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Chefferie traditionnelle : des bonnets rouges "discutables"

Publié le jeudi 13 octobre 2005 à 07h34min

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Le constat de nos jours est qu’on bafoue la tradition. Face à cela, les intègres de la tradition ne peuvent rester indifférents, les bras croisés. C’est ce que pense André Ilboudo, un habitant du secteur 11 de Ouagadougou.

De ce qu’on connaît de la tradition, rien que pour être postulant à la chefferie coutumière, il y a des privilèges et des règles à respecter. Sont de ceux-ci :
l ’appartenance à la lignée du disparu, à défaut être de sa famille ; un corps et un esprit sains (Il ne faut pas être voleur, menteur chevronné, coureur renommé de jupons, borgne, albinos, escroc, terroriste etc.). Si ces conditions semblent satisfaisantes, le nouvel élu (a priori le 1er fils, à défaut, les autres) est intronisé (avec quelques conseils de routine) et confié à ses sujets pour les autres coutumes.

Ce qui faisait du chef une personne supposée disposer d’un minimum de qualités pour la gestion des hommes. Ce qui faisait de la tradition une affaire de la société et non une propriété privée à la merci d’un individu. Sur ce, si, entre-temps, l’homme au pouvoir devient un lion pour ses frères, irrespectueux des règles, se livre à des exactions jusqu’à compromettre des valeurs de la tradition, celui qui l’a intronisé peut le destituer.

La destitution du chef

Quand c’est au sommet que ce problème se pose, c’est un collège de sages qui décide de sa destitution et une délégation est chargée de porter l’information à l’intéressé. Au plateau mossi, les annonces de telles informations ont des suites tragiques pour les grands dignitaires. (L’histoire en a tant parlé). Connaissant cela, on observe la sagesse à Panghin, Larlé, Gounghin, Kamsonguin, Wagadougou et Bilbalogo. Là-bas, on ne peut que louer la noblesse de la tradition.

Le règne sans partage

Il ne faudrait pas dénaturer la tradition pour des raisons peu sérieuses. Pour un règne sans partage, on nomme, démet et exclut à volonté les sans-paroles. Pour masquer la honte , on force des choses pour brimer des personnes, semant la haine, la désolation et la division dans les familles. Dommage qu’au Faso, la loi soit muette pour les drames moraux. Cela fait naître des habitudes néfastes.

Aussi, face à un refus de l’école du changement pour le développement de tous, les sujets ne peuvent que subir et garder le calme, en mémoire du Naba Kouda.
Du reste, les nakômsés ne peuvent se laisser duper par celui qui, censé unir, divise. Des irrégularités dont on veut leur attribuer la responsabilité, naissent les conflits. Les vrais dignitaires ou leurs ayant-droits refusent l’humiliation : 1959 - 1982 -1994 - 2003 et 2004 sont des dates inoubliables.

S’inspirer des héros

Les cas des héros devraient nous servir de leçons. Malheureusement, il n’en est rien. Le constat de nos jours est qu’on bafoue la tradition. Face à cela, les intègres de la tradition ne peuvent rester indifférents, les bras croisés. A moins de fuir leurs responsabilités. Le port du bonnet rouge devient discutable. C’est gênant pour les sujets d’avoir pour chef un incorrigible des méfaits publics, condamné par la justice officielle. Cela ressemble à un retour à l’esclavage.

Rejoindre les ancêtres les yeux fermés

Tôt ou tard, les défenseurs de la tradition ne pourront s’empêcher de le dénoncer, afin que la société prenne ses responsabilités devant l’histoire et l’évolution. Alors, on aurait vécu utilement pour le bien- être de tous. Alors, on pourrait rejoindre les ancêtres, les yeux fermés. Dans tous les cas, des sujets ne peuvent être abandonnés à quelqu’un qui n’est pas un modèle dans son entourage immédiat, a fortiori pour un ensemble de citoyens.

Le doute est permis dès lors que, pour un responsable, ses connaissances de la valeur morale, sa conviction de la raison et de la tolérance, sa considération de la société, son attachement aux droits humains, ses capacités de calmer les coeurs, bref sa volonté réelle de la paix sociale sont mis en cause. L’esprit de la force est réservé à l’administration moderne pour des cas précis de l’ordre public et ne saurait être de nos jours utile pour imposer du tout à tout au peuple, tout le temps. Cet écrit se veut une contribution au forum pour la paix sociale au Burkina Faso. Ce sont quelques réalités qu’on rencontre un peu partout au plateau mossi.

Il est demandé à tous ceux qui prennent leurs sujets pour des produits de consommation "d’aller doucement" et de redoubler d’effort pour la paix qu’ils troublent. Autrement, les martyrs de la tradition seront toujours aux aguets pour des conflits déjà nombreux. Les concertations, les approches, les renseignements et les enquêtes de moralité sont là pour instaurer la paix. Quant aux problèmes de terre, la politique est là pour leurs règlements positifs dans la tolérance.

André Ilboudo. Secteur 11 de Ouagadougou

L’Observateur

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