LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Régulation des médias en Afrique : Regards croisés

Publié le jeudi 6 octobre 2005 à 08h47min

PARTAGER :                          

Luc A. Tiao, président du CSC

Ouagadougou abrite depuis le 3 octobre 2005 un séminaire-atelier sur le thème : "Médias et élections en Afrique" organisé par le Conseil supérieur de la communication (CSC) en collaboration avec l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF)...

...Cette rencontre connaît la participation, entre autres, de responsables d’instances de régulation de médias dont ceux de la République démocratique du Congo, de la Côte d’Ivoire et du Bénin. Nous les avons rencontrés et ils parlent de la situation de la presse en rapport avec leurs institutions respectives. Regards croisés.

Modeste Muntinga, président de la Haute autorité des médias (HAM) de la RDC

« Nos dernières élections démocratiques datent de...1964 »

Monsieur Muntinga, comment se présente le paysage médiatique congolais ?

• Il faut rappeler que la République démocratique du Congo est un pays qui sort d’une crise politique aiguë, de conflits militaires à répétition. Mais cela n’a pas empêché la presse de maintenir son dynamisme, au point qu’on peut compter aujourd’hui en RDC plus de 160 stations de radiodiffusion, 57 chaînes de télévision et plus de 250 journaux dont 8 quotidiens dans la ville de Kinshasa.

C’est une activité très dynamique qui contribue énormément à l’expression démocratique, au pluralisme de l’information et qui apporte sa pierre à l’assise de la démocratie, à la réconciliation et à l’intégrité de ce pays longtemps déchiré.

On voit en tout cas que le paysage est très riche, mais est-ce que le tirage des journaux n’est pas quelquefois symbolique ? De même, les radios et télés couvrent-elles véritablement un large espace ?

• Le tirage des journaux dépend plus de la santé économique de chaque pays, de la RDC en particulier. Malgré ce gouffre économique, les journaux les plus importants tirent à 3000 exemplaires pour les quotidiens et les moins importants sont à 500 exemplaires.

Cela ne diminue pas leur importance, dans la mesure où il faut considérer que compte tenu du pouvoir d’achat de la population, un exemplaire d’un journal au Congo peut être lu par dix personnes au minimum, sans oublier que les invendus le sont dans le lieu où le journal est imprimé mais pas dans les points reculés du pays.

Il faut dire que le pays est assez vaste de sorte qu’un journal qui est sorti il y a un mois à Kinshasa peut être lu avec empressement dans les coins reculés à 2000 km de la capitale.

L’impact des médias est aussi important quand on sait également que pendant longtemps, les libertés politiques ont été interdites dans ce pays ; il faut vous dire que l’apport de la presse écrite a été important, parce que c’est cette presse qui a été l’expression démocratique de ce pays, qui a contribué énormément à l’affaiblissement de régimes dictatoriaux, qui a contribué à l’avènement d’un régime plus démocratique et qui se met au travail pour que le processus démocratique aboutisse demain à l’organisation d’élections libres, justes et transparentes.

Avec une constellation médiatique disséminée sur 2 millions de km2, comment parvient-on à réguler l’information et la communication ?

• La tâche est très difficile. L’environnement a nécessité l’organisation de la profession elle-même. Nous avons une Union de la presse congolaise qui a des représentations partout en province.

Nous avons également un Observatoire des médias congolais qui est une instance d’autorégulation, et tout cela à côté de la HAM, qui est en train d’ailleurs de se déployer sur tout le territoire national. Fort heureusement, on n’est plus à l’époque de l’isolement provincial.

Le pays est ouvert aujourd’hui aux NTIC. Le téléphone cellulaire marche sur toute l’étendue de la République. On a cinq opérateurs en RDC. Les liaisons sont assez facilitées par ces moyens de communication, ce qui fait qu’il y a la possibilité de suivre les événements qui se passent ailleurs et dans la capitale.

Cela dit, quelle répercussion l’interminable transition congolaise, qui dure depuis 15 ans maintenant, a-t-elle sur vos activités au niveau de la HAM ?

• C’est vrai, la transition a été longue, et au-delà des médias, elle a eu des effets négatifs énormes sur le plan de la stabilité politique de notre pays, de l’assainissement économique, de la consolidation de l’unité et même du progrès social qui devait en découler.

Mais ce qui est important à noter est que la population a cumulé une culture politique. Compte tenu de l’évolution, la population devient de plus en plus exigeante. Elle veut que les élections aient lieu coûte que coûte pour qu’elle puisse participer au choix des dirigeants de qui dépendront demain leur destin.

