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Covid-19 : « Son impact va se ressentir sur les droits d’auteur à repartir en 2021 », dixit Wahabou Bara, directeur général du BBDA

Publié le jeudi 5 novembre 2020 à 19h30min

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Covid-19 : « Son impact va se ressentir sur les droits d’auteur à repartir en 2021 », dixit Wahabou Bara, directeur général du BBDA

Le secteur de la culture est durement éprouvé par l’avènement du Covid-19. Plusieurs activités culturelles ont été suspendues pendant un moment. Pendant ce moment, le Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA) n’a pas pu mobiliser les ressources. Dans une interview qu’il nous a accordée le mercredi 4 juin 2020, le directeur général du BBDA, Wahabou Bara, a expliqué que l’impact de la pandémie sur les droits d’auteur va se faire ressentir en 2021. Il nous parle également de ce que les artistes peuvent bénéficier pendant cette campagne électorale. Entretien !

Lefaso.net : Comment se porte aujourd’hui le Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA) ?

Wahabou Bara : Le Bureau burkinabè du droit d’auteur se porte bien. Nous avons eu, c’est vrai, une année difficile. Des efforts ont été consentis par une équipe assez réduite mais très motivée. Même si tout est perfectible, nous sommes sur la bonne voie. Nous avons renforcé notre dispositif juridique avec l’adoption de la nouvelle loi 048 du 12 novembre 2019. Elle porte sur la protection de la propriété littéraire et artistique. Elle intègre le nouveau mode de consommation des produits culturels afin de prendre en compte les attentes liées à ces œuvres, surtout dans l’environnement juridique. Nous avons également pu faire adopter trois décrets d’application de la loi.

Il y a le décret portant perception du droit de suite sur les œuvres d’art graphique et plastique. Cela permettra aux créateurs et leurs ayants droit de bénéficier d’une rémunération à chaque revente de leurs œuvres lorsque cette transaction fera intervenir les professionnels de l’art. Nos acteurs des arts graphique et plastique ne bénéficient pas d’un droit de reproduction et d’un droit d’exécution publique comme ceux de la filière musique. C’est un secteur qui est dominé par la spéculation, eu égard la revente des œuvres d’art.

Beaucoup d’œuvres sont achetées et revendues sur des marchés professionnels et les différents titulaires n’en bénéficient pas. Pour nous, ce décret permet de corriger cette injustice au profit du marché des arts visuels. Le second décret est relatif à la perception de la rémunération pour copie privée. Il permet de collecter des droits sur tous les supports vierges d’enregistrement analogique ou numérique. Pour nous, c’est une avancée notable.

Enfin, un décret portant perception de la rémunération pour reprographie des œuvres imprimées qu’on pourra appeler en français facile « un droit de photocopie ». Tous ceux qui sont dans les filières des œuvres vont bénéficier de cette redevance. Nous avons procédé à la révision de textes assez importants au niveau du BBDA dans un processus inclusif, participatif, avec l’implication des membres de l’assemblée générale et du conseil d’administration. Il s’agit de trois textes de portée importante, notamment le règlement général du BBDA. C’est le document d’affiliation entre le BBDA et ses membres. Ensuite, l’arrêté portant répartition des droits.

C’est un document qui avait beaucoup fait jaser, surtout concernant la question des coefficients. Nous avons pu nous accorder quand même. Le ministre a pu donc signer cet arrêté de répartition qui pourra permettre de faire avancer les choses pour l’année 2021. Enfin, l’ordre tarifaire, le barème qui fixe le montant auprès des utilisateurs d’œuvre de notre répertoire. Ces trois documents relus dans un processus inclusif et participatif permettent au BBDA de pouvoir mieux affronter les défis à venir. Pour moi, il y a déjà une satisfaction en termes d’amélioration comme j’ai dit du cadre juridique.

Le monde entier fait face au Covid-19. Quel est son impact sur les activités du BBDA ?

Il faut dire que le coronavirus dont les premiers cas se sont produits autour du 9 mars au Burkina Faso ont conduit, du 9 mars au 9 juin, une cessation des activités de nos utilisateurs. Nous avons une relation avec nos utilisateurs que nous qualifions de clients. Je parle des bars, des maquis, des hôtels qui utilisent les œuvres en contrepartie d’une redevance qu’ils versent au BBDA. Lorsqu’ils sont frappés par ce Covid, le BBDA, avec l’autorisation de son conseil d’administration, a décidé de faire une réduction des redevances de ces utilisateurs. Ils étaient déjà dans des difficultés.

C’est vous dire que ces utilisateurs ont du mal à payer la redevance. Nous avons travaillé également à les soutenir d’abord moralement mais aussi sur le plan économique en réduisant la redevance avec un prorata de ces trois mois. Ce qui va sans doute dire que l’impact du Covid-19 va se ressentir ses les droits à repartir en 2021 à nos titulaires de droit.

Ce sont les deux conséquences qu’on peut évoquer sur la question du Covid. Pendant cette période du Covid avec une délibération du conseil d’administration extraordinaire, nous avons mis à la disposition de ces titulaires de droit, la modique somme de 30 000 F CFA pour faire face, dès les premières heures du Covid. 2 630 artistes ont été soulagés.

C’est le MPP qui a été le premier à payer la redevance en vue des campagnes électorales.

Nous sommes en pleine campagne électorale. Qu’est-ce que les artistes peuvent tirer comme bénéfice ?

Pendant la campagne électorale, il faut le dire, j’ai eu à l’expliquer dans le livre que j’ai écrit qui est intitulé « Droit d’auteur, comment tirer profit ? », il y a ce qu’on appelle les œuvres de commande. C’est une commande d’un parti politique, soit d’un mouvement, qui souhaite utiliser la musique comme vecteur de communication. Certains artistes sont sollicités soit pour écrire des textes ou des hymnes pour ces partis, soit pour composer des chansons en phase avec les idéaux des différents partis politiques.

C’est le premier cas où les artistes sont sollicités. Lorsqu’ils sont sollicités, il y a un gain, il y aura un cachet pour la prestation, pour la composition mais également pour les prestations sur scène. C’est à ce niveau que le BBDA intervient depuis 2009. Sous l’égide du CSC, nous avons mené une campagne auprès de tous les partis politiques qui aspirent à la magistrature suprême, afin de leur monter l’importance du droit d’auteur lors de ces campagnes.

Cette campagne poursuit deux objectifs pédagogique et économique. Pédagogique parce qu’il est important que les partis politiques comprennent et s’acquittent des redevances lorsqu’on exploite les œuvres des artistes pendant les campagnes. Ils deviennent un peu comme des utilisateurs d’œuvres du répertoire du BBDA. Ces œuvres sont protégées par le BBDA à travers un mandat que les titulaires de droit ont donné à la structure. Ces montants, selon notre ordre tarifaire, s’éclatent en trois catégories. Vous avez les gros utilisateurs qui paient au moins 5 millions. Vous avez les moyens utilisateurs qui paiement au moins 3 millions. Les petits utilisateurs paient de 100 000 à 500 000 F.

A l’étape actuelle, combien les partis politiques ont-ils versé ?

A la date d’aujourd’hui, nous sommes à treize partis politiques. Il serait difficile de donner le montant. Mais comme je vous l’ai dit, les grands partis, à savoir le MPP, le CDP, l’ADF/RDA et l’UPC se sont acquittés du montant de 5 millions de F CFA. Il y a ensuite les moyens, à l’instar du mouvement « Agir Ensemble », qui sont dans la catégorie des 3 millions. Vous avez les autres petits partis qui sont autour de 300 000 F.

Un parti qui ne paie pas ses redevances, le BBDA dispose-t-il des moyens pour l’y contraindre ?

La loi est claire. Elle dit qu’en cas d’utilisation sans l’autorisation du BBDA, vous tombez dans un délit de contrefaçon. La loi a prévu également des peines. Donc c’est l’occasion pour moi d’inviter les différents partis à s’acquitter des droits d’auteur pour éviter les désagréments qui pourraient donc survenir.

Comment se fera la répartition de la cagnotte une fois mobilisée ?

Une chose est de s’acquitter de la redevance des droits d’auteur, une autre est de fournir les révélés de programme qui nous permettent de repartir ces droits-là aux différents titulaires de ces œuvres. Un parti qui paie par exemple 3 millions, on lui remet des relevés de programme.

Au niveau du parti politique en question, il y a un responsable programme qui entre en contact avec les artistes qui doivent exécuter les œuvres. Ces responsables doivent remplir la fiche de relevé lorsque ces artistes exécutent les œuvres. Si vous prenez Floby qui joue deux titres, on met deux titres. Le responsable du parti politique signe et il nous envoie les différents relevés de programme. C’est sur la base de ce programme que le montant de la répartition se fera.

Comment contrôler les candidats ? Il y en a qu’on n’a pas encore vus…

Nous allons contrôler. Le BBDA est représenté. Nous avons une direction régionale à l’Ouest. On a une direction régionale au Centre-Est. Une agence à Koudougou et Dédougou. On a nos équipes de Ouaga qui feront le tour des différents meetings, non seulement pour collecter les relevés, mais aussi pour constater ceux qui exécutent des œuvres mais qui ne se sont pas acquittés des différentes redevances. Mais, c’est sûr qu’on ne peut pas tout contrôler. Je pense que cette campagne de communication a permis d’avoir une quinzaine de partis qui se sont acquittés et ce n’est pas mal pour nous. Le travail se poursuit sur le terrain.

Droit de reproduction et de reprographie au profit des éditeurs de presse écrite. Expliquez-nous d’avantage cette question.

Il faut dire que depuis 2010, le BBDA avait mis en œuvre les droits de reprographie mais il avait commencé avec les livres. Il était prévu que celui des journalistes puisse venir plus tard. C’est avec la campagne de sensibilisation de 2017-2018 que nous sommes passés à la mise en œuvre de ce droit d’auteur à l’attention des auteurs et éditeurs de presse.

Quand vous prenez une œuvre journalistique, elle est considérée comme une œuvre collective. Une œuvre collective est une œuvre qui a été créée par plusieurs personnes mais éditée sous le nom de la personne morale. Les droits naissent sur la tête de cette personne morale. Dans la presse, il y a des journalistes indépendants. Ils bénéficient de la répartition. Sinon, en réalité, les droits naissent sur la personne morale, sur le nom duquel l’œuvre a été publiée.

Interview réalisée par Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net

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