les siennes pour l’OUA, l’Afrique et les relations internationales de l’Afrique.

Ainsi donc, dans Le Figaro, Compaoré donnait de vraies réponses à de vraies questions (qui, pour l’essentiel, sept ans plus tard, sont toujours d’actualité 1). Le retour du Maroc au sein de l’OUA ? "Il ne veut pas faire partie d’une organisation dans laquelle une portion de son territoire est représentée en tant qu’Etat souverain et indépendant [...] La communauté internationale met en oeuvre un plan d’autodétermination des Sahraouis par référendum. L’OUA soutient ce plan. Vous comprendrez donc l’ambiguité qu’il y a d’anticiper sur les résultats du référendum ".

L’implication des Etats non africains dans les opérations de maintien de la paix en Afrique ? "Les initiatives extérieures doivent s’inscrire dans le cadre du mécanisme de l ’OUA pour la prévention et le réglement des conflits. Il ne faut pas d’initiatives personnelles qui diviseraient davantage l’Afrique [...] L’inquiétude des Africains, c’est que des pays non africains ne viennent organiser les opérations de paix au détriment de notre organe central [l’OUA] ".

L’intangibilité des frontières issues de la colonisation ? "L ’histoire est souvent imprévisible. Il y a quelques années encore on n’imaginait pas la possibilité d’un changement de
frontière en Europe. Et vous avez vu comment la RDA a disparu... L’essentiel, pour nous,
dirigeants, c’est de gérer l’histoire dans l’intérêt des populations. Nous sommes toujours, il est
vrai, dans le cadre de la charte de l’OUA. Mais l ’histoire est ce qu’elle est, et nous essaierons de l’accompagner avec le maximum de sagesse [...] L ’histoire nous impose de dépasser les frontières nationales pour gérer efficacement des programmes dans des domaines précis, comme
la santé, l’éducation ou l’agriculture. Dans les années à venir, l’OUA devrait s’orienter vers ce genre d’actions concrètes [...] On peut évoquer la question [du tracé des frontières coloniales], en ayant en vue la consolidation de la paix et le renforcement de la production économique en Afrique".

L’histoire de l’Afrique dans l’histoire du monde ? "En Europe non plus, l’évolution n’a pas été linéaire. Vous avez eu des Franco à côté de démocraties avancées. L’Afrique va connaître une histoire semblable. Il y aura des succès et des échecs ".

Les relations franco-africaines et les relations de l’Afrique avec le reste du monde ? "L’essentiel pour nous est tout de même de savoir qu’il y a une volonté en France de maintenir des liens privilégiés avec l’Afrique, d’être à nos côtés en matière de solidarité, d’appui à nos efforts de développement,
d’être aussi notre porte-parole dans les instances comme le G8 [...] D’autre part, il est vrai que l’Afrique a besoin de s’ouvrir à d’autres pays, en dehors de ses partenaires traditionnels ".

L’aide internationale ? "Elle est toujours nécessaire à l’Afrique, comme elle a été nécessaire pour l’Europe après la Seconde guerre mondiale. L’Afrique des indépendances sortait de la colonisation, et auparavant de l’esclavage, ce qui était parfois pire que de sortir de la guerre ".

La "bonne gouvernance" ? "La cause principale [de la mauvaise gestion], c’est que nous n’avons pas assez de capacités de gestion. Nous ne sommes pas organisés pour savoir par où commencer [...] Un autre grand problème, c’est la dette. Les emprunts ont souvent été obtenus dans les années qui ont suivi les indépendances, quand les pays n’avaient pas de véritable autonomie par rapport à leurs anciens colonisateurs. S’ils n’ont pas toujours servi au développement, les responsabilités sont partagées. Demander le remboursement de la dette dans ces conditions, c’est un peu injuste ".

L’action chez Compaoré est toujours sous-tendue par une vraie réflexion. Il n’agit pas pour agir et déteste, avant tout, laisser penser que l’agitation peut tenir lieu d’action. Mais cette réflexion qui impulse (ou tente d’impulser) l’action n’est possible que parce que le chef de l’Etat est rompu au dialogue et au débat avec l’ensemble de ses collaborateurs. C’est l’héritage des années militantes avant, pendant et après la "révolution ".

On constate d’ailleurs que cet héritage s’estompe avec le temps qui passe ; le chef de l’Etat est sans doute plus isolé aujourd’hui qu’il ne l’était alors, à la fin des années 1990 ; mais il a acquis une expérience du pouvoir et une pratique des relations diplomatiques qui lui permettent encore une réelle proximité avec les problèmes politiques, économiques et sociaux du Burkina Faso, de l’Afrique et du monde. Proximité rendue possible par sa disponibilité en matière d’écoute.

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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