On n’est plus à l’époque où la population congolaise va subir sans réagir une dictature d’où qu’elle vienne. Cela est l’avantage de cette transition qui a trop duré. Cela a pu permettre à cette population d’acquérir un sens aigu de la citoyenneté, du devoir, de la consolidation de l’unité de ce pays.

Monsieur le président, un jour où l’autre il faudra bien organiser les élections générales. En même temps qu’un défi politique, c’est aussi une gageure médiatique. Comment entrevoyez-vous tout cela ?

• Le jour où devraient se dérouler les élections démocratiques en RDC n’est pas lointain. Notre pays doit se doter d’une nouvelle constitution, et la campagne référendaire est prévue pour fin novembre début décembre 2005 ; les élections présidentielle, législatives et locales pourront avoir lieu entre mars et avril de l’année prochaine, parce que la transition congolaise expire le 30 juin 2006.

Et pour éviter un vide juridique, constitutionnel, il faudrait coûte que coûte que les élections aient eu lieu avant cette date. Donc nous sommes en pleins préparatifs et la HAM jouera un rôle capital parce que les lois de la République lui confèrent ce droit d’organiser les campagnes officielles dans les médias. Nous sommes en train de nous y atteler.

Les expériences que nous venons de vivre ici à Ouagadougou nous seront d’un grand apport dans la rédaction des instructions que nous aurons à édicter pour les médias qui seront choisis pour couvrir cette période.

Puisque vous n’avez aucune expérience en matière d’élections, cela ne constitue-t-il pas un handicap ?

• C’est une difficulté que nous croyons pouvoir surmonter, parce que nous bénéficions des expériences de pays amis tels que le Burkina Faso, le Bénin, le Niger, le Sénégal, l’Afrique du Sud. Toute cette expérience que nous sommes en train de constituer, de vivre, nous permettra peut-être de faire mieux qu’ailleurs.

Mais au fait, de quand datent les dernières élections dans votre pays ?

• Les dernières élections démocratiques, en dehors des plébiscites organisés par feu le maréchal Mobutu, ont eu lieu en 1964.

Vous êtes le propriétaire du journal « Le Potentiel ». Même si vous vous êtes retiré, n’êtes-vous pas quelque part juge et partie en tant que président de la HAM ?

• J’ai été propriétaire du Potentiel. Mais je me suis retiré du capital de cette entreprise pour apporter ma part d’expérience à la mise en œuvre de l’instance de régulation.

Je crois qu’à ce jour, je ne suis pas embarrassé par mon passé de journaliste. C’est plutôt cette expérience dans ma longue carrière de journaliste qui me permet d’appréhender les vrais problèmes de régulation et de les maîtriser au mieux dans l’intérêt de tous.


Franck Anderson Kouassi, secrétaire général du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) de Côte d’Ivoire "RFI n’est pas professionnelle"

A tort ou à raison, la presse ivoirienne est régulièrement accusée de véhiculer la haine et d’être l’un des vecteurs de la crise qui secoue le pays. Qu’en pense le SG du CNCA ?

• Si c’est de la presse écrite qu’il s’agit, mon organe n’est pas habilité à faire un jugement parce que nous nous intéressons essentiellement à l’audiovisuelle. Il existe un organe de régulation de la presse écrite qu’on appelle le Conseil national de la presse écrite (CNP) à côté du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA). Mais moi-même étant un journaliste, j’ai une opinion à émettre sur ce que vous appelez la responsabilité de la presse dans cette crise.

On peut l’affirmer dans une certaine mesure pour la simple raison que la presse ivoirienne est essentiellement une presse partisane. Quelle que soit la ligne éditoriale que vous trouvez en Côte d’Ivoire, il est tout à fait difficile de défendre une certaine indépendance.

Une ligne éditoriale dans le paysage médiatique aujourd’hui répond d’une certaine manière à la défense des idéaux d’une chapelle politique. Vu sous cet angle, on peut considérer que le débat politique est transposé très rapidement dans la presse, qui se substitue au personnel politique.

C’est ce que d’ailleurs dénonçait tout à l’heure le doyen Edouard Ouédraogo de L’Observateur paalga. Au lieu que les hommes politiques mènent le débat avec les arguments qui sont les leurs, la presse mène leur combat à leur place de sorte qu’aujourd’hui vous ne pouvez pas raisonnablement demander à la presse d’être impartiale.

Le problème est souvent le même partout dans la sous-région. Mais le problème se pose aujourd’hui avec beaucoup d’acuité chez nous d’autant plus que nous sommes déjà dedans. Nous ne le souhaitons pas à d’autres pays, mais nous qui sommes déjà dans la crise, nous savons que la presse, si elle n’est pas responsable de cette crise, est une des complices.

On imagine que la régulation ne doit pas être facile dans un tel contexte. Votre voix porte-t-elle véritablement ? Parvenez-vous à vous faire respecter ?

• Effectivement, il n’est pas aisé dans un tel contexte d’accomplir la mission de régulation que la loi autorise. Mais pour ce qui nous concerne au CNCA, le secteur de l’audiovisuel est un peu particulier comparé à la presse écrite, qui relève essentiellement du privé.

Alors que dans l’audiovisuel, même si le privé s’y installe, la fréquence exploitée par ces opérateurs privés est du domaine exclusif de l’Etat, qui leur concède l’exploitation. De ce point de vue, la régulation du secteur de l’audiovisuel est plus aisée parce qu’il suffit de ne pas respecter certaines dispositions du cahier des charges pour que l’autorité de régulation, à la limite, vous retire les fréquences.

En revanche, la régulation n’est pas du tout facile dans la presse écrite et le CNP, chargé de ce secteur, a tous les problèmes. Il suffit que les autorités du CNP élèvent la voix contre un organe pour que le lendemain, l’organe en question les traite de tous les noms ou même qu’une solidarité se tisse selon les affinités entre les lignes éditoriales quand on a épinglé tel ou tel journal.

En ce qui me concerne, je me félicite, au regard de la nouvelle loi qui a été votée en décembre 2004, que le CNCA ait été renforcé du point de vue de ses pouvoirs de sanction, de dissuasion. Et nombreuses sont les radios qui en payent le prix. Quand vous ne respectez pas les dispositions qui selon nous, sont capitales, nous fermons la radio.

Les sanctions vont de la mise en demeure jusqu’à la suspension provisoire ou définitive en passant par les amendes pécuniaires... L’exemple d’application la plus récente est celle de RFI.

Justement, la suspension de la fréquence à RFI a fait des vagues en son temps. Qu’est-ce que vous reprochez exactement à cette station ?

• Moi-même étant journaliste, ce n’est pas de gaieté de cœur que je suis associé à certaines décisions quand bien même elles ont une base légale. Vous comprenez donc la méfiance que la corporation des journalistes peut avoir vis-à-vis des instances de régulation, surtout si elles sont un démembrement de l’Etat.

Si je me place du point de vue de la légalité, ce confrère (RFI) n’est pas à la première fois. Nombreuses sont les mises en demeure qu’on a adressées à cette radio, ainsi que les sanctions pécuniaires, et même la suspension provisoire.

Elle a été déjà suspendue pour 24 heures avant d’être rétablie. Cette dernière sanction (retrait de fréquence) est intervenue après que le CNCA eut reçu le président directeur général, M. Antoine Schwarz et son premier conseiller technique, M. Michel Guérin.

Ils sont venus au siège de l’institution, nous avons échangé sur toutes les questions relatives à la gestion du cahier des charges qui leur ont été assignées. Des engagements ont été pris disant que désormais la radio se conformerait aux prescriptions du cahier des charges. Deux semaines jour pour jour après, nous avons eu à reprocher à RFI ce qui allait entraîner la suspension jusqu’à nouvel ordre de cette station.

De quoi s’agit-il exactement ?

• Il s’agit du mauvais traitement de l’information. Nous avons constaté malheureusement que depuis que la crise a éclaté en Côte d’Ivoire, ce confrère s’inscrit dans une position que nous ne comprenons pas du point de vue professionnel.

Très souvent, quand il donne la parole à une partie, l’autre partie n’a pas ce privilège. Nous avons attiré son attention sur cette question, mais rien n’y fit. Vous avez appris qu’un des officiers supérieurs de notre armée, le colonel Désiré Bakassa Traoré, a trouvé la mort suite à une interpellation dont il aurait fait l’objet.

Il aurait été rudoyé mais jusqu’à preuve du contraire, nous ne savons pas quelles sont les causes réelles de ce décès que tout le monde regrette. Mais RFI a balancé comme ça que le colonel serait mort de suite de la bastonnade dont il a été victime.

Alors même que l’état-major de l’armée ivoirienne affirmait n’avoir pas connaissance de ce que la victime aurait été rudoyée. Selon l’état-major, le monsieur aurait même dit qu’il n’a pas été rudoyé. Toujours est-il que RFI, dans la relation des faits, n’a pas cru bon de rapporter la version des faits de l’état-major.

C’est tout ce qu’on lui reproche. C’est un officier et cette radio a rapporté les témoignages des proches et amis de la victime sans recouper l’information auprès de l’état-major.

Vous accusez donc RFI de parti pris ?

• Disons de traitement non professionnel de l’information. Si c’est cela le parti pris, d’accord. Une information doit être recoupée auprès de plusieurs sources. Si vous avez une version vous devez avoir l’autre. Cela n’a pas été fait. C’est le premier reproche.

Le second reproche concerne ce qu’elle appelle Guitrozon et Petit Duékoué dans le département de Duékoué. On a parlé de 100 à 115 morts. Mais les circonstances de ce drame n’ont pas été encore établies par une enquête impartiale.

Quand les populations étaient encore sous le choc, RFI a annoncé qu’une enquête de l’ONUCI aurait établi que ces tueries seraient le fait des autorités, qui auraient armé des milices à cet effet.

Dès la diffusion de cette information, le porte-parole de l’ONUCI Hamedoun Touré, a démenti l’existence d’un résultat d’enquête de l’ONUCI, encore moins d’un service de renseignement des Nations unies qui aurait produit ce document. Ce démenti a été fait à la presse.

Le CNCA a approché M. Hamedoun Touré qui a confirmé l’inexistence de ce document. RFI aurait pu rapporter dans ses éditions suivantes le démenti de l’ONUCI, mais elle n’est plus revenue sur cette information.

Ce qui n’est pas normal du point de vue professionnel et éthique. Nous avons demandé par écrit à RFI les preuves de l’authenticité des documents, ce qui n’a pas été possible. Ils n’ont pas pu s’expliquer.

Ils n’ont pas pu nous convaincre du moins. Donc le Conseil a statué et a estimé que ça faisait un peu trop de traitement non professionnel de l’information et a prononcé la suspension.

La levée de la suspension était conditionnée à un certain nombre de mesures : notamment la publication, au moins cinq fois du démenti sur l’antenne de RFI ; la prise d’un engagement ferme devant le CNCA de traitement professionnel de l’information ; le payement d’une amende pécuniaire de 9 millions de francs CFA auprès du Conseil.

Voilà les 3 conditions que doit observer cette radio avant la levée de la sanction.

Quelles dispositions particulières, le CNCA a-t-il prises dans la perspective de la présidentielle ivoirienne ?

• Pour une structure comme le CNCA, pour être efficace, il faut s’équiper. Nous sommes dans un environnement numérisé, ce qui nous permet d’assurer le monitoring assez facilement en matière de son et de vidéo de tous les programmes des radios et télé sur tout le territoire national.

Mais les moyens techniques restent à parfaire parce que notre ambition est de capter toutes les radios qui sont émises sur le territoire par le biais des mini-stations-relais reliées à un satellite.

Ainsi, nous pourrons capter le son depuis Abidjan. C’est un gros projet. Aujourd’hui, nous avons réussi à couvrir la région abidjanaise, mais nous comptons élargir le système à tout le territoire.

En ce qui concerne les moyens financiers, nous avons monté un dossier que nous avons introduit auprès des autorités. Nous attendons qu’elles mettent une dotation conséquente à notre disposition.

Les moyens humains, nous les avons. Nous avons le personnel pour assurer la cellule de veille du monitoring. Du point de vue juridique et administratif, nous avons pris un certain nombre de décisions.

La première est que nous avons demandé aux radios privées de s’abstenir de rapporter les interviews, enquêtes pendant cette période de précampagne ; la campagne n’étant pas encore ouverte. Nous n’avons pas encore de télévision privée. Cette décision concerne la télévision et la radio publiques, les radios privées.

Pendant la campagne même, il y aura des recommandations : nous allons montrer la direction à suivre, dégager les temps d’antenne, l’ordre de passage, ce qu’il faut dire, ou ne pas dire, etc.


Clément Houenontin, vice-président de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) du Bénin

"On va désactiver les journalistes attachés de presse"

M. Clément Houenontin, vous êtes le vice-président de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication du Bénin, et le moins que l’on puisse dire est que la presse, dans ce qui était le quartier latin de l’Afrique, est assez riche et diversifiée.

• Tout à fait ! C’est une presse qui foisonne, et qui, manifestement du dehors, impressionne de par sa quantité. Aujourd’hui on gère 37 quotidiens sur 79 parutions au total ; nous gérons aussi près de 70 stations radios et télé dont 4 chaînes de télévision privées.

C’est une presse qui a ses qualités et ses défauts, et c’est ce qui explique aujourd’hui tout le souci de l’instance de régulation de recalibrer les choses afin que la presse retrouve toute sa noblesse dans un paysage où elle est absolument appelée à jouer un rôle de premier plan.

Vous parliez tantôt de qualités et de défauts, qu’est-ce que c’est exactement ?

• Au nom de la liberté d’expression, les lois n’ont pas prévu de conditions particulières, par exemple pour la création des journaux. Cela explique qu’aujourd’hui vous trouviez quelqu’un qui est journaliste stagiaire dans une rédaction, et demain, qu’il est devenu directeur de publication.

Voilà des aberrations que nous gérons au Bénin. Cela entraîne immanquablement une baisse de régime au niveau de la qualité des articles et des analyses ; cela explique aussi un certain nombre de dérapages auxquels il va falloir trouver des solutions.

Toutefois, la presse béninoise reste une sorte de garantie de l’expression démocratique. Qu’il s’agisse des gens de l’opposition ou des hommes du pouvoir, tout le monde reconnaît que cette presse joue un rôle majeur malgré les insuffisances qu’elle comporte et que nous avons la mission de corriger.

Est-ce qu’il n’y a pas également des goulots d’étranglement au niveau financier ?

• Evidemment ! Quand on a 37 quotidiens, vous comprenez qu’il n’y a pas ce paysage médiatique, économiquement parlant, qui puisse offrir des parutions fondées sur le financement par la publicité.

Il existe des médias qui sont soutenus sous cape par des puissances politiques, financières ; tout cela ne nous échappe pas.

Et ça pose aussi le problème de la crédibilité de cette presse vis-à-vis du consommateur. Nous avons l’obligation de ramener tout le monde dans le droit chemin.

Concernant le financement, l’Etat a essayé de faire quelque chose en mettant chaque année à la disposition de cette presse 300 millions de FCFA.

Mais aujourd’hui ça ne vaut plus rien. Au départ il n’y avait que 5 quotidiens qui se partageaient cette somme, et ça permettait à des quotidiens d’avoir jusqu’à 30 à 40 millions ; de nos jours ce n’est plus possible.

Il va falloir donc recentrer les débats sur le financement de la presse d’une autre façon, et c’est ce que nous sommes en train de faire.

Bientôt vous serez, vous aussi, en période électorale. Comment cette échéance se prépare au niveau de la HAAC ?

• Elle se prépare dans la sérénité, nous ne nous laisserons pas faire, parce que tout embrasement qui part de la presse, naturellement est mortel pour un pays, pour la démocratie.

Cela dit, nous allons commencer par mettre de l’ordre dans l’exercice même de la profession. Nous avons l’impression, en faisant le tour des rédactions, que les journalistes se considèrent actuellement comme des citoyens entièrement à part, alors qu’ils devraient être tout au plus des citoyens à part entière.

Et il va falloir fixer les conditions d’accès à la profession par l’attribution de la carte de presse. C’est l’une des tâches urgentes que nous devons pouvoir exécuter d’ici fin décembre, pour que tout se passe dans la tranquillité voulue par le peuple.

Il est question en ce moment de "désactiver" les journalistes qui ont une double casquette. En quoi cela va-t-il consister ?

• C’est très simple. Nous avons une curiosité chez nous où des gens qui se disent journalistes exercent la profession d’attaché de presse. Or les deux fonctions sont incompatibles.

C’est d’ailleurs reconnu par le code de déontologie de la presse béninoise. Ceux qui voudraient naviguer sur ces deux eaux-là seront réellement désactivés.

Ils devront choisir d’être attachés de presse, donc propagandistes, fabriquants d’images, ou bien journalistes avec tout ce que cela comporte comme exigence.

Est-ce que cela va concerner les journalistes qui sont membres de plein droit de partis politiques, mais qui sont toujours dans les rédactions ?

• Le problème va se poser surtout au niveau de la presse de service public qu’on appelle aussi la presse d’Etat. C’est inconcevable par exemple qu’un journaliste d’un organe de service public soit dans des instances dirigeantes de partis politiques et exerce dans une rédaction.

Il y a comme un viol de la conscience du peuple. Nous ne pouvons accepter cela. Si au nom de sa liberté de pouvoir faire ce qu’il veut dans la république, il va dans un parti politique, il devra pour l’instant mettre fin à ses fonctions dans les rédactions et s’occuper de son parti, quitte à ce qu’après les élections on remette les choses en ordre.

Car nous ne voulons pas cet amalgame qui met le pays dans des problèmes difficiles à gérer ; d’où la nécessité de les désactiver.

Propos recueillis par Ousséni Ilboudo

D. Evariste Ouédraogo

Agnan Kayorgo

Tiégna Mahamadi (Stagiaire)

Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique