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L’autre opposition : l’ambition et les moyens

Publié le mercredi 12 octobre 2005 à 08h03min

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Emile Paré

Laurent Bado, Emile Paré , Ali lankoandé. Trois hommes, une même ambition : devenir président du Faso au soir du 13 novembre prochain. Les leaders du PAREN, du MPS/PF et du PDP/PS connaissent des fortunes diverses dans leur parti ou dans leur démarche politique. Mais au delà de ces considérations, qu’ont-ils réellement comme atouts face à Blaise Compaoré, le président sortant ?

05 août 1999. Laurent Kilachiu (sabre des ancêtres) Bado ne peut plus résister à l’"appel pressent du peuple". Une "voix intérieure "l’invite à se mettre au service des pauvres, des exclus et des laissés pour compte. L’enseignant d’université répond favorablement. Le Parti pour la renaissance nationale (PAREN) est porté sur les fonds baptismaux. Auparavant, et ce pendant 26 ans (1973-1999), Laurent Bado est resté à l’écart de la " scène politique active ".

L’universitaire a consacré tout ce temps à la critique, aux conférences techniques, aux interviews et autres écrits. L’objectif ultime était, dit- il, " d’éveiller la conscience " de ses concitoyens. La création du PAREN et la décision d’entrer en politique procèdent, selon Bado, d’une logique : "La classe politique actuelle inquiète moins par son manque d’intellectualité que par son manque de moralité ".

Rejetant le socialisme et le libéralisme, " contraires à la vocation de l’homme, aux fins terrestres de la société humaine et à la loi naturelle ", le PAREN opte pour une voie intermédiaire : le tercérisme. Selon le manifeste du parti, c’est cette voie originale qui permettra aux populations africaines et burkinabè de recouvrer leur identité confisquée et leur vision spécifique de la vie en société. Ainsi, pourront-elles tendre vers " un progrès sans traumatisme, sans injustice sociale et sans exploitation de l’homme par l’homme ".

Concrètement, le programme de gouvernement de Laurent Bado repose sur la lutte acharnée contre toute forme de dépravation, une répression sans complaisance de la prostitution, du libertinage sexuel, de la corruption, de la gabegie. Laurent Bado entend également défendre et promouvoir les valeurs culturelles burkinabè. Il insiste en outre sur la nécessité d’assurer la santé, l’éducation et la sécurité à tous les Burkinabè.

Lors de son investiture le 03 juillet dernier, le père du tercérisme a réitéré sa détermination à sortir le Burkina de l’ornière avec la même passion et le même volontarisme que les Grecs, combattant la Rome corrompue des temps anciens. Pour le candidat Bado, 5 ans sont largement suffisants : 3 pour éradiquer la misère et 2 pour asseoir un développement durable.

Le juste, le bien et le vrai. Ces 03 valeurs sont cardinales aux yeux de Laurent Bado. Comme atouts, le président du PAREN exhibe son intégrité, sa grande intelligence et surtout sa droiture morale. L’homme, dans cette optique, réfute le qualificatif de "chercheur de primes" (en référence aux 30 millions de l’OBU), que lui colle une partie de l’opinion. Il en veut pour preuve le fait qu’il ait démissionné par quatre fois (entre 1976 et 1983) de " postes juteux ".

Soit en tant que directeur de service, soit en tant que conseiller. Quand on lui demande ce qu’il pense de Blaise Compaoré, Laurent Bado n’hésite pas à le présenter comme " un grand homme qui a le courage de reconnaître que son pays est à la croisée des chemins ". Bado se saisit de cette déclaration comme d’un pain béni. Pour lui, il s’agit d’un aveu d’impuissance, de l’expression d’un régime à bout de souffle et en manque d’inspiration. Par monts et vallées, il ira donc prêcher son évangile (il aurait voulu être prêtre) : celui de l’alternance réelle. Laurent Bado est du type " tonitruant et direct ".

C’est qu’il adore le combat des gladiateurs où forcément un doit mourir. Sans circonlocutions, il martèle que le Burkina Faso est en danger social, " lui dont le passé n’est pas simple, le présent n’est pas indicatif et qui n’a de futur qu’au conditionnel ". En tout état de cause, la conviction de Laurent Bado est inébranlable : " Si le peuple renouvelle sa confiance au régime actuel, les portes de l’enfer s’ouvriront grandement devant lui "...

Dans les " griffes "
du " Chat noir " ?

Pargui Emile Paré est né il y a 47 ans à Yaba, dans le Nayala. Actuellement médecin généraliste au Centre médical de Gounghin, il est présenté par ses laudateurs comme le docteur dont le " Faso malade " a besoin. C’est autour de 1980 qu’Emile Paré s’est résolument engagé dans la vie politique, et ce, après plusieurs années d’activisme syndical à l’Université de Dakar.

Rentré au pays en 1986, Emile Paré prend fait et cause pour la Révolution démocratique et populaire (RDP). Il participe par la suite au mouvement de la Rectification. En 1996, il entre au Parti pour la démocratie et le progrès (PDP) à la faveur de la fusion de son parti, le PPS, avec celui-ci. Un an plus tard, il est député PDP/PS (Ki-Zerbo lui a cédé son siège) pour un mandat de 5 ans.

Mais à la fin de la législature, il " démissionne " pour des raisons de " divergences de vues " avec les premiers responsables du parti. Il s’agissait essentiellement de la question de la succession du Pr Joseph Ki-Zerbo, alors président du PDP/PS. En réalité, beaucoup trouvaient Emile Paré " gueulard " et " trop ambitieux ". Le divorce politique d’avec le PDP/PS consommé, Paré et ses camarades créent le Mouvement pour le socialisme/ Parti fédéral (MPS/PF) le 21 septembre 2002. Le "Chat noir" pense que l’Afrique peut facilement aller à la fédération, vu que les peuples ont longtemps vécu ensemble.

Pour le scrutin du 13 novembre, Emile Paré est candidat sous la bannière de l’Alliance socialiste. Il se réclame porte-flambeau d’un " socialisme moderne " qui prend en compte les réalités nouvelles nationales et internationales. S’il était élu au soir du 13 Novembre, il mettrait en place une République démocratique indépendante. Celle-ci se traduirait par la révision de la constitution, la dissolution de l’Assemblée nationale, la participation de toutes les composantes de la société à la gestion de la cité...

Emile Paré explique que sa voie socialiste de développement reconnaîtra l’initiative privée, tout en mettant un accent particulier sur les secteurs stratégiques que sont ceux de l’eau, de la santé, de l’éducation, de l’alimentation, du logement... " Notre programme agricole, loin de faire de la petite irrigation un axe fort de notre politique, mettra l’accent sur la mécanisation de l’agriculture pour atteindre la grande production agricole ".

En politique étrangère, Emile Paré entend instaurer le principe de réciprocité entre les pays. Pour la consultation présidentielle à venir, Emile Paré a deux options stratégiques. La première, c’est de gagner afin de réaliser l’ " alternance alternative ". La deuxième, c’est l’option démocratique qui se résume à l’alternance tout court. Cela veut dire qu’il pourrait soutenir l’opposant le mieux placé face au CDP, à condition que ce dernier convienne avec les points de vue du MPS/PF.

Le surnom de " Chat noir du Nayala " lui aurait été donné par ses adversaires du CDP. " J’ai constaté que ce surnom me convenait bien quand j’ai étudié les qualités de cet animal. J’ai trouvé que ses qualités étaient extraordinaires. C’est un animal de maison qui n’est pas violent, mais plutôt doux et très docile. Mais si vous l’agressez, vous l’enfermez dans une maison, il sort ses griffes et il vous abat ", confie-t-il. Dans l’affaire des 30 millions de l’OBU, Paré estime que Bado s’est comporté en véritable " taupe du pouvoir ".

Le pouvoir de l’argent et l’argent du pouvoir ont donc entraîné l’implosion de l’OBU qui était censée exploser à la face de Blaise Compaoré. Le principal atout d’Emile Paré est qu’il est semblable à un phénix qui renaît de ses cendres. Du campus à l’OBU, en passant par le PDP/PS, le président du MPS/PF trouve que ses adversaires ont toujours voulu l’étouffer. Mais face à la politique du " ôte-toi que je m’y mette ", il a toujours su rebondir.

Même si on l’accuse de " haute trahison " dans certains milieux, l’homme pense que tout est question d’opportunité. Du reste, selon l’un de ses sacro saints principes, " en politique, il faut savoir taper au bon moment ". Lors de son investiture le 4 septembre dernier, ses militants lui ont remis les symboles du combat : lance, flèches, sabre... En promettant de ne point ménager ses griffes, le "Chat noir du Nayala" est décidé à terrasser "l’ enfant terrible de Ziniaré "...

Ali Lankouandé, le "papy" de la danse

A 74 ans révolus, Ali Lankoandé est le doyen des 13 candidats. Ayant succédé au Pr Ki-Zerbo à la tête du PDP/PS, il entend jouer crânement ses chances. En cela, il est motivé par sa longue expérience politique : plus de quarante ans ! Homme du sérail, Ali Lankouandé a été acteur de plusieurs mutations syndicales et politiques. Il en fut ainsi avec le Mouvement de Libération nationale (MLN), l’Union progressiste voltaïque (UPV) et la Convention nationale des patriotes progressistes/Parti social démocrate (CNPP/PSD). Avec toutes ces batailles, le professeur de sciences physiques s’est forgé une certaine carrure.

Pendant la révolution, contraint à la retraite anticipée, il a dû ouvrir une boulangerie moderne pour survenir à ses besoins. Aujourd’hui, Ali Lankouandé pense qu’il faut tourner la page d’une époque et d’un régime pour offrir de nouvelles perspectives au peuple burkinabè. Pondéré et méticuleux, l’homme insiste beaucoup sur le fait que la politique doit être revêtue du sceau de la moralité.

En son temps, Laurent Bado avait affirmé que la majorité des opposants (sinon tous) avaient bénéficié des largesses de Blaise Compaoré. " Le PDP/PS ne se sent nullement concerné ". Foi d’Ali Lankouandé.
Sa longue carrière dans l’éducation fait qu’il appréhende les phénomènes avec beaucoup de circonspection, de pédagogie et de recul. Il n’est pas impulsif de nature.

Ali Lankouandé perçoit la présidentielle du 13 Novembre comme un enjeu démocratique majeur. La question de la transparence du scrutin doit plus que jamais être déterminante. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à participer à la création de la Coordination pour la transparence des élections ( COTE ). En termes de projet de société, le PDP/PS veut œuvrer à un plus grand accès des Burkinabè aux services sociaux de base, notamment la santé et l’éducation.

Pour Ali Lankouandé, l’éducation est la pierre angulaire sur laquelle le développement de la nation doit être bâti. Pour cela, il lui assigne trois fonctions : former l’homme, former le citoyen et former le travailleur. Il estime qu’il faut donc passer du système d’enseignement général actuel, qui forme de nombreux chômeurs, à un enseignement technique et professionnel. Il insiste particulièrement sur l’introduction des langues nationales dans le système éducatif ainsi que sur leur valorisation.

De nombreux Burkinabè définissent le PDP/PS comme le " parti des papys et des personnes sages ". Qu’à cela ne tienne, Ali Lankouandé estime qu’ils accordent une grande place aux jeunes au sein de leur formation. Seulement, ils leur demandent de s’armer de courage car "le militantisme est très exigeant".

En dépit de leur valeur intrinsèque, chacun de ces trois candidats traîne aussi derrière lui ses casseroles. C’est au vu de ces différentes réalités que le peuple souverain rendra son verdict au soir du 13 novembre.

Par Aimée Franck Bazié
L’Evénement

P.-S.

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