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Présidentielle 2005 : Les handicaps de l’autre Opposition

Publié le mercredi 12 octobre 2005 à 08h04min

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Outre les trois mousquetaires d’Alternance 2005 (Hermann Yaméogo, Bénéwendé Sankara et Philippe Ouédraogo), il y a d’autres candidats qui se réclament ouvertement de l’opposition. Parmi ceux-ci, le président du PDP/PS (Ali Lankouandé), le président du FFS (Norbert Tiendrébéogo), les deux anciens camarades de l’OBU (Emile Paré et Laurent Bado) et l’écolo le plus connu du Burkina, Ram Ouédraogo.

Face au regroupement " Alternance 2005 ", ces cinq autres candidats forment l’Autre opposition. Ils ne sont certes pas regroupés sous cette bannière mais, face aux deux blocs déjà structurés, à savoir la Mouvance présidentielle et Alternance 2005, on peut les appeler ainsi. Ils ont tous en commun d’avoir appartenu à Alternance 2005. Ils ont claqué la porte à des moments différents et probablement pour des raisons différentes. Bien qu’ils s’en défendent, ils partent à cette élection avec ce reproche d’avoir refusé l’union de toute l’opposition. A part cela, on leur impute d’autres handicaps plus importants. Coup de projecteur sur trois d’entre eux : les candidats du PDP/PS, du Paren et du MPS/PF.

Ali Lankouandé, victime collatérale d’un PDP/PS en crise latente

Le Pr Ali Lankouandé préside un parti miné par des dissensions interminables. Depuis 2000, le PDP/PS (Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste) est constamment secoué par des courants divergents. La succession du Pr Ki-Zerbo à la tête du parti en avril 2005 n’a pas changé cette tendance lourde de conséquences pour le parti. Au contraire, elle a exacerbé les contradictions. Comme le successeur du Pape Jean-Paul II, Benoît XVI, le successeur du Pr Ki-Zerbo incarnerait, pour certains, la vieille garde, la continuité, en somme.

L’image du vieux camarade remplaçant le vieux compagnon est donc bien ancrée dans l’opinion nationale. Si la ligne (politique) est bien gardée, il n’en est pas de même des rangs. Et c’est ce qui arrive au PDP/PS. Les choix des membres des instances dirigeantes du parti ainsi que les choix électoraux du parti ont gravement nuit à sa cohésion. Certes, il n’y a pas une opposition tranchée entre les vieux et les jeunes, mais tant que le cercle des premiers compagnons de Ki-Zerbo dirigera le parti, toute secousse sera interprétée comme le résultat de ce conflit de générations. On l’a vu lors des législatives de mai 2002 où l’éviction du tonitruant Emile Paré avait considérablement perturbé la campagne du parti.

A l’époque, ce dernier avait, quoi qu’on dise, la sympathie d’une bonne partie de l’opinion. Son verbe haut à l’Assemblée nationale où il était le porte-parole du PDP/PS séduisait plus d’un, si fait que la direction du parti était réduite à expliquer sa décision pendant la campagne, dans la région de la Boucle du Mouhoun, le fief naturel du parti et de Paré. Pour certains observateurs, le PDP/PS aurait pu gagner plus d’un député dans cette région s’il n’ y avait pas eu cette crise. Il en fut de même dans les régions du Centre, du Centre-Ouest, des Hauts-bassins et du Centre-Est où les antagonismes entre camarades ont semé la zizanie lors de la campagne. Dans ces circonscriptions électorales, le " parti de l’espoir " a perdu beaucoup d’énergies dans des luttes de positionnement entre camarades.

Les mal classés avaient préféré s’abstenir, sinon rejoindre d’autres partis. Résultat, le PDP/PS n’avait même pas pu glaner un siège dans les trois premières circonscriptions citées. Ce qui constitue un recul par rapport aux législatives de 1997.
Mais en réalité, c’est depuis 2000 que le PDP/PS a commencé à tanguer. Le choix de la direction du parti de ne pas participer aux élections municipales de septembre 2000 n’était pas partagé par bon nombre de sections.

Malgré les explications données par leurs premiers responsables, certains militants avaient carrément fait défection. Ce n’est pas un hasard si le parti a axé deux journées parlementaires sur la question du cadre politique dans un parti et sur le militantisme. A l’évidence, la direction du parti s’est rendue compte que l’ère du militant dévoué et discipliné est en train de s’éclipser. Et cela ne semble pas être gagné si l’on considère les derniers remous que connaît le parti suite à la décision de radier du parti deux membres des sections du Houet et du Kénédougou.

Ces radiations ont révélé au grand jour les dissensions internes du parti. Un courant dit " rénovateur " a saisi cette occasion pour réclamer ouvertement une restructuration du parti. Porté par de jeunes loups comme Etienne Traoré, Pierre Bidima, qui ne font pas partie du bureau politique issu du dernier congrès, ce courant se manifeste à un mauvais moment pour le parti, car il doit gérer cette fronde en même temps qu’il prépare la campagne présidentielle. Le moindre faux pas de la direction pourrait coûter cher au parti en terme d’image, mais surtout de voix lors du scrutin. La question d’éventuelles sanctions contre ces rénovateurs ne serait donc pas envisagée avant la présidentielle.

Mais quelle que soit la décision du parti, il va s’en dire qu’il part à cette présidentielle la cohésion en moins. La seule chance du parti résidera dans l’intelligence des rénovateurs à mobiliser dans leurs fiefs suffisamment d’électeurs pour imposer après le scrutin leur légitimité lors des débats concernant les réformes qu’ils réclament. Par contre, s’ils jouent à la politique du pire, le parti risque gros pour son avenir. Dans ce cas, il devra affronter les communales de février 2006 avec une crise en main. Ces contradictions internes qui minent le parti vont certainement jouer négativement dans la campagne du Pr. Ali Lankoandé.

Déjà, on peut remarquer que le PDP/PS souffre d’un autre handicap non moins important : sa faible visibilité dans l’animation de la vie politique. Malgré les cadres dont il dispose, le PDP/PS reste relativement absent lors des débats politiques. On l’a par exemple peu entendu sur les questions de l’insécurité, de la crise alimentaire, ou encore de la validité ou non de la candidature du président sortant. Peu d’actions visibles sur le plan médiatique, ce qui accrédite dans l’opinion l’idée qu’il y a peu d’actions sur le terrain.

Il y a enfin l’image qu’on a du candidat du parti. En dehors du fait qu’il est peu connu des jeunes générations, il endosse auprès d’une certaine génération, celle des révolutionnaires du 4 Août, l’image de " réactionnaire ". La posture anti-RDP (Révolution démocratique et populaire) du Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta (SNEAHV) dont il était membre a considérablement contribué à installer ce cliché malgré le discours progressiste de l’intéressé et de son parti qui est du reste membre de l’International socialiste. Cela n’empêche pas qu’à l’intérieur même du parti, certains lui peignent une image de "conservateur". Est-ce une coïncidence si la majorité des " rénovateurs du PDP/PS " se recrutent dans cette génération de révolutionnaires ?

L’âge du candidat (74 ans) constitue également un autre handicap. Dans notre contexte culturel, un vieux, ça doit se reposer. Il doit laisser la place aux plus jeunes. Son rôle devrait se limiter à donner des conseils, rien de plus. Cette conception n’est pas seulement celle de jeunes, mais aussi de vieux. Cette mentalité est si ancrée que le septuagénaire candidat du PDP/PS devra s’atteler lors de la campagne à déconstruire tous les discours y afférant. Une tâche supplémentaire en plus de l’explication du programme du parti. Mais ainsi sont faites les campagnes, surtout présidentielles, où l’image du candidat importe plus que toute autre considération.

Ali Lankouandé ne sera pas seul face à cette problématique de l’image. Deux autres candidats emblématiques devront s’y atteler également. Il s’agit des deux anciens compagnons de l’Opposition burkinabè unie (OBU), Laurent Bado et Emile Paré.

Laurent Bado, seul devant l’électorat

Le candidat du Paren (Parti pour la renaissance nationale) part à ce scrutin très affaibli. Il a fourvoyé " l’originalité " de son programme et son intégrité. D’abord, dans l’affaire des 3 millions des députés, et ensuite, dans l’indicible affaire des 30 millions du président Compaoré. Cette présidentielle sera l’occasion de voir si l’électorat a été convaincu par ses explications sur ses différentes postures. Mais, d’ores et déjà, on peut constater qu’il est mal parti. Son parti, le Paren, paraît aujourd’hui moribond. Le découragement a gagné nombre de militants après tant de " compromissions ".

Son mariage avec Emile Paré en 2003 ne lui a pas porté bonheur. Des cadres et militants du parti l’ont mal vécu. Tout récemment, ce sont trois députés qui ont quitté le navire pour créer le Parti pour la concorde et le progrès (PCP). Avec ces départs, le Paren perd ses plus importantes bases électorales. En effet, les législatives de 2002 avaient révélé les régions des Hauts-Bassins et du Centre-Ouest comme les fiefs du Paren avec respectivement à leur tête les députés Stéphane Sanou et Raphaël Bado Déma.

Aujourd’hui, il ne lui reste que la région du Centre où lui-même a été élu en 2002. Mais il est fort à parier que cette fois-ci, il ne récoltera pas grand chose dans cette région quand on sait la versatilité de l’électorat qui l’a porté à l’hémicycle. En somme, en l’espace de deux ans, Bado a ruiné près de trois décennies de crédibilité autoproclamée. Cette présidentielle constitue pour lui un baroud d’honneur avant son retrait annoncé à la tête du parti en fin novembre.
Son ex-compagnon, Emile Paré, ne cherche pas plus que ça.

Paré est très mal barré

Avec son ex-colistier Bado, Emile Paré entamera la campagne présidentielle avec cette vilaine réputation de "corrompu du pouvoir". Il apparaît avec Bado comme des candidats accompagnateurs du président sortant. Ram et Guirma s’en étaient mieux tirés en 1998 en terme d’image bien qu’affublés de ce sobriquet " d’aides-candidats de Blaise ".

Paré a dilapidé le capital de sympathie dont il jouissait quand il était à l’Assemblée nationale. En fin de législature, son intransigeance face à la direction politique de son parti l’a poussé à commettre l’irréparable : une manifestation devant le domicile de l’honorable Joseph Ki-Zerbo, à l’époque président du parti. Dès lors, il s’est aliéné une bonne partie de l’opinion qui a commencé à croire aux accusations dont on l’accable : des accointances avec le pouvoir. L’affaire des 30 millions est venue conforter cette opinion.

Déjà, il était mal barré car son jeune parti, le MPS/PF (Mouvement pour le socialisme/Parti fédéral), trouvait difficilement de militants pour former ses structures provinciales et locales. En plus, Paré a la malchance de partager son fief (le Nayala) avec son ex-président Ki-Zerbo. Le " Chat noir " risque de perdre ses repères dans la région de la Boucle du Mouhoun où, a priori, il semble disposer d’atouts. C’est dire qu’il est dans une situation difficile, même dans sa " zone naturelle ". En fin de compte, sa participation à cette élection s’inscrit dans cette logique de résistance face à ses anciens camarades du PDP/PS. Comme aux Jeux olympiques, l’essentiel pour lui est de participer pour ne pas disparaître de la scène.

Idrissa Barry

L’Evénement

P.-S.

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