LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Burkina : « Les 4 groupes armés qui nous attaquent sont connus depuis longtemps », Hamidou Yonaba, Conseiller au Centre parlementaire canadien

Publié le samedi 21 novembre 2020 à 21h00min

PARTAGER :                          
Burkina : « Les 4 groupes armés qui nous attaquent sont connus depuis longtemps », Hamidou Yonaba, Conseiller au Centre parlementaire canadien

Alors que les différents candidats aux élections présidentielle et législatives 2020 se rivalisaient en terme de mobilisation à dernier jour (20 novembre) de la campagne électorale, Lefaso.net a tenu à arracher quelques mots à Hamidou Yonaba, Conseiller au Centre parlementaire canadien. Il s’agit de recueillir son avis d’expert sur le déroulement de campagne, les programmes des candidats, la réaction de l’électorat et bien sûr les tendances les votes au soir du 22 novembre.

Lefaso.net : Les campagnes électorales s’achèvent. Comment les avez-vous vécues ?

Hamidou Yonaba : Globalement, tout s’est bien passé, chaque candidat a pu rencontrer son électorat. Mais en termes de programmes, s’il faut l’appeler ainsi, c’est nettement mieux qu’en 2015. Même si comme on le dit dans notre jargon, les candidats se sont accentués sur les génériques. C’était des propositions classiques, je vais faire ci et ça en 5 ans, pourtant aller dans le fond. Et les mêmes propositions qui reviennent dans les secteurs clés comme la sécurité, la santé, l’éducation, etc.

Par exemple, dire qu’on veut la gratuité des soins, c’est bien, c’est ambitieux, mais cela à un coup sur les finances publiques. Dire que c’est fini avec les écoles sous paillotes, oui c’est bien. Mais on ne doit plus être à ce niveau, on doit parler de la qualité de l’enseignement et les réformes à entreprendre.

Aussi, proposer des reformes efficientes au niveau du supérieur et des formations de pointes en techniques. L’heure n’est plus, on va construire ci et ça, mais comment faire avec la qualité.

On a l’impression que les programmes se retrouvent chez tous les candidats. Cependant, c’était nettement mieux chez les candidats qu’en 2015, surtout avec l’arrivée de nouveaux candidats. Mais nous attendons le prochain président et les nouveaux députés.

En observant on a l’impression que la problématique de négocier ou pas avec les terroristes a divisé les candidats pendant les campagnes.

Oui, mais justement, moi, j’étais juste surpris de constater que certains n’ont pas proposé une réponse concrète à cette préoccupation. En fait, on avait l’impression qu’ils tergiversaient autour de la question, sans pour autant proposer à l’électorat comment s’y prendre. Par exemple dire qu’on ne connait pas qui nous attaque, ce n’est pas une proposition de solution.

Vous savez, les groupes armés qui nous attaque sont connus ; ils sont étudiés et leur mode opératoire est maitrisé, même sur le plan international. Les 4 groupes armés qui opèrent sur le territoire burkinabè sont connus depuis longtemps, les études ont été faites là-dessus. Leurs revendications sont claires ; dire qu’ils ne s’expriment pas, qu’on ne le les connait pas, c’est mal maitriser le problème et en ce moment, il n’y a plus de solution.

Alors qu’on connait leurs motivations, leurs revendications, il fallait juste expliquer à l’opinion, si c’est négociable ou pas. On prend leurs revendications l’une après l’autre, ensuite on étudie pour voir dans le contexte national, si on peut négocier. Mais, dans le cas contraire, qu’on explique clairement à l’opinion que c’est impossible. Les groupes armés qui nous attaquent sont connus, il faut juste expliquer à l’opinion que leurs revendications sont négociables ou pas. N’allez pas dire que vous ne savez pas qui nous attaque parce qu’ils sont connus depuis sur le plan international. Mais, je ne dis pas de divulguer sur la place publique comment il faut négocier et les noms des négociateurs. Mais ceux qui nous attaquent sont connus.

Sur 13 candidats il y avait une seule femme en lice pour la présidentielle. Était-elle à la hauteur des défis, dans la mesure où elle était présentée comme une néophyte ?

Je crois qu’il faut éviter une analyse qui tente d’avoir un regard sur la féminisation des campagnes. Bref, les 13 candidats ont rencontré leurs militants et ont prouvé par leurs programmes ce qu’ils proposent. La suite se verra dans les votes et chacun pourra mesurer son poids électoral. On nous a présenté que ces élections devraient connaitre une ascension des jeunes et des femmes, mais jusque-là, pratiquement on n’a pas senti de jeunes et des femmes.

Dans les promesses de campagnes électorales de certains candidats, il revient que des militaires pourraient occuper des postes clés, s’ils sont élus. Votre avis ?

Je pense que c’est une bonne chose si les militaires occupent des postes administratifs, surtout sur la base des compétences données. Avoir des militaires dans un gouvernement, ne fait pas de ce gouvernement, un gouvernement militaire. Surtout, s’ils sont choisis pour des postes techniques, administratifs, c’est une bonne chose.

On a pratiquement pas noté de tensions entre militants à la base ; est-ce une forme de maturité politique ?

Vous savez pratiquement que les populations sont habituées à juste participer pour écouter, sans pour autant avoir un impact majeur sur les candidats en campagnes. On parlerait de maturité des populations, si les candidats s’y prêtaient aux jeux de questions réponses des populations pendant des heures au travers des émissions interactives. Mais pratiquement pas.

Les populations viennent écouter et repartir, et donc, cela montre aucune maturité politique. Surtout dans la mesure où les populations ne maitrisent pas les programmes des candidats, ne les comprennent pas pour en discuter avec les candidats lors de leurs passages. Vous savez sous nos cieux, les votes sont encore hautement ethniques et les gens continuent de voter pour des individus et non pour leurs programmes, c’est une réalité. Certainement, l’avenir pourra relever ce défi, mais pour l’heure, les faits sont là.

On parle d’une forme de clientélisme de l’électorat. Comment peut-on en arriver-là, 5 ans après l’insurrection ?

Quoi qu’on dise dans nos pays, surtout en Afrique, c’est la même préoccupation majeure. Je pense qu’on pourrait envisager un mécanisme régional pour contrer ces phénomènes et contrôler des cas de corruption, afin de réduire drastiquement ses conséquences sur les votes. Également, outiller les organes de contrôles qui doivent faire usage de leurs autorités pour freiner ces pratiques. En 2015, on l’avait vu ; les mécanismes de contrôles ont permis de lutter contre ces pratiques. Mais je pense que des études peuvent être faites au niveau sous régional.

Le parti au pouvoir parle de K.O alors que l’opposition parle de 2e tour ; comment comprenez-vous cela ?

C’est intéressant, c’est une forme de jeu politique, de jeu démocratique. C’est des slogans. Le parti au pouvoir et l’opposition se lancent des pics, dans l’optique d’haranguer les foules et de séduire l’électorat. Chacun tire le chapeau de son côté et c’est cela l’ambiance électorale. En attendant l’issue de ces campagnes, cela doit être comme ça.

Sans le fonds de soutien aux candidats, la préoccupation des moyens financiers pour battre campagnes était au chœur de tous les enjeux...

C’est cela les réalités du système démocratique qu’on a choisi et il faut assumer les forces et les faiblesses. Le suffrage universel direct est coûteux et cela doit nous inviter à réfléchir. Surtout lorsqu’on sait comment la CENI a trimé pour réunir l’argent pour les élections. Mais c’est cela le choix du système démocratique et ses conséquences.

Sur les 13 candidats en lice pour la présidentielle, l’un n’a pas pu battre campagne physiquement (Isaac Zida). N’est-ce pas un coup pour notre démocratie ?

Je pense qu’il faut prendre cela à l’actif des forces et des faiblesses de notre système électoral de 2020 et pouvoir l’améliorer dans le futur.

Le 22 novembre que doit faire la population ?

J’invite la population à voter. Les gens sont invités à aller donner leur voix, parce que leurs voix comptent pour l’avenir de ce pays. Ainsi ils sauront que leurs votes peuvent faire bouger les lignes, mais constituer un moyen de pression sur les gouvernants et les prises de décision futures.

Dieu merci, les campagnes électorales se sont bien déroulées et nous espérons que les votes seront pareils. Ainsi dans les prochains jours, on va accueillir les nouveaux députés et le nouveau président dans les prochains cinq ans.

Interview réalisée par Edouard Samboé.
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique