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Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

Publié le dimanche 15 novembre 2020 à 16h18min

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Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

Comme il fallait s’y attendre, cette campagne électorale donne lieu à toutes sortes de déclarations et de promesses surréalistes... La main sur le cœur, certains candidats chantent à ceux qui accourent les écouter qu’ils n’entendront plus aucune balle au Burkina Faso une fois qu’ils parviendront au pouvoir. Rassurez-vous. Vous n’êtes pas sur la planète mars mais bien sur terre au Burkina Faso ! Pour d’autres, la potion magique contre le terrorisme est toute trouvée. Celle-ci résiderait dans la négociation avec les terroristes. S’ils parvenaient à être élus, ces candidats seront donc prêts à toute compromission quitte à vendre le pays avec les groupes terroristes qui en feront un sanctuaire. Il faut être sérieux. Les problèmes sont plus complexes. Les Burkinabè méritent nettement mieux ! Une tribune de Jérémie Yisso Bationo, enseignant chercheur.

Un État stratège et responsable ne dévoile jamais toutes ses stratégies de lutte contre le terrorisme. Ce qui est plus important, ce sont les résultats sur le terrain. Quelque soit sa puissance de feu, il est évident que la stratégie n’est jamais linéaire. Celle-ci doit manier à la fois la carotte et le bâton dans une alternance de confrontation armée puis de discussions. Tous les pays du monde le font. Même si un État choisit de jouer la carte de la négociation, il n’est pas bienséant que ses dirigeants le proclament urbi et orbi. La logique est connue. « Trop de bruit, peu de fruits ».

Les autorités du pays sont plutôt attendues sur le terrain des résultats. C’est à elles de mettre tout en œuvre pour réduire au maximum les capacités de nuisance des terroristes. La négociation est un couteau à double tranchant. S’il ne faut pas l’exclure d’office, il faut aussi se garder de s’y jeter pieds et poings liés. Avant de s’y engager, il faut d’abord connaitre parfaitement l’ennemi en face, cerner ses motivations, avoir l’expertise en matière de négociation, disposer de moyens de pression sur son vis-à-vis, disposer d’alternatives crédibles en cas d’échec de la négociation,…

C’est un travail méthodique et stratégique qui ne se fait pas au petit bonheur la chance ou sur la base de calculs politiciens. En plus, il est illusoire de penser qu’une paix durable est possible avec des terroristes sur la base de simples négociations. Ce n’est pas pour rien qu’ils portent le nom de terroristes. Quelque soient vos accords, ils reviendront toujours semer la terreur d’une manière ou d’une autre. Donner leur la main, ils vous réclameront le bras.

Aujourd’hui, le Burkina Faso est engagé dans le G5 Sahel ou une stratégie sous régionale de lutte contre le terrorisme est entrain d’être implémentée. Le Burkina Faso ne saurait à lui tout seul décidé de négocier avec des terroristes et remettre ainsi en cause la stratégie globale qui a été définie par les États africains et leurs partenaires occidentaux. Tout est lié en ce monde. Aucun État ne peut évoluer en vase clos ou au gré des humeurs de dirigeants du moment.

Ne pas se faire hara-kiri

Sous Blaise Compaoré, le Burkina Faso avait été relativement épargné, parce que le régime avait décidé de pactiser avec les terroristes. Ceux-ci pouvaient alors aller frapper allègrement le Niger, le Mali ou tout autre pays et revenir se prélasser tranquillement dans des hôtels huppés de Ouagadougou aux frais de la princesses… Le Mali et le Tchad s’en s’ont plaints à plusieurs reprises. Les temps ont changé. Le Burkina Faso ne peut se permettre de trainer une sulfureuse réputation de « pyromane de la sous-région » comme il était taxé il y a quelques années.

Aujourd’hui, il faut continuer à investir dans le renseignement, équiper et former les FDS pour une lutte sans merci contre les terroristes et tous leurs suppôts dans le cadre des accords régionaux et internationaux que le pays a ratifiés. Il faut aussi que chaque burkinabè fasse son propre examen de conscience afin de donner la chance à la réconciliation nationale de réussir.

Le gouvernement doit en outre poursuivre ses actions de développement afin de réduire considérablement les fractures sociales et les inégalités surtout dans les zones les plus délaissées. Le dialogue interreligieux et les actions de renforcement de la cohésion sociale constituent également des axes prioritaires d’intervention. S’enfermer dans une simple logique de négociation, c’est signer son arrêt de mort.

Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou

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Vos commentaires

  • Le 15 novembre 2020 à 17:19, par Le petit tranquilos En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    Je valide Mr Bationo. Il faut laisser les apprentis politiciens divaguer. Quand quelqu’un n’est pas aux affaires, il résonne comme un ....... C’est maintenant on se rend compte que la majeure partie de nos politiciens résonnent comme des vendeurs de Nescafé.
    Courage à vous Mr Bationo et continuez à nous éclairer.

  • Le 15 novembre 2020 à 19:06, par jeunedame seret En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    Tu as raison Btiono ; mais la plupart des politiciens n’auront pas tort non plus. Car, il ne faut pas prendre leur publicité de campagne à la lettre ; ils partagent aussi votre discrétion des méthodes de combat. Et savent bien que plus tu caresses l,âne, plus il se prend comme mari et chef de famille avec tous les droits d’intimidation. On pourra essayer de leur faire confiance ; car ils ne dévoilent pas toutes les vérités de leur plan de bataille anti terroriste. Personne n’est éternellement si idiot pour négocier toujours sous les pâtes du scorpion.

  • Le 15 novembre 2020 à 20:29, par Gohoga En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    Bonsoir à tous. Je valide en partie. Cependant l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Si des pays comme USA sont obligés de négocier avec les "terroristes" , parce que le monde est géré par l’injustice généralisé. Les ressources sont happés par moins de 10% des habitants. La population est victime des raquettes, abus et mépris de la part de majorité des acteurs des toutes les Administrations de nos pays. Ce comportement est en vigueur depuis le lendemain des indépendances octroyés. Tous nous voyons et nous ne disonsommes rien. Personne n’a jamais été sanctionné BF pour avoir raquette un admistrès. Quoi de plus normal que le peuple se révolte. Dans tout le cas il n’a rien à perdre. Ce nous, privilégies du système qui avons tout à perdre : salaires, indemnités, séminaires, ateliers et missions.

  • Le 16 novembre 2020 à 03:48, par Namagni En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    Pour justifier la sécurité qui existait au Burkina sous Blaise Compaoré, les gens au pouvoir et quelques analystes ont toujours affirmé haut et fort, que l’ancien Président "pactisait avec les terroristes". Tant que de telles affirmations sans preuves sérieuses proviennent de politiciens ou de citoyens ordinaires, on peut être indulgent, aux motifs que les premiers ont l’habitude de mentir pour renforcer leurs positions, et que les seconds ont l’excuse de ne pas forcément être adeptes de la rigueur scientifique.

    Mais quand cette affirmation vient d’un "enseignant chercheur",comme Monsieur Bationo, l"affaire devient autrement plus intéressante.Parce qu’un "chercheur", ça doit chercher et trouver avant d’affirmer, le public burkinabè vous serait extrêmement reconnaissant d’être éclairé sur les points ci-après :

    - quels sont les éléments concrets qui permettent d’affirmer l’existence d’un"pacte" entre Blaise Compaoré et des terroristes, étant entendu que la principale "preuve" exhibée jusque-là est que quelques Touaregs étaient souvent logés à Ouaga ?

    - quelles activités précises menaient ces derniers à Ouaga ?

    - quel était le contenu du "Pacte" ?

    - quelle était la position de l ’Assemblée nationale dirigée à l’époque par Roch Kaboré, sur ce "Pacte" ? Au nom de sa mission de contrôle de l’exécutif, s’est-elle, même en filigrane, inquiétée d’un tel accord ?

    Comme la période concernée n’est pas si éloignée que cela,ça doit être très facile pour un "chercheur" de trouver des documents et des interlocuteurs de premier plan qui nous édifient définitivement sur l’existence ou non de ce fameux "Pacte".

    Bien à vous

  • Le 16 novembre 2020 à 08:58, par jacob En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    Je valide absolument. L’islamisme doit être combattu, on ne peut pas négocier avec des gens dont l’objectif est la prise du pouvoir d’Etat et l’instauration de la charia comme droit commun !

  • Le 16 novembre 2020 à 14:25, par Sidpawalemde Sebgo En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    Mais pourquoi attendre les élections dans un pays laïc et multiconfessionnel pour aller discuter avec ces "groupes" ?

    Dès maintenant, il peut se rebaptiser Zéférim el Garang ben Diabré et aller les rejoindre ? Avec ses nombreuses compétences, il pourra les aider à négocier les rançons de leurs otages, organiser la logistique de leur trafic d’armes et de drogues, le timing de leurs tueries de masse ou la vente des fruits de leurs razzia ? Loin, très loin du Burkina de préférence...

    Grand Vizir de l’Azawad ou du Califat, c’est aussi bien que président ou premier ministre du Burkina, et au moins, ça ne nous oblige pas nous, à subir ce que les habitants du Nord Mali ont vécu. Se laisser pousser la barbe et couper le pantalon, arrêter l’école et la musique, se faire prendre leurs femmes et leurs biens... Mais ont-ils eu la paix pour autant ?

  • Le 16 novembre 2020 à 18:57, par Koamsa En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    Je ne sais pas ce que vous enseignez ni ce sur quoi vous faites vos recherches mais vous n’avez apparamment pas écouter tous les candidats. Zeph par exemple a souligné la nécessité de la force ; il a expliqué pourquoi le rapport de force est le premier paramètre important. Ensuite, il a expliqué en quoi le paramètre negociation peut être complémentaire et utile. Il a aussi souligné comment la réduction de la pauvreté et du chomage était une clef.
    Ensuite les excités et les théoriciens n’ont probablement jamais connu de douleurs liées au terrorisme. C’est pourquoi, avant toute chose, il faut penser aux victimes, aux fds, à ceux qui dans la menace immédiate : qu’est ce qu’ils de toutes ces discussions ?

  • Le 16 novembre 2020 à 21:01, par Sawadogo En réponse à : Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux

    M. Tunnel-Canal bin Zephirin

    De toute évidence, il manque de connaissances essentielles sur le sujet du terrorisme et semble ignorer que le Burkina Fasi est un État laïque.

    Zeph s’est préparé, prêt dans son imagination, à sacrifier la souveraineté nationale. Il n’a aucun respect pour les États du G5 et nos partenaires dans la guerre contre le terrorisme.

    Bien sûr, la guerre contre Covid 19 ne l’intéresse pas du tout. En politique, les politiciens mentent, mais lui est le champion des fabuleux mensonges. Il n’est pas bon pour Kossyam.

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